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20/06/2000 | FRANCE | N°98NT00129

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 20 juin 2000, 98NT00129


Vu la décision n s 171542 - 172401 du 29 décembre 1997, enregistrée au greffe de la Cour le 21 janvier 1998 sous le n 98NT00129, par laquelle le Conseil d'Etat statuant sur les pourvois formés par la société civile immobilière de Boumois et la commune de Saint Martin-de-la-Place contre l'arrêt n s 94NT00579 et 94NT00618 de la Cour administrative d'appel de Nantes du 31 mai 1995 ayant, d'une part, rejeté la requête de la commune de Saint Martin-de-la-Place tendant à l'annulation et au sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Nantes du 6 avril 1994 l'ayant condamn

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Vu la décision n s 171542 - 172401 du 29 décembre 1997, enregistrée au greffe de la Cour le 21 janvier 1998 sous le n 98NT00129, par laquelle le Conseil d'Etat statuant sur les pourvois formés par la société civile immobilière de Boumois et la commune de Saint Martin-de-la-Place contre l'arrêt n s 94NT00579 et 94NT00618 de la Cour administrative d'appel de Nantes du 31 mai 1995 ayant, d'une part, rejeté la requête de la commune de Saint Martin-de-la-Place tendant à l'annulation et au sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Nantes du 6 avril 1994 l'ayant condamnée à verser à la S.C.I. de Boumois une indemnité de 275 000 F en raison de l'illégalité de l'arrêté municipal du 23 septembre 1985 suspendant les travaux d'affouillement d'un étang sis sur la propriété, d'autre part, partiellement fait droit à la requête de la S.C.I. de Boumois en portant à 313 529 F le montant de l'indemnité due par la commune à la société,
a annulé ledit arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour ;
Vu l'ensemble des pièces du dossier transmis par le Conseil d'Etat ;
I), Vu les mémoires, enregistrés au greffe de la Cour le 3 juin 1994
sous le n 94NT00579, présentés pour la commune de Saint Martin-de-la-Place (Maine-et-Loire), représentée par son maire en exercice, par Me Y..., avocat au barreau d'Angers ;
La commune de Saint Martin-de-la-Place demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 922832 du 6 avril 1994 par lequel le Tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser à la société civile immobilière (S.C.I.) de Boumois une indemnité de 275 000 F en raison de l'illégalité de l'arrêté municipal du 23 septembre 1985 suspendant les travaux d'affouillement d'un étang sis sur la propriété de la S.C.I. ;
2 ) en attendant, d'ordonner, en application de l'article R.125 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le sursis à exécution dudit jugement ;
3 ) de rejeter la demande de la S.C.I. de Boumois ;
II), Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 14 juin et 19 juillet 1994 sous le n 94NT00618, présentés par la société civile immobilière (S.C.I.) de Boumois, par Me Z..., avocat ;
La S.C.I. de Boumois demande à la Cour d'annuler le jugement n 922832 du 6 avril 1994 en tant que le Tribunal administratif de Nantes a limité l'indemnité mise à la charge de la commune de Saint Martin-de-la-Place à la somme de 275 000 F et de condamner ladite commune à lui verser une indemnité de 806 116 F, avec intérêts à compter du 26 août 1991 ;
III), Vu le mémoire, enregistré le 12 février 1998, présenté pour la société civile immobilière (S.C.I.) de Boumois, par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation qui
conclut aux mêmes fins que sa requête enregistrée le 19 juillet 1994 par les mêmes moyens ;
La S.C.I. de Boumois demande, en outre, que soit prise en compte la note produite le 19 mai 1995, postérieurement à l'audience de la Cour, dans laquelle elle soutient, contrairement aux conclusions prononcées le 19 mai 1995 par le commissaire du gouvernement, que la chasse peut être pratiquée sur l'étang sans danger pour la sécurité des personnes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le décret n 58-1084 du 6 novembre 1958 portant règlement d'administration publique pour la détermination des dispositions techniques applicables dans les parties submersibles de la Vallée de la Loire dans les départements de la Loire-Atlantique et de Maine-et-Loire ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2000 :
- le rapport de Mme THOLLIEZ, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société civile immobilière (S.C.I.) de Boumois a été autorisée à aménager un étang par arrêté du maire de Saint Martin-de-la-Place du 11 janvier 1983, qui, par un autre arrêté du 23 septembre 1985, a prescrit l'interrup-tion des travaux entrepris sur le fondement de cette autorisation ; que par décision du 17 mai 1991, le Conseil d'Etat a annulé le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 3 juillet 1986 ayant rejeté la demande de la S.C.I. de Boumois dirigée contre l'arrêté municipal du 23 septembre 1985 susmentionné, qu'il a lui-même annulé pour erreur de droit et erreur d'appréciation ; qu'à la suite de cette décision, la S.C.I. a obtenu, par jugement du Tribunal administratif de Nantes du 6 avril 1994, la condamnation de la commune de Saint Martin-de-la-Place à lui verser une indemnité de 275 000 F en réparation des préjudices subis résultant de l'illégalité dudit arrêté du 23 septembre 1985 ; que, par décision du 29 décembre 1997, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 31 mai 1995 par lequel la Cour administrative d'appel de Nantes avait porté à 313 529 F le montant de cette indemnité, et a renvoyé l'affaire devant la Cour ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, contrairement à ce que soutient la S.C.I. de Boumois, la commune de Saint Martin-de-la-Place avait, dans son mémoire en défense produit le 18 février 1993 devant le Tribunal, demandé expressément le rejet de l'indem-nisation du préjudice né du surcoût de construction des huttes destinées à la chasse aux canards en raison de la péremption du permis de construire ces édifices ; qu'ainsi, la S.C.I. requérante n'est pas fondée à soutenir que le Tribunal aurait soulevé d'office ce moyen sans en avoir préalablement informé les parties à l'instance, en méconnaissance des dispositions de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article R.442-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de l'autorisation d'affouillement délivrée par le maire de Saint Martin-de-la-Place : "Dans les communes ou parties de communes mentionnées à l'article R.442-1 ... est subordonnée à l'obtention d'une autorisation préalable délivrée, au nom de l'Etat, la réalisation d'installation ou de travaux dans les cas ci-après énumérés lorsque l'occupation ou l'utilisation du terrain doit se poursuivre durant plus de trois mois : ... - c) les affouillements et exhaussements du sol, à la condition que leur superficie soit supérieure à 100 m et que leur hauteur, s'il s'agit d'un exhaussement, ou leur profondeur dans le cas d'un affouillement, excède deux mètres" ; qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 6 novembre 1958 concernant les dispositions techniques applicables dans les parties submersibles de la Vallée de la Loire, notamment celles situées dans le département de Maine-et-Loire : "Il est interdit de creuser des puits, caves, fosses ou excavations quelconques dans la zone comprise de part et d'autre des levées entre des parallèles tracées à 19,50 mètres de l'intersection des talus extérieurs des levées avec le sol naturel" ; qu'aux termes de l'article 15 du même décret : "A l'intérieur de la zone "A" (zone submersible, dite de grand débit), toute création d'obstacle à l'écoulement ou à l'emmagasinement des crues et tout dépôt sont interdits. - Toutefois, des obstacles ou des dépôts de cet ordre pourront être exceptionnellement autorisés par le préfet si leur présence ne rend pas plus difficile l'écoulement des crues ni ne réduit l'accumulation des eaux en temps de crue. - Ces obstacles et dépôts ne peuvent en aucun cas être édifiés à moins de 10 mètres de la crête de la berge.", et de son article 16 : "A l'intérieur de la zone "B" (zone submersible, dite complémentaire), tout obstacle à l'écoulement ou à l'emmagasinement des eaux et tout dépôt ne peuvent être entrepris qu'après déclaration prévue à l'article 7 du règlement d'administration publique du 20 octobre 1937 et sous réserve qu'ils n'aient pas fait l'objet de l'interdiction prononcée par le préfet conformément à l'article 3 du décret du 30 octobre 1935. - Ces obstacles et dépôts ne peuvent être en aucun cas édifiés à moins de 10 mètres de la crête de la berge." ; qu'enfin, aux termes de son article 18 : "Les autorisations, interdictions ou décisions de non-interdiction réservées au préfet par le présent décret sont prises après avis de l'ingénieur en chef du service spécial de la Loire." ;

Considérant que la S.C.I. de Boumois a été autorisée à aménager un étang par arrêté du maire de Saint Martin-de-la-Place du 11 janvier 1983, inexactement qualifié de permis de construire, mais constituant en réalité une autorisation d'affouillement délivrée en application de l'article R.442-2 du code de l'urbanisme ; qu'il résulte de l'instruction qu'eu égard à la localisation de l'étang, à proximité même des levées de la Loire, ladite autorisation du maire de Saint Martin-de-la-Place délivrée après avis du service de la navigation de la Loire donné sous réserve du respect des dispositions du décret susvisé du 6 novembre 1958, ne pouvait ainsi valoir autorisation du préfet de Maine-et-Loire de réaliser un plan d'eau en bordure de la levée du fleuve conformément aux dispositions précitées des articles 2, 15, 16 et 18 dudit décret du 6 novembre 1958 ; qu'il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par ordonnance de référé du Tribunal de grande instance de Saumur que le projet ne respectait pas, en tout état de cause, les dispositions précitées de l'article 2 du décret du 6 novembre 1958 qui interdit de creuser aucune excavation dans une zone comprise entre l'intersection du terrain naturel et du talus de la levée et une parallèle tracée à 19,50 mètres de cette ligne ; qu'ainsi, l'arrêté du 11 janvier 1983 ne permettait pas à la S.C.I. de Boumois de réaliser le plan d'eau projeté ; que, par suite, alors même que la S.C.I. de Boumois se prévaut de l'illégalité de l'arrêté du maire de Saint Martin-de-la-Place du 23 septembre 1985 lui prescrivant d'interrompre les travaux d'aménagement de son étang, la S.C.I. n'établit pas l'existence d'un lien de cause à effet entre la faute commise par le maire dans son arrêté du 23 septembre 1985 et les différents préjudices qu'elle invoque ; que, dès lors, la S.C.I. de Boumois ne saurait être indemnisée des intérêts de deux emprunts contractés à fin d'aménager l'étang, ni du surcoût des travaux de réalisation de l'étang et des huttes à canards, ainsi que des plantations de végétaux, ni encore des frais occasionnés par la ramenée du matériel, ni enfin des frais exposés à l'occasion d'une étude de faisabilité d'un autre projet d'étang ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Saint Martin-de-la-Place est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser une indemnité de 275 000 F à la S.C.I. de Boumois ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la commune de Saint Martin-de-la-Place, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la S.C.I. de Boumois la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de condamner la S.C.I. de Boumois à payer à la commune de Saint Martin-de-la-Place une somme de 6 000 F au titre desdits frais ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 6 avril 1994 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société civile immobilière de Boumois devant le Tribunal administratif et les conclusions de sa requête d'appel sont rejetées.
Article 3 : La société civile immobilière de Boumois versera à la commune de Saint Martin-de-la-Place une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière de Boumois, à la commune de Saint Martin-de-la-Place et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98NT00129
Date de la décision : 20/06/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-04-01-04-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE INDEMNISABLE DU PREJUDICE - AUTRES CONDITIONS - LIEN DE DROIT


Références :

Arrêté du 11 janvier 1983
Arrêté du 23 septembre 1985
Code de l'urbanisme R442-2
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R153-1, L8-1
Décret 58-1084 du 06 novembre 1958 art. 2, art. 15, art. 16, art. 18


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme THOLLIEZ
Rapporteur public ?: Mme COËNT-BOCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2000-06-20;98nt00129 ?
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