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28/06/2004 | FRANCE | N°03NT01672

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 28 juin 2004, 03NT01672


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour, respectivement, le 31 octobre 2003 et le 7 janvier 2004, présentés pour le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes, représenté par son directeur général en exercice, dont le siège est 2, rue Henri Le Guilloux 35000 Rennes, par Me LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Le CHU de Rennes demande à la Cour d'annuler l'ordonnance n° 02-2609 du 13 octobre 2003 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à Ml

le X une provision de 22 500 euros à valoir sur l'indemnisation de son pr...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour, respectivement, le 31 octobre 2003 et le 7 janvier 2004, présentés pour le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes, représenté par son directeur général en exercice, dont le siège est 2, rue Henri Le Guilloux 35000 Rennes, par Me LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Le CHU de Rennes demande à la Cour d'annuler l'ordonnance n° 02-2609 du 13 octobre 2003 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à Mlle X une provision de 22 500 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;

...........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

C

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 juin 2004 :

- le rapport de M. SIRE, premier conseiller,

- les observations de Me DEMAILLY, substituant Me LE PRADO, avocat du CHU de Rennes,

- les observations de Me YEU, substituant Me CARTRON, avocat de Mlle X,

- et les conclusions de M. COËNT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes demande à la Cour d'annuler l'ordonnance du 13 octobre 2003 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes l'a condamné à payer à Mlle X une provision de 22 500 euros à valoir sur l'indemnité à laquelle cette dernière peut prétendre, en réparation du préjudice résultant d'un défaut de surveillance médicale ayant entraîné sa cécité ; que Mlle X demande, par la voie de l'appel incident, que le montant de ladite provision soit porté à 40 000 euros ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par Mlle X :

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant en premier lieu, qu'en estimant que l'existence d'une obligation non sérieusement contestable était établie dès lors que, notamment, selon les pièces versées au dossier, la surveillance ophtalmologique par le neurologue traitant du CHU de Rennes s'est révélée défectueuse de 1991 à 1996, la découverte d'une lésion au scanner et en IRM imposant une surveillance radiologique régulière et systématique et une surveillance clinique par étude du fond de l'oeil, conformément aux usages, le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a suffisamment motivé sa décision au regard des moyens des parties et des conditions de fond d'octroi d'une provision posées par l'article R. 541-1 précité du code de justice administrative ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que le juge des référés n'ait pas pris en compte, pour considérer que l'obligation du CHU n'était pas sérieusement contestable, le contre-rapport d'un spécialiste, mandaté par l'hôpital lui-même et dont les observations n'ont pas été soumises à la procédure contradictoire, n'est pas de nature à entacher l'ordonnance attaquée d'un défaut de motivation ;

Considérant, en dernier lieu, que pour admettre le caractère non sérieusement contestable de l'obligation du CHU de Rennes envers Mlle X, le premier juge s'est nécessairement, bien qu'implicitement, prononcé sur l'absence de manque d'objectivité du rapport ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'omission à statuer sur ce point manque en fait ;

Sur l'existence d'une obligation non sérieusement contestable :

En ce qui concerne la régularité des opérations d'expertise :

Considérant, d'une part, que si le CHU soutient que l'expert, désigné par ordonnance de référé du 10 mai 2000, s'est adjoint la collaboration d'un sapiteur sans obtenir l'autorisation préalable du président du tribunal administratif, il ressort des pièces du dossier que cette désignation a fait l'objet d'une autorisation expresse délivrée le 4 juillet 2000 ; que, dès lors, ce moyen manque en fait et doit être écarté ;

Considérant, d'autre part, que si le CHU soutient que le rapport d'expertise est partial et manque d'objectivité, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de cette allégation ;

En ce qui concerne le bien-fondé de la provision :

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative que le juge des référés dispose du pouvoir d'apprécier si, en l'état de l'affaire, l'obligation invoquée par la partie qui demande la provision est ou n'est pas sérieusement contestable ; qu'il lui appartient également, même lorsque les conditions fixées par l'article R. 541-1 sont remplies, d'apprécier, dans chacun des cas qui lui sont soumis, s'il y a lieu d'accorder la provision demandée ;

Considérant que pour apprécier l'existence d'un lien direct et certain entre le défaut de suivi ophtalmologique du CHU de Rennes entre 1991 et 1996 et les troubles visuels dont demeure atteinte Mlle X, le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes s'est, à bon droit, basé sur le rapport de l'expert, régulièrement désigné par ordonnance du 10 mai 2000 ; qu'il ressort du contenu dudit rapport que Mlle X était porteuse, dès 1983, d'une volumineuse lésion intra-cérébrale, à développement fronco-central hémisphérique droit, qui s'est avérée radiologiquement stable jusqu'en 1987 ; que si le pédiatre traitant de Mlle X a signalé, dès 1989, la nécessité d'une surveillance clinique régulière, aucun suivi ophtalmologique, ou par imagerie neuro-radiologique, de la tumeur frontale n'a, pour autant, été assuré, entre janvier 1991 et mai 1996, par le neurologue du CHU de Rennes ; que l'expert qualifie de légèreté voire de négligence l'absence, durant cette période, de tout examen du fond de l'oeil de Mlle X alors que l'origine lésionnelle de sa pathologie cérébrale était particulièrement connue ; qu'ainsi, au vu de ce rapport, les circonstances de fait permettent de considérer qu'en l'état de l'instruction, une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier, de nature à engager la responsabilité du CHU, est à l'origine des troubles visuels de Mlle X ; que la circonstance, alléguée par l'hôpital, que cette dernière, à la suite d'un déménagement, ne se serait plus spontanément présentée au CHU à compter de décembre 1994, s'avère contredite par les éléments de l'instruction et, notamment, par un protocole d'examen spécial comportant l'indication d'un examen de l'intéressée auprès du neurologue hospitalier le 7 décembre 1995 ; que par suite, l'obligation du CHU envers Mlle X ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme étant sérieusement contestable ;

Sur le montant de la provision litigieuse :

Considérant que le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes, en fixant à la somme de 22 500 euros le montant de la provision à allouer par le CHU à Mlle X, n'a fait une évaluation ni excessive, ni insuffisante, du montant de ladite provision ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le CHU de Rennes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance du 13 octobre 2003 attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à Mlle X une provision de 22 500 euros à valoir sur l'indemnité susceptible d'être mise à sa charge, d'autre part, que les conclusions incidentes présentées par Mlle X doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner le centre hospitalier universitaire de Rennes à verser à Mlle X la somme de 1 000 euros que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes et les conclusions incidentes de Mlle X sont rejetées.

Article 2 : Le CHU de Rennes versera à Mlle X la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au CHU de Rennes, à Mlle Rozenn X, à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine et au ministre de la santé et de la protection sociale.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 03NT01672
Date de la décision : 28/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: M. Philippe SIRE
Rapporteur public ?: M. COENT
Avocat(s) : CARTRON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-06-28;03nt01672 ?
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