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15/12/2004 | FRANCE | N°01NT02092

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre, 15 décembre 2004, 01NT02092


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 20 novembre 2001, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 4, 5, et 7 du jugement n° 9750 en date du 5 juillet 2001 par lesquels le Tribunal administratif de Rennes a accordé à M. Jean-Bernard X une réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1989 ;

2°) de rétablir M. X au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1989 à hauteur des droits et pénalit

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Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 20 novembre 2001, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 4, 5, et 7 du jugement n° 9750 en date du 5 juillet 2001 par lesquels le Tribunal administratif de Rennes a accordé à M. Jean-Bernard X une réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1989 ;

2°) de rétablir M. X au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1989 à hauteur des droits et pénalités correspondant à la réduction erronée de sa base d'imposition de la somme de 39 595 F décidée à l'article 4 ;

3°) à titre principal de décider que M. X est imposable à l'impôt sur le revenu de l'année 1989 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur la somme de 112 815 F perçue au titre de l'intéressement, et de le rétablir au rôle de l'impôt sur le revenu correspondant à hauteur des droits et des seuls intérêts de retard déchargés à ce titre par les premiers juges ;

4°) à titre subsidiaire de décider que M. X est imposable à l'impôt sur le revenu de l'année 1989 dans la catégorie des traitements et salaires sur la somme de 112 815 F perçue au titre de l'intéressement et de le rétablir au rôle de l'impôt sur le revenu correspondant à hauteur des droits et des seuls intérêts de retard résultant de cette base d'imposition ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2004 :

- le rapport de M. Grangé, rapporteur ;

- les observations de Me Seychal, avocat de M. X ;

- et les conclusions de M. Lalauze, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 1989 et 1990 ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie fait appel du jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 5 juillet 2001 en tant qu'il a accordé au contribuable des réductions de la cotisation établie au titre de l'année 1989 ; que M. X forme appel incident du même jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions ;

Sur la recevabilité des conclusions de M. X :

Considérant, d'une part, que, comme il a été dit ci-dessus, l'appel du ministre ne tend qu'à un rétablissement de la cotisation supplémentaire assignée à M. X au titre de l'année 1989 dont la réduction a été ordonnée par le tribunal ; que la circonstance que le ministre, par suite d'une erreur matérielle, demande l'annulation, et non la réformation, de l'article 7 du jugement qui accorde également au contribuable une réduction de la cotisation établie au titre de l'année 1990 est sans incidence sur la portée de son appel ; que, dès lors, les conclusions incidentes de M. X visant la cotisation établie au titre de l'année 1990 soulèvent un litige distinct de l'appel principal ; qu'il résulte de l'instruction qu'elles ont été enregistrées après l'expiration du délai d'appel ; qu'elles ne sont, dès lors pas recevables ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que le redressement assigné à M. X au titre de l'année 1989 et afférent à des frais de téléphone exposés par l'intéressé et pris en charge par la société Dinan surgélation, dont il était président-directeur général, a fait l'objet d'un dégrèvement d'office prononcé en cours d'instance devant le tribunal administratif et dont celui-ci a tenu compte en prononçant le non-lieu correspondant ; que les conclusions de M. X tendant à la décharge de l'imposition résultant de ce redressement sont donc sans objet, et, par suite, irrecevables ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des motifs du jugement que le tribunal a entendu accorder à M. X une réduction correspondant à l'imposition au titre de 1990 de frais de déplacement ; que le ministre est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement a, dans son dispositif, déchargé le contribuable à raison de ce chef de redressement au titre de l'année 1989 pour un montant en base d'imposition de 39 595 F ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement dans cette mesure ;

Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce qu'il soutient, le tribunal a répondu, par des motifs suffisants, au moyen soulevé par M. X et tiré de ce que l'administration aurait irrégulièrement omis de motiver, dans la notification de redressement et la réponse aux observations du contribuable, l'application des intérêts de retard aux rappels effectués ;

Sur le surplus du recours du ministre :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que par une délibération du 22 février 1990, le conseil d'administration de la SA Dinan surgélation a fixé la rémunération de M. X, président-directeur général, en y incluant un intéressement brut annuel égal à 15 % du bénéfice net comptable dégagé par la société avant comptabilisation de l'impôt sur les sociétés, précisant que cet intéressement serait servi par acomptes mensuels au vu de situations comptables établies mensuellement par la société, une régularisation devant intervenir pour l'exercice passé le jour de l'assemblée générale ordinaire qui statuera sur les comptes ; qu'il est constant qu'une somme de 178 750 F a été versée à M. X au titre de cet intéressement au cours de l'exercice clos le 30 avril 1990, dont 112 815 F au cours de l'année 1989 ; que, par délibération du 14 septembre 1990, le conseil d'administration, après avoir arrêté le résultat déficitaire de l'exercice clos le 30 avril 1990, a ratifié la rémunération complémentaire versée à M. X dans ses fonctions de président au cours de l'exercice ; que l'assemblée générale de la société a le 29 octobre 1990 approuvé les comptes et les conventions passées pendant l'exercice ;

Considérant que l'administration a considéré que la somme versée à M. X à titre d'intéressement n'était pas déductible des résultats de la société et a imposé celui-ci, qui avait déclaré ce revenu dans la catégorie des traitements et salaires, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que c'est à tort que le tribunal administratif, pour accorder la décharge de cette imposition, s'est fondé sur ce qu'il estimait que l'intéressement était déductible des résultats de la société, alors que cette circonstance ne peut, à elle seule, justifier une absence d'imposition entre les mains du bénéficiaire ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X tant en première instance qu'en appel ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : ... Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée. ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, en réponse à la notification de redressement qui lui a été adressée le 23 octobre 1992, s'est borné à indiquer qu'il contestait totalement les redressements notifiés et à demander un réexamen de son dossier en se référant aux arguments, sans les préciser, présentés lors d'entretiens préalables avec le vérificateur ; qu'eu égard à la teneur de ces observations, l'administration a pu, sans méconnaître les dispositions de l'article L.57 du livre des procédures fiscales, se contenter de confirmer intégralement les redressements en précisant que tous les arguments pouvant être admis dans le cadre de la loi fiscale avaient été retenus ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la somme litigieuse, eu égard aux modalités selon lesquelles elle a été arrêtée, se rattache à l'activité salariée de M. X dans la société ; que l'administration ne soutient pas qu'elle constituerait un avantage occulte ni qu'elle aurait eu pour effet de porter la rémunération globale de l'intéressé à un niveau excessif ; que le ministre n'est, par suite, pas fondé à demander le rétablissement de l'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que, toutefois, le ministre, qui est en droit en tout état de la procédure de donner une nouvelle base légale à l'imposition, est fondé à invoquer le rattachement de ce revenu à la catégorie des traitements et salaires, alors que le contribuable, qui avait d'ailleurs déclaré ce revenu dans cette catégorie, n'a été privé d'aucune garantie de procédure ; qu'il y a lieu, par suite, de faire droit aux conclusions subsidiaires du recours du ministre ;

Sur le surplus du recours incident de M. X :

En ce qui concerne les frais de déplacement :

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, le moyen tiré par M. X d'une insuffisante motivation de la réponse de l'administration aux observations du contribuable doit être écarté ;

Considérant que l'administration a imposé M. X, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à raison du remboursement par la société Dinan surgélation de frais de déplacement exposés par celui-ci, en estimant qu'ils constituaient des dépenses personnelles ; qu'en cours d'instance devant le tribunal administratif elle a entendu ne maintenir qu'une partie du redressement dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en imposer une autre partie, en rattachant ce revenu, par voie de substitution de base légale, à la catégorie des traitements et salaires sur le fondement de l'article 80 ter du code général des impôts, et a prononcé le dégrèvement du surplus du redressement initial ;

Considérant, en premier lieu, que M. X n'est pas fondé, en tout état de cause, à demander la prise en compte au titre de l'année 1990 des frais de 39 595 F à raison desquels le tribunal a accordé à tort une réduction au titre de l'année 1989, dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, ses conclusions visant l'année 1990 ne sont pas recevables ;

Considérant, en deuxième lieu, s'agissant des sommes imposées dans la catégorie des traitements et salaires, qu'aux termes de l'article 80 ter du code général des impôts : a) Les indemnités, remboursements et allocations forfaitaires pour frais versés aux dirigeants de sociétés sont, quel que soit leur objet, soumis à l'impôt sur le revenu. b) ces dispositions sont applicables : 1° Dans les sociétés anonymes : - au président du conseil d'administration ; - au directeur général... ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sommes litigieuses ont été déterminées par la société par application d'un barème kilométrique aux distances parcourues ; que le requérant ne justifie ni la date, ni le nombre des déplacements correspondants ; que les remboursements ainsi déterminés ont dès lors un caractère forfaitaire ; que l'administration était, par suite, fondée, à les imposer dans la catégorie des traitements et salaires ;

Considérant, en troisième lieu, que, s'agissant des sommes imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, M. X ne justifie pas que les sommes qu'il a perçues correspondent au remboursement de dépenses exposées dans l'intérêt de l'entreprise ; que la circonstance, à la supposer établie, que la prise en charge de ces frais par l'entreprise aurait été approuvée par l'assemblée générale de la société ne saurait constituer la justification attendue ; que ces versements ne peuvent, dès lors, être regardés comme des allocations spéciales destinées à couvrir des frais inhérents à la fonction ou à l'emploi, affranchis d'impôt en vertu de l'article 81 du code général des impôts ; que le requérant ne peut utilement se prévaloir, en tout état de cause, d'une instruction administrative SFE 2542 du 1er juillet 1993 postérieure à la mise en recouvrement de l'imposition contestée ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les avantages qui ont ainsi été octroyés à un salarié n'ont pas été inscrits en comptabilité sous une forme explicite ni qu'ils ont eu pour effet de porter la rémunération de l'intéressé à un niveau excessif ; qu'ils ne peuvent, dès lors, être imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que toutefois, le ministre, qui est en droit en tout état de la procédure de donner une nouvelle base légale à l'imposition, est recevable et fondé à demander leur imposition, sur le fondement de l'article 80 ter précité du code général des impôts, en faisant valoir, sans que le contribuable apporte la preuve contraire, que ces allocations ont un caractère forfaitaire ;

En ce qui concerne les pénalités :

S'agissant des intérêts de retard :

Considérant, en premier lieu, que l'intérêt de retard prévu au premier alinéa de l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; que M. X n'est, par suite, pas fondé à soutenir que les intérêts de retard qui ont été mis à sa charge auraient dû faire l'objet d'une motivation ; qu'il ne peut utilement se prévaloir d'une instruction administrative du 6 mai 1988 (BOI 13N-3-88 paragraphe 110), ni d'un commentaire administratif de jurisprudence du 7 août 1991 (BOI 13L-5-91), lesquels, traitant de la procédure d'établissement des pénalités, ne constituent pas des interprétations formelles d'un texte fiscal au sens de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en second lieu, que manque en fait le moyen tiré de ce que le montant des intérêts de retard n'aurait pas été indiqué dans la notification de redressement, en méconnaissance des dispositions de l'article L.48 du livre des procédures fiscales ;

S'agissant des pénalités de mauvaise foi :

Considérant que l'administration n'établit pas, comme elle en a la charge, une intention délibérée de M. X de minorer ses bases d'imposition ; que le contribuable est, dès lors, fondé à demander la décharge des majorations de mauvaise foi maintenues au titre de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu de l'année 1989 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a accordé à M. X une réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1989 à raison de bases d'imposition de 39 595 F (6 036,22 euros) correspondant à des frais de déplacement et de 112 815 F (17 198,54 euros) correspondant à un intéressement, et d'autre part, que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif a rejeté en totalité le surplus de sa demande ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 4 et 5 du jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 5 juillet 2001 sont annulés.

Article 2 : M. X est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1989 à concurrence de la réduction d'imposition prononcée par le tribunal administratif en application de l'article 4 de son jugement.

Article 3 : Pour le calcul de la cotisation d'impôt sur le revenu due par M. X au titre de l'année 1989, il sera réintégré dans la base d'imposition une somme de 17 198,54 euros (dix-sept mille cent quatre-vingt-dix-huit euros cinquante-quatre centimes) dans la catégorie des traitements et salaires.

Article 4 : M. X est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1989, en droits et intérêts de retard, à raison de la base d'imposition définie à l'article 3.

Article 5 : M. X est déchargé des pénalités de mauvaise foi auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1989.

Article 6 : Les articles 7 et 8 du jugement du Tribunal administratif de Rennes sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 7 : Le surplus des conclusions du recours incident de M. X est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. X.

2

N° 01NT02092

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 01NT02092
Date de la décision : 15/12/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: M. Etienne GRANGE
Rapporteur public ?: M. LALAUZE
Avocat(s) : SEYCHAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-12-15;01nt02092 ?
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