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13/02/2006 | FRANCE | N°03NT01854

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre b, 13 février 2006, 03NT01854


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 30 décembre 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99.2851 en date du 16 juillet 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a accordé à la SA CHRISOLA la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 ;

2°) de remettre à la charge de la SA CHRISOLA les impositions susmenti

onnées dont la décharge a été ordonnée par le tribunal ;

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Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 30 décembre 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99.2851 en date du 16 juillet 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a accordé à la SA CHRISOLA la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 ;

2°) de remettre à la charge de la SA CHRISOLA les impositions susmentionnées dont la décharge a été ordonnée par le tribunal ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 2006 :

- le rapport de M. Luc Martin, rapporteur ;

- les observations de Me Proux, avocat de la SA CHRISOLA ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 dudit code : “1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés.” ; qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III audit code : “Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : pour les immobilisations acquises à titre onéreux par l'entreprise, du coût d'acquisition … ; pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale” ; qu'aux termes de l'article 33 bis du code général des impôts : “… les loyers et prestations de toute nature qui constituent le prix d'un bail à construction ont le caractère de revenus fonciers au sens de l'article 14.” ; qu'aux termes de l'article 14 dudit code : “… sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale … : 1° Les revenus des propriétés bâties…” ; qu'enfin, aux termes de l'article 33 ter du même code : “I. Lorsque le prix du bail consiste, en tout ou partie, dans la remise d'immeubles ou de titres dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L.251 ;5 du code de la construction et de l'habitation, le bailleur peut demander que le revenu représenté par la valeur de ces biens calculée d'après le prix de revient soit réparti sur l'année ou l'exercice au cours duquel lesdits biens lui ont été attribués et les quatorze exercices suivants.” ;

Considérant que la SA CHRISOLA a absorbé, le 29 août 1994, la société Etablissements DUSSAUX ; que cette dernière société avait donné un terrain en location à un tiers en vertu d'un bail à construction d'une durée de 18 ans avec prise d'effet au 1er octobre 1976 ; qu'à l'expiration de ce bail, le 30 septembre 1994, et du fait de l'absorption susmentionnée, la SA CHRISOLA est devenue propriétaire des constructions édifiées par le preneur en exécution dudit bail ; qu'elle a inscrit ces constructions à l'actif de son bilan, à la clôture de l'exercice, le 31 août 1995, pour leur valeur vénale de 6 000 000 F ; qu'elle a obtenu du service des impôts que le revenu, imposable entre ses mains, représenté par la valeur de ces constructions calculée d'après leur prix de revient, d'un montant de 5 409 968 F, soit réparti, conformément aux dispositions précitées de l'article 33 ter du code général des impôts, sur l'exercice clos en 1995 et les quatorze exercices suivants ; qu'elle n'a pas déclaré dans son bénéfice imposable la somme de 590 032 F, correspondant à la différence entre la valeur vénale des constructions et leur prix de revient ; que le service a estimé au contraire que cette différence devait être imposée au titre de l'exercice clos en 1995 en application des dispositions précitées du 2 de l'article 38 du code général des impôts ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nantes a accordé à la SA CHRISOLA la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt qui lui ont été assignés en conséquence de ce redressement ;

Considérant, en premier lieu, que l'entrée du bien dans le patrimoine du bailleur au terme d'un bail à construction a pour contrepartie la non-perception par celui-ci de tout ou partie du loyer qu'il aurait pu retirer de la location de son terrain, dans la perspective de l'accession ultérieure à la propriété des constructions pour un prix nul ou sensiblement inférieur à leur prix de revient ; que l'acquisition du bien dans de telles conditions doit être regardée comme effectuée à titre onéreux et non à titre gratuit ; que, par suite, l'entrée dans le patrimoine de la SA CHRISOLA des constructions, à l'expiration du bail à construction, a constitué une acquisition à titre onéreux, alors même que la SA n'a versé aucune indemnité au preneur et que, comme indiqué ci-dessus, le revenu représenté par le prix de revient de ces constructions a été imposé entre ses mains ; que, dès lors, la société intimée était tenue, en application des dispositions précitées de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts, d'inscrire lesdites constructions à son actif à leur coût d'acquisition ; qu'il résulte de l'instruction qu'en les inscrivant à leur valeur vénale, elle a procédé à une écriture comptable délibérément irrégulière que l'administration était en droit de lui opposer ; que la SA CHRISOLA ne peut utilement se prévaloir des principes comptables de sincérité et de fidélité pour justifier de la correction de ladite écriture ; qu'elle ne peut non plus se prévaloir utilement des réponses ministérielles à M. X..., député, du 14 juin 1993, et à M. Y..., sénateur, du 4 mars 1999, relatives à la détermination des plus-values immobilières, dès lors qu'en tout état de cause, elles ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il vient d'être fait application ;

Considérant, en second lieu, qu'eu égard aux règles particulières susrappelées qui régissent l'entrée dans le patrimoine du bailleur, à l'expiration d'un bail à construction, des constructions édifiées par le preneur en exécution de ce bail, l'inscription à l'actif de la SA CHRISOLA des constructions en cause pour leur valeur vénale au lieu de leur prix de revient n'a donné lieu à aucune inscription au passif d'une créance d'une valeur égale à cette différence ; que le ministre est, par suite, fondé à soutenir que cette inscription a entraîné une augmentation de l'actif net à la clôture de l'exercice, dans la mesure de la différence entre la valeur vénale et le prix de revient des constructions, imposable en application du 2 précité de l'article 38 du code général des impôts ; que les dispositions de l'article 33 ter du code général des impôts, applicables en matière de bénéfices industriels et commerciaux en vertu des dispositions combinées des articles 14 et 33 bis du même code lorsque, comme en l'espèce, le titulaire des revenus des propriétés bâties est une entreprise commerciale, ne faisaient pas obstacle, contrairement à ce que soutient la SA CHRISOLA et à ce qu'a jugé le tribunal, à ce que le service imposât ce profit résultant de la variation de l'actif net à la clôture de l'exercice ; que, par suite, l'administration était fondée à intégrer la somme de 590 032 F, correspondant à ce profit, dans le bénéfice imposable de la SA CHRISOLA au titre de l'exercice clos en 1995 ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner l'autre moyen soulevé en première instance par la SA CHRISOLA ;

Considérant que la SA CHRISOLA ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative 4 A-223 du 1er septembre 1993 dès lors qu'elle ne contient aucune interprétation de la loi fiscale contraire à celle dont il vient d'être fait application ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a accordé à la SA CHRISOLA la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt ainsi que des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 à raison de la réintégration dans son bénéfice imposable d'une somme de 590 032 F ;

Sur les conclusions de la SA CHRISOLA tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SA CHRISOLA la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 16 juillet 2003 est annulé.

Article 2 : Les suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt ainsi que les pénalités y afférentes auxquels la SA CHRISOLA a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 et dont elle a été déchargée par le jugement attaqué sont remis à sa charge.

Article 3 : Les conclusions de la SA CHRISOLA tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la SA CHRISOLA.

N° 03NT01854

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre b
Numéro d'arrêt : 03NT01854
Date de la décision : 13/02/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. GRANGE
Rapporteur ?: M. Luc MARTIN
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : PROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-02-13;03nt01854 ?
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