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24/03/2006 | FRANCE | N°05NT01670

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 24 mars 2006, 05NT01670


Vu la requête, enregistrée le 13 octobre 2005, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ; le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-3616 du 13 septembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet, en date du 9 septembre 2005, décidant la reconduite à la frontière de Mme Faykeo X et la décision du même jour fixant le Laos comme pays de destination duquel l'intéressée devait être reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X deva

nt le Tribunal administratif de Rennes ;

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Vu la requête, enregistrée le 13 octobre 2005, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ; le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-3616 du 13 septembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet, en date du 9 septembre 2005, décidant la reconduite à la frontière de Mme Faykeo X et la décision du même jour fixant le Laos comme pays de destination duquel l'intéressée devait être reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Rennes ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 26 janvier 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué M. Martin pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention d'application des accords de Schengen ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2006 :

- le rapport de M. Martin, magistrat délégué,

- les observations de Me L'Hostis substituant Me Cartron, avocat de Mme X,

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (…) ; qu'aux termes de l'article L. 511-2 du même code : Les dispositions du 1° de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne : (…) b) si, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à cette convention, il ne peut justifier être entré sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations de ses articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, et 21, paragraphe 1 ou 2. ;

Considérant qu'aux termes de l'article 10-1 de la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 : Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa, dont la durée de validité est régie par l'article 11, peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum ; qu'aux termes de son article 11-1 : Le visa institué à l'article 10 peut être : a) Un visa de voyage valable pour une ou plusieurs entrées, sans que ni la durée d'un séjour ininterrompu ni la durée totale des séjours successifs puissent excéder trois mois par semestre, à compter de la date de la première entrée ; b) un visa de transit qui permet à son titulaire de transiter une, deux ou exceptionnellement plusieurs fois par les territoires des parties contractantes pour se rendre sur le territoire d'un Etat tiers, sans que la durée d'un transit puisse dépasser cinq jours. ; qu'aux termes de l'article 21 de la même convention : 1. Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par une des Parties contractantes peuvent, sous le couvert de ce titre ainsi que d'un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres Parties contractantes, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a), c) et e), et qu'ils ne figurent pas sur la liste de signalement nationale de la Partie contractante concernée. 2. Le paragraphe 1 s'applique également aux étrangers titulaires d'une autorisation provisoire de séjour, délivrée par l'une des parties contractantes et d'un document de voyage délivré par cette partie contractante. (…) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si le titre en cours de validité d'une durée de trois mois dont Mme X était titulaire l'autorisait à séjourner en Allemagne jusqu'au 19 août 2005, ce document, délivré par l'autorité municipale de Dortmund, qui avait pour objet de permettre à la requérante de se marier en Allemagne, n'appartient pas à l'une des catégories de documents valant visa uniforme au sens des articles 10 et 11 précités de la convention d'application de l'Accord de Schengen, permettant à l'étranger qui le détient de circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres pays de l'espace Schengen en application des stipulations précitées de l'article 21 de la même convention ; que, par ailleurs, à supposer même que le titre dont l'intéressée disposait ait eu la valeur d'une autorisation de séjour au sens de l'article 21 précité de la convention, ledit titre n'était en tout état de cause pas accompagné, comme il est requis en application des mêmes stipulations, d'un titre de voyage délivré par les autorités allemandes ; qu'il suit de là que Mme X est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 2 juillet 2005 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X entrait dans les cas visés au 1° de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que par l'article L. 511-2 précité du même code, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le Président du Tribunal administratif de Rennes a estimé que le préfet d'Ille-et-Vilaine avait méconnu les dispositions de l'article L. 511-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier, contrairement à ce qu'a estimé le magistrat délégué par le Président du Tribunal administratif de Rennes, que Mme X aurait effectué, le 17 août 2005, des démarches auprès de la préfecture d'Ille-et-Vilaine en vue d'obtenir un titre de séjour ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que c'est à la suite du dépôt d'un dossier en vue du mariage, prévu le 17 août 2005, de Mme X avec un ressortissant français, que le vice-procureur de la République de Rennes a, d'une part, décidé de surseoir à la célébration dudit mariage, d'autre part, ouvert une instruction relative à l'irrégularité du séjour de l'intéressée ; que, n'ayant pas mis en doute la validité du projet de mariage, le préfet n'était pas tenu, en tout état de cause, d'attendre que le procureur de la République ait statué à l'expiration du sursis à mariage ouvert en application des dispositions de l'article 175-2 du code civil ; qu'ainsi, en prenant le 9 septembre 2005 un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre de Mme X, le préfet d'Ille-et-Vilaine a voulu mettre fin à la présence irrégulière de cette dernière sur le territoire, et non contrecarrer son projet de mariage ; que la mesure contestée n'est pas, par suite, et contrairement à ce qu'a estimé, à tort, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes, entachée de détournement de pouvoir ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 9 septembre 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a accueilli les trois moyens susanalysés, soulevés par l'intéressée à l'appui de sa demande ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le Tribunal administratif de Rennes ;

Considérant que, par un arrêté du 10 mai 2004, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture d'Ille-et-Vilaine du 31 mai 2004, Mme Bernadette Malgorn, préfet d'Ille-et-Vilaine, a donné à M. Jean-Claude Goven, directeur de la réglementation et des libertés publiques à la préfecture d'Ille-et-Vilaine, délégation pour signer notamment les arrêtés relatifs à la situation des étrangers ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Jean-Claude Goven n'aurait pas été compétent, faute d'être titulaire d'une délégation régulière pour signer la décision contestée, manque en fait ;

Considérant que l'arrêté contesté du 24 novembre 2005 comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait sur lesquels le préfet s'est fondé pour décider de la reconduite à la frontière de Mme X ; qu'il est, ainsi, suffisamment motivé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, entrée irrégulièrement en France le 2 juillet 2005, n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Laos ; que, par ailleurs, la légalité d'une décision administrative s'apprécie en fonction de la situation de droit et de fait existant au jour de son édiction ; que, dans ces circonstances, et alors même, ainsi qu'il a été rapporté ci-dessus, qu'elle a noué des relations sentimentales avec un ressortissant français dès la fin du mois de juillet 2005, relations qui ont abouti à leur mariage, célébré le 30 novembre 2005, l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine en date du 9 septembre 2005 n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur la situation personnelle de Mme X ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a annulé sa décision, en date du 9 septembre 2005, ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 13 septembre 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Faykeo X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Une copie sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05NT01670
Date de la décision : 24/03/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent MARTIN
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : CARTRON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-03-24;05nt01670 ?
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