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30/06/2006 | FRANCE | N°06NT01104

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 30 juin 2006, 06NT01104


Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2006, présentée par le préfet du Loiret ; le préfet du Loiret demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-1716 du 4 mai 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 20 avril 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Marc X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif d'Orléans ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 26 janvier 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué M. Martin pour statuer sur les appels interjetés c...

Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2006, présentée par le préfet du Loiret ; le préfet du Loiret demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-1716 du 4 mai 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 20 avril 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Marc X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif d'Orléans ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 26 janvier 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué M. Martin pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2006 :

- le rapport de M. Martin, magistrat délégué,

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) - 3° si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité gabonaise, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 17 septembre 2005, de la décision du préfet du Loiret, en date du 9 septembre 2005, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il se trouvait, ainsi, dans le cas où, en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ;

Considérant, en premier lieu, qu'indépendamment de l'énumération par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à la frontière à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X vit en concubinage avec Mlle Pauline Y, ressortissante congolaise, titulaire d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade ; qu'il ressort d'un certificat médical établi par le médecin responsable de l'unité des maladies génétiques du globule rouge de l'hôpital Henri Mondor de Créteil, que Mlle Y souffre d'une maladie chronique sévère évolutive entraînant de nombreux épisodes d'invalidité quasi-totale avec parfois nécessité d'hospitalisation et que la présence d'une tierce personne aux côtés de l'intéressée peut permettre une meilleure prise en charge médicale et une possibilité de réagir beaucoup plus favorablement en cas de poussée aiguë de la maladie ; qu'en outre, M. X s'occupe des deux enfants du couple, en particulier pendant les périodes d'indisponibilité de leur mère ; que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet du Loiret a porté une atteinte excessive au droit de M. X au respect de sa vie familiale et a, par suite, violé les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé ;

Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettent au préfet de subordonner la délivrance d'une carte de séjour temporaire à la production d'un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois, ne peuvent trouver à s'appliquer lorsque l'étranger justifie remplir les conditions mentionnées à l'article L. 313-11, lesquelles impliquent l'obligation pour l'autorité compétente de délivrer un titre de séjour temporaire ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que M. X ne disposait pas d'un visa de plus de trois mois lors de son arrivée sur le territoire français ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Loiret n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 20 avril 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;

Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressé :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (… ) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe à l'autorité administrative, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet du Loiret de se prononcer sur la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat X à payer à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Loiret est rejetée.

Article 2 : Le préfet du Loiret statuera sur la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Marc X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Une copie sera transmise au préfet du Loiret.

N° 06NT01104

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 06NT01104
Date de la décision : 30/06/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent MARTIN
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : PASSY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-06-30;06nt01104 ?
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