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19/02/2007 | FRANCE | N°05NT00645

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 19 février 2007, 05NT00645


Vu le recours, enregistré le 22 avril 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0003777 en date du 4 janvier 2005 en tant que le Tribunal administratif de Nantes a prononcé la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés auxquelles la SA HUMEAU BEAUPREAU a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1996 ;

2°) de remettre à la charge

de la SA HUMEAU BEAUPREAU les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les socié...

Vu le recours, enregistré le 22 avril 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0003777 en date du 4 janvier 2005 en tant que le Tribunal administratif de Nantes a prononcé la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés auxquelles la SA HUMEAU BEAUPREAU a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1996 ;

2°) de remettre à la charge de la SA HUMEAU BEAUPREAU les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés dont la décharge a été ordonnée par les premiers juges ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004 n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2007 :

- le rapport de Mme Specht, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Sur le recours du ministre :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209-1 du même code : “1 (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (…) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (…) L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées” ; que lorsque les bénéfices imposables d'un contribuable ont été déterminés en application des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ou d'une année d'imposition et entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable qui les a involontairement commises, ou à celle de l'administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan ; que les mêmes erreurs ou omissions, s'il est établi qu'elles se retrouvent dans les écritures de bilan d'autres exercices, doivent y être symétriquement corrigées, dès lors qu'elles ne revêtent pas, pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré et alors même que tout ou partie de ces exercices seraient couverts par la prescription prévue, notamment, aux articles L.168 et L.169 du livre des procédures fiscales ;

Considérant toutefois qu'aux termes du 4 bis de l'article 38 du même code, issu de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004 : “Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L.169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé (…)” ; qu'aux termes du IV de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004, “Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée (...), les impositions établies avant le 1er janvier 2005 ou les décisions prises sur les réclamations contentieuses présentées sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L.190 du livre des procédures fiscales sont réputées régulières en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de ce que le contribuable avait la faculté de demander la correction des écritures du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit. Toutefois, ces impositions ne peuvent être assorties que des intérêts de retard.” ; qu'il résulte de ces dispositions que le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, tel que défini au premier alinéa du 4 bis de l'article 38, est applicable pour le calcul du bénéfice imposable aux impositions établies avant le 1er janvier 2005, sauf si le contribuable est en droit de se prévaloir de l'une des exceptions prévues par les deuxième et troisième alinéas ; que dans ce cas, il est possible de rectifier l'actif net du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit et de rattacher l'erreur ou l'omission commise à son exercice d'origine ;

Considérant que par le redressement en litige, l'administration a intégré dans les stocks, au titre des productions en cours, les frais, d'un montant de 1 097 294 F au titre de l'exercice clos en 1996, inhérents aux travaux d'étude et de conception des collections été et hiver de l'année suivante, engagés par la SA HUMEAU BEAUPREAU, qui fabrique et commercialise des chaussures ; que compte tenu de l'application par l'administration de la règle d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, cette intégration a entraîné un redressement de même montant au titre de l'exercice clos en 1996 ; que les dispositions précitées du IV de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004 font obstacle à ce que la SA HUMEAU BEAUPREAU puisse demander la correction des écritures du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, à savoir l'exercice clos en 1996 ;

Considérant que la SA HUMEAU BEAUPREAU se prévaut toutefois des dispositions précitées du deuxième alinéa du 4 bis de l'article 38 qui disposent que le principe d'intangibilité ne peut être opposé aux entreprises qui apportent la preuve que l'erreur ou l'omission qu'elles ont commise et qui a entraîné une sous-estimation ou une surestimation de leur actif net est intervenue plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit ; qu'elle fait valoir qu'elle a utilisé, depuis plus de sept ans avant l'ouverture de l'exercice clos en 1996, la même méthode pour valoriser ses stocks ;

Mais considérant que la circonstance qu'une méthode erronée a été appliquée pour la première fois lors d'un exercice clos depuis plus de sept ans, puis de manière constante d'exercice en exercice, faussant à chaque fois l'évaluation d'un même poste du bilan - selon un principe identique, mais pour des montants variant en fonction de la composition effective de ce poste -, ne suffit pas à justifier que la correction de la valeur de ce poste au cours d'un des exercices non prescrits puisse être effectuée également dans le bilan d'ouverture du premier de ces exercices ; qu'il ne pourrait en aller ainsi que si et dans la mesure où les éléments individualisés du poste concerné dans ce bilan d'ouverture, parce qu'ils avaient également figuré dans le bilan de clôture d'un des exercices clos depuis plus de sept ans, ont affecté l'évaluation de ce bilan d'ouverture d'une erreur “intervenue” au cours d'un de ces exercices clos depuis plus de sept ans ; qu'ainsi, dans le cas où une méthode erronée constamment utilisée depuis un des exercices clos depuis plus de sept ans aurait conduit à la sous-évaluation systématique du stock de marchandises, le droit à correction symétrique du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit ouvert par le deuxième alinéa susmentionné ne pourrait s'appliquer que pour rehausser l'évaluation de celles des marchandises qui auraient été physiquement conservées dans le stock depuis l'un des exercices clos depuis plus de sept ans ; qu'il n'est pas établi ni même allégué par la société que les erreurs ou omissions à l'origine des redressements se rapportent à des éléments du stock conservés depuis plus de sept ans ; que par suite c'est à tort que le Tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce que le service ne pouvait s'abstenir de corriger les écritures comptables du bilan d'ouverture de l'exercice clos en 1996 alors même que les omissions en litige se retrouvaient dans les écritures du bilan clos en 1995 qui était couvert par la prescription, pour prononcer la décharge des impositions supplémentaires résultant de ce refus de correction ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner le moyen tiré par la SA HUMEAU BEAUPEAU de ce que les frais de conception de ses modèles de chaussure ne pouvaient être intégrés dans les travaux et productions en cours ;

Considérant qu'aux termes du 3 de l'article 38 du code général des impôts : “3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient. Les travaux en cours sont évalués au prix de revient” ; qu'aux termes de l'article 38 ter de l'annexe III audit code : “Le stock est constitué par l'ensemble des marchandises, des matières premières, des matières et fournitures consommables, des productions en cours, des produits intermédiaires, des produits finis, des produits résiduels et des emballages non destinés à être récupérés, qui sont la propriété de l'entreprise à la date de l'inventaire et dont la vente en l'état ou au terme d'un processus de production à venir ou en cours permet la réalisation du bénéfice de l'exploitation. Les productions en cours sont les biens ou les services en cours de formation au travers d'un processus de production (…)” ; qu'aux termes de l'article 38 nonies de la même annexe : “Les marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, emballages perdus, produits en stock et productions en cours au jour de l'inventaire sont évalués pour leur coût de revient. Le coût de revient est constitué : (…) pour (…) les productions en cours, par le coût d'achat des matières premières et fournitures consommées, augmentés de toutes les charges directes et indirectes de production à l'exclusion des frais financiers” ;

Considérant que la SA HUMEAU BEAUPREAU conçoit chaque année des modèles à partir desquels sont fabriquées les collections de chaussures des années suivantes ; que la conception et la réalisation des modèles doivent être regardées comme entrant dans le processus de production des chaussures, assuré par la société au sens de l'article 38 ter précité de l'annexe III au code général des impôts, dont la valeur doit, au titre des productions en cours, être intégrée, au côté des matières premières, des marchandises, des produits intermédiaires et des produits finis dans celle des stocks de l'entreprise à prendre en compte pour la détermination de son actif net ; que la circonstance qu'il existe un décalage entre la conception du modèle, et le moment de la fabrication du modèle et qu'une part significative des modèles conçus ne fait pas l'objet d'une production ne saurait faire obstacle à cette prise en compte dès lors que la conception et la réalisation des modèles constituent des charges directes ou indirectes se rapportant, dès leur engagement, à des biens désormais en cours de formation ; que le moyen tiré par la société de ce que les frais de modèles doivent être déduits de son bénéfice imposable est sans portée utile dès lors que l'administration n'a pas remis en cause le caractère déductible des coûts afférents à la conception des modèles, mais a parallèlement intégré ces coûts dans les stocks, au titre des productions en cours ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a prononcé la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés auxquelles la SA HUMEAU BEAUPREAU a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1996 ;

Sur l'appel incident :

Considérant que la SA HUMEAU BEAUPREAU demande, par la voie de l'appel incident, la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1996 et en 1997 et consécutives à la réintégration des frais d'étude et de conception des modèles dans l'évaluation des productions en cours ;

Considérant d'une part, que, n'ayant pas attaqué, dans le délai d'appel, le jugement du Tribunal administratif de Nantes, la SA HUMEAU BEAUPREAU n'est pas recevable, par la voie du recours incident, à contester le rejet, par ce jugement, des conclusions de sa demande qui tendaient à la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1997, dès lors que le recours du ministre n'est dirigé que contre la partie du même jugement qui a statué sur les conclusions de la demande de la société relatives aux impositions de l'année 1996 ;

Considérant d'autre part que s'agissant de l'imposition en litige au titre de l'année 1996, la société soutient que les frais de conception de ses modèles de chaussures ne pouvaient être intégrés dans les travaux et productions en cours ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la SA HUMEAU BEAUPREAU la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La SA HUMEAU BEAUPREAU est rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés et de la contribution de 10 % de l'année 1996 à raison des droits et pénalités dont la réduction a été prononcée par les premiers juges.

Article 2 : Le jugement en date du 4 janvier 2005 du Tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'appel incident de la SA HUMEAU BEAUPREAU est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la SA HUMEAU BEAUPREAU.

N° 05NT00645

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 05NT00645
Date de la décision : 19/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : FABIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-02-19;05nt00645 ?
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