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19/02/2007 | FRANCE | N°06NT00185

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 19 février 2007, 06NT00185


Vu, I, sous le n° 06NT00185, la requête, enregistrée le 8 février 2006, présentée pour la SA KEROLER, dont le siège est “L'enseigne de l'Abbaye” à Betton (35830), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Mear, avocat au barreau de Rennes ; la SA KEROLER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 023410 du 8 décembre 2005 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution suppléme

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Vu, I, sous le n° 06NT00185, la requête, enregistrée le 8 février 2006, présentée pour la SA KEROLER, dont le siège est “L'enseigne de l'Abbaye” à Betton (35830), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Mear, avocat au barreau de Rennes ; la SA KEROLER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 023410 du 8 décembre 2005 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution supplémentaire de 10 % sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1997 et 1998 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761 ;1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu, II, sous le n° 06NT00769, le recours enregistré le 13 avril 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 à 3 du jugement n° 0203410 du 8 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a partiellement fait droit à la demande de la SA KEROLER tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution supplémentaire de 10 % sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1997 et 1998 ;

2°) de remettre à la charge de la SA KEROLER les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dégrevées à raison, d'une part, de loyers non perçus sur du matériel transféré gratuitement, et d'autre part, de dépenses de construction et de reconstruction réalisées par la SA KEROLER ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2007 :

- le rapport de M. Ragil, rapporteur ;

- les observations de Me Mear, avocat de la SA KEROLER ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de la SA KEROLER et le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, enregistrés respectivement sous les n°s 06NT00185 et 06NT00769 sont dirigés contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

En ce qui concerne la requête de la SA KEROLER :

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 octobre des années 1996, 1997 et 1998, l'administration a, notamment, réintégré dans le bénéfice imposable des exercices clos en 1997 et 1998 de la SA KEROLER, qui exerce une activité industrielle de biscotterie, de biscuiterie et de pâtisserie, les déductions de redevances versées à la société Biscuiterie de la Baie du Mont Saint-Michel (BBMSM), selon une convention de transfert de savoir-faire technique ; que la SA KEROLER avait, en exécution de cette convention, déduit une charge de 1 000 000 F au titre de l'exercice clos en 1997 et comptabilisé une somme de même montant en tant que provision pour risques au titre de l'exercice clos en 1998 ; que le ministre fait valoir que la conclusion de cette convention procède d'un acte anormal de gestion ;

Considérant qu'il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code, que le bénéfice net est établi sous déduction des charges supportées dans l'intérêt de l'entreprise ; que ne peuvent être déduites du bénéfice net passible de l'impôt sur les sociétés les charges qui sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que c'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise qu'il doit être apprécié si des charges assumées par une société en vue d'assurer certains avantages à d'autres sociétés correspondent à des actes de gestion commerciale anormale ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA KEROLER, a porté en charges des redevances dues à la société BBMSM, en exécution d'un contrat, lequel stipulait, qu'en contrepartie du transfert de savoir-faire et des secrets de fabrique, la SA KEROLER verserait pendant une durée de dix ans des redevances de licence d'un montant annuel de 2,5 % de son chiffre d'affaires global, plafonné à 1 000 000 de francs annuel ; que l'administration fait valoir, à cet égard, que ce contrat, conclu en exécution du protocole d'accord intervenu en avril 1997, avait, en réalité, pour objet de mettre un terme au litige opposant entre eux les actionnaires communs des sociétés BBMSM et KEROLER ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que ce contrat de transfert de savoir faire a été annulé, pour défaut de cause et d'objet par une sentence du Tribunal arbitral prononcée le 24 septembre 1998, lequel a, notamment, estimé que le savoir faire visé par la convention n'en était pas l'objet et “qu'il n'était pas en mesure d'apprécier l'existence d'une éventuelle autre cause” ; qu'il résulte de l'argumentation de la requérante devant le Tribunal arbitral que cette dernière n'a jamais ignoré que le versement de ces redevances n'avait pas pour contrepartie de rémunérer un transfert de savoir-faire ; que si la SA KEROLER fait valoir que ces redevances constituaient, en réalité, la contrepartie d'un accord global de partenariat avec les sociétés BBMSM et MORINA, conclu en vue de préserver sa pérennité et de conserver des relations de sous-traitance, elle ne l'établit pas ; qu'en particulier, la circonstance qu'un jugement du Tribunal de commerce de Granville du 10 décembre 1999 a constaté que les sociétés BBMSM et MORINA “ont commis une action en concurrence déloyale à l'égard de la société KEROLER” et a chargé un expert d'évaluer le préjudice résultant de “la rupture du contrat de sous-traitance” ne suffit pas à démontrer que les redevances en litige avaient pour contrepartie un engagement de poursuivre les activités de sous-traitance ; que de même la SA KEROLER ne saurait, par ailleurs, utilement se prévaloir de ce qu'elle a obtenu, dans le cadre d'une transaction intervenue le 16 octobre 2006, une indemnisation de la part des sociétés BBMSM et MORINA ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que le versement des redevances en litige ne relevait pas d'une gestion commerciale normale au regard de l'intérêt propre de la SA KEROLER ; qu'il suit de là que la SA KEROLER n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a, en ce qui concerne ce chef de redressement, rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la SA KEROLER la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Sur le recours du ministre :

Considérant que le ministre demande, en appel, que soient remises à la charge de la SA KEROLER les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés résultant, d'une part, de loyers non perçus sur du matériel transféré gratuitement et, d'autre part, de dépenses de construction ou de reconstruction indûment déduites en charges ;

En ce qui concerne le redressement relatif aux matériels mis à disposition de la société BBMSM :

Considérant qu'en exécution de la convention susmentionnée, conclue en avril 1997, la SA KEROLER a mis à disposition de la société BBMSM du matériel et de l'outillage pour lesquels elle a pratiqué des amortissements dont les premiers juges ont admis la déductibilité ;

Considérant que le ministre qui accepte la décision du tribunal concernant la déductibilité des amortissements demande que les sommes en question soient désormais imposées en tant qu'elles révèlent une renonciation à des recettes, constitutive d'un acte anormal de gestion ;

Considérant que si l'administration peut invoquer à tout moment de la procédure un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, et peut, à cet effet, assujettir les sommes en litige sur un nouveau fondement, une telle substitution de base légale ne saurait priver le contribuable de la garantie substantielle de procédure offerte par la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend ; qu'alors même qu'il ne lui aurait pas appartenu de se prononcer sur la qualification d'acte anormal de gestion, ladite commission était, en tout état de cause, compétente pour apprécier les faits et, en particulier, l'évaluation des recettes omises à raison de la mise à disposition de ces matériels ; qu'il est constant que la commission n'a été saisie, lors de sa séance du 7 mai 2001, que de la question de savoir si la SA KEROLER pouvait pratiquer des amortissements sur ces matériels qui posait une question de droit ; que dans ces conditions, la requérante a été privée de la faculté de demander utilement, sur ce point, la saisine de la commission ; qu'il suit de là que la demande de substitution de base légale présentée par le ministre ne peut qu'être rejetée ;

En ce qui concerne les dépenses de construction et de reconstruction :

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'à la suite d'un incendie ayant partiellement détruit son usine dans la nuit du 8 au 9 septembre 1999, la SA KEROLER a fait construire un couloir de liaison entre les services de production et d'expédition ; qu'elle a porté en charges déductibles de son résultat imposable de l'exercice clos en 1998 les dépenses de construction et de reconstruction consécutives à cet incendie, à concurrence de la somme de 2 090 288 F ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : “1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (…) 2° (…) Les amortissements réellement effectués par l'entreprise (…)” ; que ne constituent pas des charges déductibles mais peuvent seulement donner lieu à des amortissements, les dépenses qui ont, en fait, pour résultat l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé ; que, selon les dispositions de l'article 39 D du même code : “L'amortissement des constructions et aménagements édifiés sur le sol d'autrui doit être réparti sur la durée normale d'utilisation de chaque élément” ;

Considérant que les travaux en cause, dont le caractère provisoire n'est pas corroboré par l'instruction et alors même qu'ils auraient été décidés pour assurer la continuité de l'exploitation, doivent, eu égard à leur nature et à leur importance, être regardés comme présentant le caractère d'une opération de construction aboutissant à la création d'une immobilisation ; que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, les constructions ne sont pas devenues la propriété de la compagnie d'assurance avant leur cession postérieurement à l'année en litige, à la SARL Enseigne de l'Abbaye ; que par suite c'est à tort que le tribunal a estimé que les dépenses consécutives à ces travaux avaient le caractère de charges déductibles au motif qu'ils n'avaient pas eu pour effet d'accroître l'actif immobilisé de la société requérante ;

Considérant qu'il appartient cependant à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SA KEROLER ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 39 D que l'entreprise qui édifie des constructions ou des aménagements sur le sol d'autrui doit en porter le prix de revient à l'actif de ses bilans, alors même que ces droits sur ces constructions ou aménagements ne sont pas ceux d'un propriétaire ; que la circonstance que la déduction des sommes en litige aurait été neutralisée par l'enregistrement en produits des indemnités versées par la compagnie d'assurance est sans incidence sur la qualification de la nature des dépenses ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a procédé à la réintégration de la somme de 2 090 288 F dans le résultant imposable de l'exercice clos en 1998 ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande de la société KEROLER en ce qui concerne les dépenses de construction et de reconstruction ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions susmentionnées de la SA KEROLER ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % à l'impôt sur les sociétés assignées à la SA KEROLER à raison de la réintégration dans le résultat imposable de l'exercice clos en 1998 des dépenses de construction et de reconstruction d'une installation sinistrée sont remises intégralement à sa charge.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 8 décembre 2005 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la SA KEROLER tendant à l'application, dans le recours enregistré sous le n° 06NT00769, des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La requête de la SA KEROLER est rejetée.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SA KEROLER et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N°s 06NT00185,06NT00769

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 06NT00185
Date de la décision : 19/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. GRANGE
Rapporteur ?: M. Roland RAGIL
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : MEAR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-02-19;06nt00185 ?
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