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05/06/2007 | FRANCE | N°06NT01224

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 05 juin 2007, 06NT01224


Vu la requête enregistrée le 30 juin 2006, présentée pour M. Martial X, demeurant ..., par Me Prioux, avocat au barreau de Lisieux ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 04-2507 du 27 avril 2006 du Tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2004 par lequel le maire de Courtonne-les-Deux-Eglises (Calvados) a délivré, au nom de l'Etat, un permis de construire à M. et Mme Y en vue de l'édification d'une maison d'habitation au lieudit “Cour Bouteloup” ;

2°) d'annuler, pour excè

s de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de ...

Vu la requête enregistrée le 30 juin 2006, présentée pour M. Martial X, demeurant ..., par Me Prioux, avocat au barreau de Lisieux ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 04-2507 du 27 avril 2006 du Tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2004 par lequel le maire de Courtonne-les-Deux-Eglises (Calvados) a délivré, au nom de l'Etat, un permis de construire à M. et Mme Y en vue de l'édification d'une maison d'habitation au lieudit “Cour Bouteloup” ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2007 :

- le rapport de M. Degommier, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par jugement du 27 avril 2006, le Tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 8 octobre 2004 par lequel le maire de Courtonne-les-Deux-Eglises (Calvados) a délivré, au nom de l'Etat, un permis de construire à M. et Mme Y en vue de l'édification d'une maison d'habitation au lieudit “Cour Bouteloup”, d'autre part, de la délibération du 16 juillet 2004 du conseil municipal de ladite commune relative à ce permis ; que M. X interjette appel de ce jugement, en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 8 octobre 2004 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que M. X a invoqué, notamment, à l'appui de ses conclusions de première instance tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2004 du maire de Courtonne-les-Deux-Eglises, le moyen tiré de l'illégalité de cet arrêté au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, au motif que le projet des époux Y ne serait pas conforme à l'architecture traditionnelle du pays d'Auge ; qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a omis de répondre à ce moyen qui n'était pas inopérant ; que, par suite, le jugement du 27 avril 2006 du Tribunal administratif de Caen doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté du 8 octobre 2004 délivrant un permis de construire à M. et Mme Y ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. X contre l'arrêté du 8 octobre 2004 devant le Tribunal administratif de Caen ;

Sur la légalité de l'arrêté du 8 octobre 2004 du maire de Courtonne-les-Deux-Eglises :

Sur la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme : “La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain” ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme Y ont produit, à l'appui de leur demande de permis de construire, le compromis de vente, à leur profit, du terrain d'assiette du projet, établi par acte notarié du 29 mai 2004 ; qu'ils ont, ainsi, justifié du titre les habilitant à construire ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme : “A. - Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : (...) 5°) Deux documents photographiques au moins permettant de situer le terrain respectivement dans le paysage proche et lointain et d'apprécier la place qu'il y occupe. (...) ; 6°) Un document graphique au moins permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction dans l'environnement, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et des abords (...) ; 7°) Une notice permettant d'apprécier l'impact visuel du projet.” ; qu'au dossier de la demande de permis de construire présentée par M. et Mme Y étaient joints, notamment, une notice de présentation, un montage photographique faisant figurer la maison projetée et six photographies permettant de situer le terrain dans le paysage alentour ; qu'ainsi, ce dossier comportait, contrairement à ce qui est soutenu, les documents exigés par les dispositions précitées ; qu'à supposer qu'en soutenant qu'y faisait défaut un document paysager, M. X ait entendu contester également la présence au dossier du document mentionné au 7° dudit article R. 421-2, il est constant que la notice prévue par ces dispositions y figurait ; que, par suite, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de la demande de permis de construire doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-26 du code de l'urbanisme, applicable dans les communes où un plan local d'urbanisme n'a pas été approuvé : “Le maire fait connaître son avis au responsable du service de l'Etat dans le département chargé de l'urbanisme (...)” ; qu'il est constant que la commune de Courtonne-les-Deux-Eglises n'est pas dotée d'un document d'urbanisme opposable aux tiers ; que c'est, dès lors, au nom de la commune que le maire, bien qu'ayant également la qualité d'autorité compétente pour délivrer le permis de construire au nom de l'Etat a, en application des dispositions précitées, donné son avis sur la demande présentée par les époux Y ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme : “En l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : 1° L'adaptation, le changement de destination, la réfection ou l'extension des constructions existantes ; 2° Les constructions ou installations nécessaires à des équipements collectifs, à la réalisation d'aires d'accueil et de terrains de passage des gens du voyage, à l'exploitation agricole, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes ; 4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l'intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publique, qu'elles n'entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n'est pas contraire aux objectifs visés à l'article L. 110 (...)” ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que le terrain pour lequel M. et Mme Y ont demandé la délivrance d'un permis de construire une maison d'habitation est situé en-dehors des parties actuellement urbanisées de la commune de Courtonne-les-Deux-Eglises, laquelle, comme il est dit plus haut, n'est pas dotée d'un document d'urbanisme opposable aux tiers ; que pour accorder le permis litigieux, le maire, agissant au nom de l'Etat, s'est fondé sur la délibération motivée du 16 juillet 2004 du conseil municipal faisant valoir, notamment, l'intérêt d'éviter une diminution de la population locale, l'implantation du projet sur un terrain dont la configuration ne permet aucun usage productif et le fait que les deux enfants des époux Y sont des écoliers potentiels pour l'école communale dont l'effectif est réduit ; que, d'une part, les erreurs matérielles qui affectent les dates d'adoption et de publication de cette délibération, dont il est constant et non contesté qu'elles sont antérieures à l'intervention du permis contesté sont, par elles-mêmes, sans incidence sur sa légalité ; que, d'autre part, les motifs retenus par la délibération précitée sont de la nature de ceux qui peuvent légalement justifier l'octroi d'un permis de construire par application des dispositions sus-rappelées du dernier alinéa de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ; que le moyen tiré de l'illégalité de ladite délibération doit donc être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-3 du code rural : “Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction précitée à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes” ; que l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental dispose que les élevages autres que porcins ne peuvent être implantés à moins de 50 mètres des immeubles habités par des tiers ; que si la construction autorisée par le permis litigieux se situe à moins de cinquante mètres de bâtiments dépendant d'une propriété dénommée “Haras de Livet”, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des photographies produites, ni davantage du constat d'huissier produit, que les locaux en cause constituent des équipements à usage de bâtiments d'élevage ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté contesté, de la règle de distance prescrite par le règlement sanitaire départemental ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : “Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales.” ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux consiste en la construction d'une maison individuelle de 15,48 mètres de longueur, de 8,70 mètres de largeur, et d'une hauteur de 5,98 mètres au faîtage, comportant une toiture en tuiles et un enduit extérieur de couleur ocre ; que cette construction s'insère dans un environnement rural sans caractère particulier, à proximité de quelques autres maisons, dont celle du requérant ; que, dans ces conditions, la circonstance que le projet autorisé n'est pas conforme à l'architecture traditionnelle du pays d'Auge n'est pas, à elle seule, de nature à établir que le maire de Courtonne-les-Deux-Eglises s'est livré à une appréciation manifestement erronée au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la demande de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2004 du maire de Courtonne-les-Deux-Eglises délivrant à M. et Mme Y un permis de construire pour l'édification d'une maison d'habitation doivent être rejetées ;

Sur les conclusions de M. et Mme Y tendant à la condamnation de M. X au versement d'une somme de 2 400 euros pour procédure abusive :

Considérant qu'en raison de la nature particulière du recours pour excès de pouvoir, les conclusions reconventionnelles tendant à ce que le requérant soit condamné à verser aux époux Y des dommages et intérêts pour procédure abusive ne peuvent être utilement présentées dans une telle instance en annulation ; que, par suite, les conclusions présentées en ce sens par M. et Mme Y doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner M. X à verser à M. et Mme Y la somme de 1 460 euros que ceux-ci demandent au titre des frais de même nature qu'ils ont exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 27 avril 2006 du Tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2004 du maire de Courtonne-les-Deux-Eglises.

Article 2 : Les conclusions de la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2004 présentées par M. X devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : M. X versera à M. et Mme Y une somme de 1 460 euros (mille quatre cent soixante euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de M. et Mme Y tendant à la condamnation de M. X à leur verser la somme de 2 400 euros (deux mille quatre cents euros) pour procédure abusive sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Martial X, à M. et Mme Y et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

N° 06NT01224

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 06NT01224
Date de la décision : 05/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. ARTUS
Avocat(s) : BLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-06-05;06nt01224 ?
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