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26/07/2007 | FRANCE | N°05NT01897

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 26 juillet 2007, 05NT01897


Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2005, présentée pour :

- Mme Marie-Thérèse X, demeurant ... ;

- Mme Patricia X, demeurant ... ;

- et Mme Nathalie X, demeurant ..., par Me Milpied, avocat au barreau de La Roche-sur-Yon ; les CONSORTS X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-244 du 13 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes à réparer les préjudices résultant du décès de M. Re

né X le 7 mai 1996 ;

2°) de condamner le CHU de Rennes à payer les sommes de 7 6...

Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2005, présentée pour :

- Mme Marie-Thérèse X, demeurant ... ;

- Mme Patricia X, demeurant ... ;

- et Mme Nathalie X, demeurant ..., par Me Milpied, avocat au barreau de La Roche-sur-Yon ; les CONSORTS X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-244 du 13 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes à réparer les préjudices résultant du décès de M. René X le 7 mai 1996 ;

2°) de condamner le CHU de Rennes à payer les sommes de 7 600 euros à la succession de M. René X, de 249 053,72 euros à Mme Marie-Thérèse X et de 10 000 euros chacune à Mme Patricia X et à Mme Nathalie X, avec intérêts à compter du 5 octobre 2001 et capitalisation ;
………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2007 :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur ;

- les observations de Me Houssin, substituant Me Milpied, avocat des CONSORTS X ;

- et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;




Sur les conclusions présentées par la caisse maladie régionale de Bretagne :

Considérant que la requête des consorts X n'entre pas dans la catégorie de litiges, limitativement énumérés par l'article R. 811-7 du code de justice administrative, qui sont dispensés du ministère d'avocat ; que, dès lors, faute pour la caisse maladie régionale de Bretagne d'avoir répondu à la demande de régularisation qui lui a été adressée de recourir à ce ministère et de régulariser ainsi ses conclusions, celles-ci, présentées sans le ministère d'avocat, ne sont pas recevables ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête :

Considérant que M. X, suivi au CHU de Rennes, notamment pour des problèmes hépatiques en relation avec une lithiase vésiculaire, a présenté vers la fin du mois de novembre 1995 des douleurs constituant les symptômes d'une colique hépatique ; que cette pathologie était susceptible de provenir de la fragmentation de cette lithiase avec migration dans les voies biliaires, celle-ci n'ayant plus été repérée lors d'une échographie effectuée dans cet établissement ; que l'intéressé y a alors été hospitalisé le 12 décembre 1995 pour y subir une cholangiographie rétrograde des voies biliaires dans le but de vérifier le diagnostic évoqué ; qu'une sphinctérotomie a été réalisée au cours de cet examen ; qu'une pancréatite aiguë nécrosante a cependant été mise en évidence le 14 décembre 1995 ; que des complications infectieuses pluri-microbiennes sont apparues ; qu'en dépit de la mise en place d'un drainage et de deux interventions chirurgicales par laparotomie, M. X est décédé le 7 mai 1996 d'une thrombose spléno-portale terminale ;

Considérant que, lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient, comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes, que le décès de M. X trouve sa cause dans la pancréatite aiguë nécrosante infectée, contractée à la suite de la cholangiographie rétrograde des voies biliaires avec sphinctérotomie effectuée au CHU de Rennes le 12 décembre 1995 ; que le risque de décès provenant de cette pathologie, lorsqu'elle découle de la réalisation de cet acte médical, est connu mais que sa réalisation demeure exceptionnelle ; qu'aucune raison ne permettait de penser que M. X, qui avait subi plusieurs examens par échographie, ait été particulièrement exposé au risque qui s'est réalisé ; que le dommage est sans rapport avec son état initial ; que les autres conditions d'engagement de la responsabilité sans faute du CHU de Rennes, notamment le caractère d'extrême gravité du dommage, sont également remplies ; qu'il appartient au juge d'appel de relever d'office que la responsabilité du CHU de Rennes est engagée sur ce fondement à l'égard de l'épouse de M. X et de ses enfants ;

Sur le préjudice :

Considérant que les consorts X se bornaient à faire état en première instance, au titre de l'indemnisation du préjudice subi par M. X avant son décès, des seules souffrances physiques endurées par celui-ci en limitant leurs prétentions à la somme de 7 600 euros ; que ces souffrances ont été qualifiées d'importantes par l'expert ; qu'en demandant la somme de 7 600 euros à ce titre, les requérantes n'ont pas fait une appréciation exagérée de ce chef de préjudice ; que si elles demandent en appel la condamnation du CHU de Rennes à leur payer, notamment, la somme de 30 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence et de ces mêmes souffrances physiques, ces prétentions constituent une demande nouvelle en appel qui n'est pas recevable ;

Considérant que si Mme X demande le remboursement de frais liés au fonctionnement de la société susmentionnée, ceux-ci ont été exposés du fait de la structure de cette société et ne présentent pas un lien direct de causalité avec le décès de son mari ; que les conclusions présentées pour la première fois en appel par Mme X tendant au remboursement des frais de trajet, hospitaliers, d'ambulance et de pompes funèbres constituent une demande nouvelle qui est irrecevable ;

Considérant que le préjudice moral éprouvé du fait du décès de son époux par Mme X justifie l'allocation d'une somme de 15 000 euros ; qu'une somme de 10 000 euros chacune sera allouée à ce titre aux filles de la victime, Mme Y et Mme Z ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise comptable ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes, que M. X tirait ses revenus, d'une part, des indemnités de gérance et des loyers correspondant à la location du fonds de commerce que lui versait la société à responsabilité limitée Constructions X dont son épouse et ses enfants étaient les associés ; que la déclaration de revenus qu'il avait souscrite au titre de l'année 1995 mentionnait un montant de revenus nets de 185 000 F ; que la part de ces revenus destinés à l'entretien de Mme X doit être évaluée à 50 %, soit 92 500 F (14 101,53 euros) par an ; que M. X étant âgé de quarante-sept ans à la date de son décès, le capital représentatif de cette perte de revenus s'élève à 160 000 euros après application des coefficients de capitalisation prévus au barème annexé au décret susvisé du 8 août 1986, le barème élaboré par un groupe de travail en 2004 dont Mme X se prévaut étant dépourvu de base légale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les CONSORTS X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ; que le CHU de Rennes doit être condamné à payer les sommes, respectivement, de 7 600 euros aux CONSORTS X au titre du préjudice propre subi par M. X, de 175 000 euros à Mme X et de 10 000 euros chacune à Mme Y et à Mme Z ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que les CONSORTS X ont droit aux intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la date de réception de leur demande d'indemnité adressée au CHU de Rennes datée du 2 octobre 2001 ; qu'il sera fait droit à leur demande de capitalisation des intérêts, présentée dans un mémoire enregistré au greffe du Tribunal administratif de Rennes le 19 octobre 2002, date à laquelle était due une année entière d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les dépens :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge du CHU de Rennes les frais des expertises ordonnées par le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes, taxés et liquidés aux sommes de 1 800 F (274,41 euros) et 27 014,65 F (4 118,36 euros) par ordonnances en date des 27 août 1998 et 5 novembre 2001 ;


DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 13 octobre 2005 du Tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : Le CHU de Rennes est condamné à payer les sommes, respectivement, de 7 600 euros (sept mille six cents euros) aux CONSORTS X en qualité d'héritiers de M. René X, de 175 000 euros (cent soixante-quinze mille euros) à Mme X et de 10 000 euros (dix mille euros) chacune à Mme Y et à Mme Z avec intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2001. Les intérêts échus au 19 octobre 2002 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des CONSORTS X, ensemble les conclusions présentées par la caisse maladie régionale de Bretagne sont rejetés.
Article 4 : Les frais des expertises ordonnées par le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes sont mis à la charge du CHU de Rennes.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Thérèse X, à Mme Patricia Y, à Mme Nathalie Z, à la caisse maladie régionale de Bretagne, au CHU de Rennes et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

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N° 05NT01897
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 05NT01897
Date de la décision : 26/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme THOLLIEZ
Rapporteur ?: M. Philippe D IZARN de VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : MILPIED

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-07-26;05nt01897 ?
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