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26/07/2007 | FRANCE | N°06NT01296

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 26 juillet 2007, 06NT01296


Vu, I, sous le n° 06NT01296, la requête, enregistrée le 12 juillet 2006, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU CHER, dont le siège est boulevard de la République à Bourges (18030), représentée par son directeur, par Me Jacquet, avocat au barreau de Bourges ; la CPAM DU CHER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-109 du 8 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui rembourser les débours qu'elle a exposés au profit de Mlle Stéphanie X, son

assurée, dans les suites de la vaccination contre l'hépatite B de celle-ci...

Vu, I, sous le n° 06NT01296, la requête, enregistrée le 12 juillet 2006, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU CHER, dont le siège est boulevard de la République à Bourges (18030), représentée par son directeur, par Me Jacquet, avocat au barreau de Bourges ; la CPAM DU CHER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-109 du 8 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui rembourser les débours qu'elle a exposés au profit de Mlle Stéphanie X, son assurée, dans les suites de la vaccination contre l'hépatite B de celle-ci ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 9 579,01 euros au titre des débours qu'elle a exposés le 17 janvier 2006 au profit de Mlle X, une somme de 4 055,81 euros au titre de ses frais futurs ou à défaut de condamner l'Etat à lui rembourser ses frais futurs sur production de justificatifs au fur et à mesure de leur prise en charge, ainsi qu'une somme de 760 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
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Vu, II, sous le n° 06NT01410, la requête, enregistrée le 27 juillet 2006, présentée pour Mlle Stéphanie X, demeurant ..., par Me Galut, avocat au barreau de Bourges ; Mlle Stéphanie X demande à la Cour :

1° ) d'annuler le jugement n° 03-109 du 8 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer les conséquences dommageables de la vaccination contre l'hépatite B qu'elle a subie le 22 août 1995 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser sous la forme d'une rente une somme de 32 000 euros en réparation de l'incapacité permanente partielle dont elle reste atteinte et une somme de 300 000 euros en réparation du préjudice professionnel qu'elle subit, ainsi qu'une somme de 40 000 euros en réparation des souffrances endurées, de ses préjudices d'agrément et moral ;

3°) de constater qu'elle se réserve le droit de ressaisir la juridiction compétente en cas d'aggravation de sa maladie ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2007 :

- le rapport de M. Gualeni, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;





Considérant que les requêtes susvisées n° 06NT01296 de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU CHER et n° 06NT01410 de Mlle X sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 10 du code de la santé publique, applicable à la date de vaccination de Mlle X, repris à l'article L. 3111-4 de ce code : Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (…) ; que l'article L. 10-1 du code de la santé publique, devenu l'article L. 3111-9 précise, dans sa rédaction applicable à l'espèce, que : Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation de tout dommage imputable directement à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions visées au présent code, est supportée par l'Etat. ; que la personne qui recherche la responsabilité de l'Etat sur le fondement de ces dispositions doit établir, outre le caractère obligatoire de la vaccination à laquelle est imputé le dommage, l'existence d'un lien de causalité direct entre cette vaccination et le dommage dont la réparation est demandée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle X a été vaccinée le 22 août 1995 contre l'hépatite B dans le cadre de son activité professionnelle d'agent des services hospitaliers à l'hôpital de Châteaumeillant en application des dispositions précitées du code de la santé publique ; qu'à la suite de cette première injection et dès le début du mois de septembre, Melle X a ressenti des paresthésies dans les membres inférieurs associés à des troubles de l'équilibre ainsi qu'une baisse de l'acuité visuelle ; que le bilan réalisé le 14 septembre 1995 dans le service de neurologie du centre hospitalier de Montluçon a mis en évidence une maladie démyélinisante et a conduit à poser le diagnostic d'une sclérose en plaques ; qu'il résulte également de l'instruction que Mlle X n'avait manifesté aucun symptôme de sclérose en plaques antérieurement à cette première vaccination ; que, par décision en date du 17 décembre 2002, le directeur général de la santé, saisi par Mlle X sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique lui a fait une proposition d'indemnisation, prise après avis de la commission de règlement amiable des accidents vaccinaux, qui a considéré, au vu des éléments du dossier, que la vaccination pouvait être regardée comme un facteur déclenchant de son état de santé et a retenu une imputabilité directe de ses troubles à la vaccination ; qu'ainsi, et dès lors que tant l'expert désigné en vue d'examiner la demande de Mlle X devant la commission susmentionnée que celui désigné par le juge des référés du Tribunal administratif d'Orléans n'ont pas exclu l'existence d'un lien entre la vaccination de l'intéressée et la sclérose en plaques dont elle souffre, elle doit être regardée, eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé l'injection du 22 août 1995 de l'apparition des premiers symptômes cliniquement constatés de la sclérose en plaques, d'autre part, à la bonne santé de l'intéressée, alors âgée de vingt ans, et à l'absence, chez elle, de tous antécédents à cette pathologie, antérieurement à la vaccination, comme établissant, dans les circonstances particulières de l'espèce, et contrairement à l'appréciation des premiers juges, l'existence d'un lien de causalité entre cette vaccination et la sclérose en plaques dont elle souffre ;

Sur la réparation :

Considérant qu'aux termes des cinq premiers alinéas de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de l'article 25 de la loi nº 2006-1640 du 21 décembre 2006 : Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice (…) ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise susmentionnée réalisée au mois d'octobre 2003 que si Mlle X, âgée de vingt ans lors de sa vaccination, a connu depuis 7 à 8 poussées de la maladie, traitées par corticoïdes, elle a mené normalement à terme deux grossesses ; que l'expert a relevé à l'occasion de l'examen de l'intéressée un état de santé marqué par un syndrome cérébelleux modéré, des troubles sensitifs des deux mains et une asthénie ; que l'expert a également précisé qu'il lui était impossible de déterminer l'évolution de l'état de santé de l'intéressée tout en indiquant que les traitements actuels n'ont pas de vertu curative et que l'évolution d'une sclérose en plaques qui dépend du nombre et de l'intensité des poussées ne peut aller qu'en s'aggravant ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en évaluant les troubles dans les conditions d'existence subis par Mlle X en raison de cette situation y compris le préjudice d'agrément et les souffrances morales liées aux incertitudes quant à l'évolution de sa maladie, à la somme de 40 000 euros ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en évaluant à 2 000 euros le préjudice correspondant aux souffrances endurées par Mlle X liées à ses hospitalisations évaluées à 2,5 sur une échelle de 7 ; que si Mlle X sollicite également la condamnation de l'Etat au titre d'un préjudice professionnel en faisant valoir qu'elle a été privée d'une chance de passer le concours d'aide soignante et, par suite, de la perspective d'un emploi stable et plus rémunérateur que celui qu'elle occupe, elle n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité du préjudice dont elle demande réparation ; qu'elle n'apporte pas davantage d'éléments de nature à justifier l'existence de pertes de revenus ; qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X est en droit de prétendre au paiement d'une indemnité de 40 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence et de 2 000 euros en réparation des souffrances qu'elle a endurées, soit un montant total de 42 000 euros ; qu'en l'absence de versement de prestations par la CPAM DU CHER au titre de ces postes de préjudice, il y a lieu de condamner l'Etat à verser cette somme à Mlle X ; qu'en revanche, il n'appartient pas à la cour de constater que l'intéressée se réserve le droit de saisir de nouveau la juridiction administrative en cas d'aggravation de son état de santé ;

Considérant, en second lieu, que la CPAM DU CHER justifie avoir versé des indemnités journalières en rapport direct avec les conséquences dommageables de la vaccination de Mlle X pour un montant de 1 610,33 euros ; qu'elle justifie également avoir supporté des dépenses de santé en rapport direct avec celles-ci pour un montant de 7 968,68 euros ; qu'en revanche, elle n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, la réalité des frais futurs dont elle demande le remboursement ; qu'il résulte de ce qui précède que la CPAM DU CHER est seulement fondée à demander le versement d'une indemnité de 9 579,01 euros, ainsi que, en application du dernier alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, une indemnité forfaitaire de 760 euros ; qu'en l'absence de frais restés à la charge de Mlle X au titre de ces postes de préjudice, il y a lieu d'allouer ces sommes à la CPAM DU CHER ;

Sur les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif d'Orléans ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à payer à Mlle X et la CPAM DU CHER une somme de 1 500 euros chacune que celles-ci réclame au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 8 juin 2006 du Tribunal administratif d'Orléans est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à Mlle X une somme de 42 000 euros (quarante-deux mille euros) et à la CPAM DU CHER la somme de 9 579,01 euros (neuf mille cinq cent soixante-dix-neuf euros et un centime).
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de la CPAM DU CHER et de Mlle X est rejeté.
Article 4 : Les dépens exposés en première instance sont mis à la charge de l'Etat.
Article 5 : L'Etat versera à la CPAM DU CHER et à Mlle X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la CPAM DU CHER, à Mlle Stéphanie X et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.


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Nos 06NT01296…
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 06NT01296
Date de la décision : 26/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme THOLLIEZ
Rapporteur ?: M. Christian GUALENI
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : JACQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-07-26;06nt01296 ?
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