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31/12/2007 | FRANCE | N°07NT03207

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 31 décembre 2007, 07NT03207


Vu la requête, enregistrée le 26 octobre 2007, présentée pour Mme Crucita X, demeurant ..., par Me Sandrine Martin, avocat au barreau de Rennes ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 07-3780 du 20 septembre 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 13 septembre 2007, du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant sa reconduite à la frontière et fixant la Roumanie comme pays à destination duquel l'intéressée devait être éloignée, ainsi que de

la décision du préfet, en date du même jour, plaçant l'intéressée dans des l...

Vu la requête, enregistrée le 26 octobre 2007, présentée pour Mme Crucita X, demeurant ..., par Me Sandrine Martin, avocat au barreau de Rennes ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 07-3780 du 20 septembre 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 13 septembre 2007, du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant sa reconduite à la frontière et fixant la Roumanie comme pays à destination duquel l'intéressée devait être éloignée, ainsi que de la décision du préfet, en date du même jour, plaçant l'intéressée dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

2°) d'annuler ledit arrêté et ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à verser à Me Martin une somme de 1 500 euros au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le Traité relatif à l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne, signé à Luxembourg le 25 avril 2005 ;

Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 29 avril 2004 relative aux droits des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 décembre 2007 :

- le rapport de M. Piron, président-rapporteur,

- les observations de Me Le Strat, substituant Me Martin, avocat de Mme X,

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet d'Ille-et-Vilaine :

Considérant que le mémoire d'appel présenté par Mme X, qui énonce de nouveau de manière précise les critiques adressées à l'arrêté du 13 septembre 2007 du préfet d'Ille-et-Vilaine, dont l'annulation a été demandée au Tribunal administratif de Rennes, doit être regardé comme répondant aux exigences de motivation des requêtes d'appel prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le préfet d'Ille-et-Vilaine à la requête de l'intéressée et tirée de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écartée ;

Sur la légalité de l'arrêté et de la décision contestés :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci, ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V ; que l'article R. 512-1-1 du même code dispose : La notification des arrêtés de reconduite à la frontière pris à l'encontre des ressortissants mentionnés à l'article L. 121-4 comporte le délai imparti pour quitter le territoire. Sauf urgence, ce délai ne peut être inférieur à un mois ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article R.512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issues du décret n° 2007-371 du 21 mars 2007, ont pour objet d'assurer la transposition du paragraphe 3 de l'article 30 de la directive n° 2007/38/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne relative aux droits des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ; que, conformément aux objectifs fixés par cette directive, l'indication, dans la notification d'une décision d'éloignement concernant un ressortissant de l'Union européenne, du délai imparti à l'intéressé pour quitter le territoire de l'Etat d'accueil, ne constitue pas une simple mesure d'exécution de la décision d'éloignement, mais un élément constitutif de celle-ci, au même titre que la fixation d'un délai qui ne saurait être inférieur à un mois à compter de la date de notification, à moins qu'une situation d'urgence justifie une réduction de ce délai ; que, dès lors, la méconnaissance des dispositions de l'article R.512-1-1 est de nature à affecter la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière dont le ressortissant fait l'objet ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la notification faite le 13 septembre 2007 à Mme X, ressortissante roumaine, de l'arrêté de reconduite à la frontière pris le même jour par le préfet d'Ille-et-Vilaine à son encontre n'impartit aucun délai à l'intéressée pour quitter le territoire français, ni ne mentionne, en tout état de cause, aucune circonstance de nature à justifier l'absence de tout délai ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté, qui a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article R.512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, doit être annulé, ainsi que, par voie de conséquence, la décision du 13 septembre 2007 par laquelle le préfet a ordonné le placement de Mme X en rétention administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; que l'article L. 911-2 du même code dispose : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour, mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce, ou confirme, l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet d'Ille-et-Vilaine de se prononcer sur la situation de Mme X dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que Mme X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Martin, avocat de Mme X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à payer à Me Martin une somme de 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement, en date du 20 septembre 2007, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rennes, l'arrêté, en date du 13 septembre 2007, du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant la reconduite à la frontière de Mme X et fixant la Roumanie comme pays à destination duquel l'intéressée devait être éloignée, ainsi que la décision du préfet, en date du même jour, plaçant l'intéressée dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, sont annulés.

Article 2 : Le préfet d'Ille-et-Vilaine réexaminera la situation de Mme X dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Martin, avocat de Mme X, une somme de 500 euros (cinq cents euros) en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Martin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Crucita X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Une copie sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

N° 07NT03207

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 07NT03207
Date de la décision : 31/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés VANDERMEEREN
Rapporteur ?: M. Xavier PIRON
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-12-31;07nt03207 ?
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