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17/03/2011 | FRANCE | N°10NT00375

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 17 mars 2011, 10NT00375


Vu la requête, enregistrée le 22 février 2010, présentée pour M. et Mme Murat X, demeurant ..., par la Selarl Alain Sarrazin, société d'avocats au barreau de Rouen ; M. et Mme X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 09-1431 et 09-2466 en date du 23 décembre 2009 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes tendant, d'une part, à la réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 et, d'autre part, à la déc

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Vu la requête, enregistrée le 22 février 2010, présentée pour M. et Mme Murat X, demeurant ..., par la Selarl Alain Sarrazin, société d'avocats au barreau de Rouen ; M. et Mme X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 09-1431 et 09-2466 en date du 23 décembre 2009 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes tendant, d'une part, à la réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 et, d'autre part, à la décharge des pénalités pour manquement délibéré qui leur ont été infligées au titre de la même année ;

2°) de prononcer la réduction et la décharge demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 2011 :

- le rapport de M. Christien, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Specht, rapporteur public ;

- et les observations de Me Boudin, substituant Me Sarrazin, avocat de M. et Mme X ;

Considérant que M. et Mme X ont fait l'objet, au cours de l'année 2007, d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2004 et 2005 au cours duquel l'administration a appris, dans le cadre de l'exercice du droit de communication prévu aux articles L. 82 et 101 du livre des procédures fiscales, qu'ils avaient pu disposer de revenus supérieurs à ceux déclarés au titre de l'année 2004 ; que M. et Mme X n'ayant, selon l'administration, pas apporté de réponses satisfaisantes à une demande de justifications, les crédits bancaires inexpliqués apparus en 2004 ont été regardés comme étant des revenus d'origine indéterminée et taxés d'office en application des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales ; que le redressement en résultant a été soumis à la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; que M. et Mme X interjettent appel du jugement en date du 23 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus de leurs demandes tendant à la réduction des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 et à la décharge des pénalités y afférentes mises à leur charge au titre de la même année ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...) ; qu'aux termes de l'article L. 69 du même livre : Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ;

Considérant que, si l'administration ne peut régulièrement taxer d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont elle n'ignore pas qu'elles relèvent d'une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d'office si, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la nature des sommes en cause, et donc la catégorie de revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher, demeure inconnue ; qu'il est toutefois loisible au contribuable régulièrement taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus ; que, dans cette dernière situation, le contribuable peut obtenir, le cas échéant, une réduction de l'imposition d'office régulièrement établie au titre du revenu global, à raison de la différence entre les bases imposées d'office et les bases résultant de l'application des règles d'assiette propres à la catégorie de revenus à laquelle se rattachent, en définitive, les sommes en cause ;

En ce qui concerne les trois crédits de respectivement 135,86 euros, 400 euros et 400 euros :

Considérant que si M. et Mme X demandent à être déchargés des rappels d'impôt sur le revenu au titre des revenus d'origine indéterminée pour les trois crédits susmentionnés, ils se bornent à invoquer le faible montant de ceux-ci et ne produisent aucun justificatif propre à établir la nature et l'origine des sommes en cause et n'apportent, dès lors, pas la preuve qu'ils ne constituent pas des revenus d'origine indéterminée ;

En ce qui concerne les quinze crédits d'un montant total de 96 000 euros :

Considérant que M. et Mme X demandent à être déchargés des rappels d'impôt sur le revenu, au titre des revenus d'origine indéterminée, portant sur quinze crédits bancaires représentant un montant total de 96 000 euros au motif que ces crédits correspondent à des prêts que M. Murat X avait consentis à des membres de sa famille ou à des amis entre 1996 et 2004 et dont il a demandé et obtenu le remboursement en 2004 afin d'acquérir en juin 2004 un fonds de commerce de bar-tabac ;

S'agissant du crédit de 23 000 euros en date du 13 avril 2004 :

Considérant que M. et Mme X produisent notamment une copie d'un chèque de 23 000 euros signé le 10 avril 2004 par Mme Céline X, soeur du requérant, un bordereau daté du 13 avril 2004 de remise d'un chèque de 23 000 euros par celui-ci à sa banque, une copie du relevé de compte de Mme Céline X faisant apparaître un débit de 23 000 euros le 14 avril 2004 et une copie du relevé de compte de M. et Mme Murat X faisant apparaître un crédit de même montant en valeur le 15 avril 2004 ; que, par suite, les requérants établissent l'origine familiale du crédit en cause ; que l'administration n'apporte pas la preuve que ce mouvement de fonds ne correspond pas au remboursement d'un prêt consenti par M. Murat X à Mme Céline X ; qu'ainsi les requérants sont fondés à demander une réduction de leur base d'imposition au titre de l'année 2004 pour un montant de 23 000 euros ;

S'agissant des quatorze crédits d'un montant total de 73 000 euros :

Considérant, en premier lieu, que M. et Mme X produisent, pour chacun des quatorze autres crédits litigieux, une reconnaissance de dette signée par la personne présentée comme étant l'emprunteuse et une quittance de remboursement de dette signée par M. Murat X qui, revêtant la forme d'un acte sous seing privé, ne sauraient être regardées comme ayant une valeur probante suffisante ; que cinq des reconnaissances de dette sont d'ailleurs libellés en euros tout en mentionnant avoir été établies à une date antérieure à celle de la mise en circulation de cette monnaie le 1er janvier 2002 ; que si les requérants soutiennent que l'administration ne saurait contester l'authenticité de ces reconnaissances de dettes car, à l'occasion de l'acquisition en juin 2004 de leur fonds de commerce de bar-tabac, ils les ont produites devant la direction régionale des douanes et droits indirects qui les a acceptées sans émettre la moindre réserve, il résulte en tout état de cause de l'instruction que ladite direction s'est bornée à indiquer que rien ne s'opposait à l'agrément provisoire de M. Murat X, acquéreur du fonds de commerce, pour succéder dans la gérance du débit de tabac et ne s'est pas prononcée sur la nature et l'origine des crédits bancaires litigieux ; qu'enfin, l'administration fait valoir, sans être démentie, que le montant total des prêts allégués excède très largement les capacités financières des époux X au cours de la période durant laquelle ils auraient été consentis ;

Considérant, en deuxième lieu, que si, s'agissant des crédits de 3 000 euros du 7 avril 2004, de 5 000 euros du 7 avril 2004, de deux fois 1 000 euros du 13 avril 2004 et de cinq fois 2 000 euros du 13 avril 2004, il résulte du rapprochement des copies de chèques, des copies de bordereau de remise de chèques et des documents intitulés consultation historique du relevé de compte de M. et Mme Murat X qu'il existe une concordance entre les chèques et les dépôts effectués sur le compte de ceux-ci, cette concordance, en l'absence de production de copies des relevés de compte des personnes dont émaneraient les crédits litigieux, n'établit pas pour autant que le dépôt en cause correspond au remboursement d'un prêt antérieurement consenti ;

Considérant, en troisième lieu, que si, s'agissant du crédit de 2 000 euros du 8 avril 2004 qui émanerait d'un beau-frère de M. Murat X, les requérants produisent une copie du relevé de compte bancaire de ce beau-frère faisant apparaître un dépôt de même montant sur le compte de celui-ci en date du 29 novembre 2003, ils n'établissent pas par la seule production de la reconnaissance de dette et de la quittance de remboursement qui sont, comme indiqué ci-dessus, dépourvues de valeur probante suffisante, que le crédit litigieux figurant au compte de M. Murat X provient de son beau-frère ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que, s'agissant des crédits de 3 000 euros du 5 avril 2004, de 3 000 euros du 7 avril 2004, de 5 000 euros du 7 avril 2004, de 2 000 euros du 8 avril 2004, de 40 000 euros du 9 avril 2004 et de 3 000 euros du 19 avril 2004, présentés par les requérants comme correspondant au remboursement de prêts familiaux, la matérialité des mouvements de fonds n'étant pas établie, les époux X n'apportent pas la preuve de leur origine familiale et ne sont, par suite, pas fondés à se prévaloir de la présomption de prêt familial ; que, d'autre part, s'agissant des deux crédits de 1 000 euros du 13 avril 2004, des cinq crédits de 2 000 euros chacun du 13 avril 2004 et de 5 000 euros du 25 avril 2004, présentés par les requérants comme correspondant au remboursement de prêts consentis par M. Murat X à des amis, M. et Mme X n'établissent ni l'origine ni la nature desdits crédits ; qu'ils ne sont donc pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a imposé lesdits crédits bancaires, d'un montant total de 73 000 euros au titre de l'année 2004, en tant que revenus d'origine indéterminée ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de (...) a) 40 % en cas de manquement délibéré (...) ; et qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, (...), la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sommes constatées sur le compte bancaire personnel de M. et Mme X et qui ont entrainé un redressement de leur imposition sur le revenu au titre de l'année 2004 et des contributions sociales y afférentes correspondent à des dépôts de chèques et d'espèces dont les montants non déclarés et non justifiés se sont élevés à un total de 89 358 euros pour un revenu imposable déclaré au titre de l'année 2004 de 961 euros ; qu'eu égard à ces circonstances, l'administration doit être regardée comme établissant le caractère intentionnel de l'omission et de l'insuffisance des déclarations des requérants et comme apportant la preuve du bien-fondé des pénalités pour manquement délibéré mises à leur charge ; que, par suite, M. et Mme X ne sont pas fondés à demander à être déchargés des pénalités correspondant à la base imposable de 89 358 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Caen a rejeté en totalité sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme X et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. et Mme X au titre de l'année 2004 est réduite d'une somme de 23 000 euros (vingt-trois mille euros).

Article 2 : M. et Mme X sont déchargés des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 23 décembre 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme X la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Murat X et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

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N° 10NT00375

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10NT00375
Date de la décision : 17/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: M. Robert CHRISTIEN
Rapporteur public ?: Mme SPECHT
Avocat(s) : SARRAZIN ; SARRAZIN ; SARRAZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-03-17;10nt00375 ?
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