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20/10/2011 | FRANCE | N°11NT00197

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 20 octobre 2011, 11NT00197


Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2011, présentée pour Mme Colette A, demeurant ..., par Me Ntsakala, avocat au barreau de Rennes ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-3719 du 21 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2010 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre de séjour et obligation à quitter le territoire français ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, de lui délivrer un titre de sé

jour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros pa...

Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2011, présentée pour Mme Colette A, demeurant ..., par Me Ntsakala, avocat au barreau de Rennes ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-3719 du 21 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2010 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre de séjour et obligation à quitter le territoire français ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ntsakala de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient :

- que sa requête d'appel et sa demande de première instance sont recevables, l'arrêté contesté ne lui ayant pas été régulièrement notifié ; qu'elle est de bonne foi et que l'administration a refusé de lui délivrer une copie de l'arrêté contesté ;

- qu'il y a urgence à statuer sur la légalité de cet arrêté car son exécution pourrait emporter, pour elle, de graves conséquences eu égard à son état de santé ; qu'en outre, le défaut de délivrance de titre de séjour ne lui permet pas d'accéder aux soins que son état de santé nécessite ;

- qu'il appartient à l'administration de démontrer la compétence de l'auteur de l'arrêté contesté ;

- que ledit arrêté, en ce qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, n'est pas suffisamment motivé en droit et en fait ; que par ailleurs, le médecin inspecteur de santé publique n'a pas indiqué dans l'avis qu'il a établi le 15 avril 2010 la durée prévisible des soins ;

- que l'arrêté contesté a méconnu les dispositions du 11 ° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle ; qu'en effet, elle souffre d'une pathologie nécessitant une prise en charge et un suivi médical régulier qui ne peuvent pas être effectués dans son pays d'origine ; que c'est en raison d'un risque majeur pour sa vie qu'elle est venue se faire soigner en France, faute de centre d'hémodialyse en République démocratique du Congo ; qu'elle a produit une attestation du docteur Rivalan du 18 janvier 2011 précisant qu'elle est atteinte d'une pathologie chronique sans possibilité de guérison ;

- que l'arrêté contesté a méconnu les dispositions de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il appartient à l'administration de démontrer qu'un traitement existe dans son pays d'origine ; que les différents avis émis par le médecin inspecteur de santé publique sont d'ailleurs contradictoires ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2011, présenté par le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui conclut au rejet de la requête ;

Il s'en remet à ses écritures de première instance et soutient en outre :

- que la cour pourra se prononcer par adoption des motifs des premiers juges, la requérante reprenant en tous points l'argumentaire développé par elle en première instance ; que s'agissant de la compétence de l'auteur de l'acte attaqué il s'en rapporte aux arguments qu'il a développé devant les premiers juges ;

- que l'avis du médecin inspecteur de santé publique émis le 15 avril 2010 est suffisamment motivé ; que le médecin inspecteur de santé publique n'est tenu d'indiquer la durée prévisible du traitement que dans le cas où l'étranger ne peut suivre un traitement approprié dans son pays d'origine, qu'une telle obligation ne s'imposait pas en l'espèce ;

- que cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la vie personnelle de la requérante ;

- que ce même arrêté n'a méconnu ni les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 ni celles du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le certificat médical produit par Mme A, établi le 18 janvier 2011, ne démontre pas que l'insuffisance rénale dont elle souffre soit la cause de son hypertension artérielle ; que le traitement qui lui a été prescrit à cette occasion par le docteur Rivalan pour son hypertension est d'ailleurs contre-indiqué aux patients sous dialyse ; qu'elle se borne à faire valoir que si son état de santé ne nécessite pas aujourd'hui de séances de dialyse, elle pourrait à terme en avoir besoin ;

- que les dispositions de l'article L. 521-3 invoquées en appel par la requérante ne trouvent à s'appliquer qu'aux mesures d'expulsion ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes, en date du 28 janvier 2011, admettant Mme A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2011 :

- le rapport de M. Pouget, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ntsakala, avocat de Mme A ;

Considérant que Mme A, de nationalité congolaise (RDC), interjette appel du jugement du 21 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2010 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre séjour et obligation de quitter le territoire français ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté contesté :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif ;

Considérant, en premier lieu, que, l'arrêté préfectoral attaqué a été signé par M. Claude Erb, chargé de mission, qui avait reçu délégation de signature du préfet d'Ille-et-Vilaine par un arrêté du 27 janvier 2010 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture d'Ille-et-Vilaine, à l'effet de signer les arrêtés relatifs à la situation des ressortissants étrangers en situation irrégulière ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige ne peut être qu'écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que le préfet d'Ille-et-Vilaine a visé dans l'arrêté contesté du 7 juillet 2010 les textes dont il est fait application et a indiqué l'identité, les conditions d'entrée en France et la situation familiale de Mme A ; qu'il a reproduit la teneur de l'avis établi le 15 avril 2010 par le médecin inspecteur de santé publique, qui précise que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que Mme A peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'ainsi l'arrêté contesté énonce, sans méconnaître le secret médical, les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; que, par ailleurs, le médecin inspecteur de santé publique n'était pas tenu d'indiquer la durée prévisible du traitement dès lors qu'il a estimé que l'intéressée pouvait suivre un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient Mme A, l'arrêté contesté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 7 juillet 2010 est suffisamment motivé et a été pris à l'issue d'une procédure régulière ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis parle médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé et, à Paris, par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu d'une part d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article (...) ; que l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d'émettre un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays, quelle est la durée prévisible du traitement, et indiquant si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant que Mme A soutient qu'elle souffre d'insuffisance rénale et d'hypertension artérielle pour lesquelles elle bénéficie d'un traitement médicamenteux et d'une surveillance régulière dont elle ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine ; qu'elle produit notamment des attestations médicales ainsi qu'un document émanant de l'Organisation Mondiale de la Santé mentionnant l'absence de centres d'hémodialyse dans son pays d'origine ; que toutefois l'intéressée, dont l'insuffisance rénale chronique modérée est stabilisée et qui n'établit pas avoir besoin de suivre un traitement dans un centre d'hémodialyse, n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les traitements nécessaires compte tenu de son état de santé actuel ne lui seraient pas accessibles dans son pays d'origine, eu égard notamment à leurs coûts ou à l'absence de mode de prise en charge adaptés, et n'apporte pas d'éléments de nature à établir que sa situation personnelle l'empêcherait d'y accéder effectivement ; qu'ainsi, en refusant d'accorder à Mme A un titre de séjour en raison de son état de santé le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle et l'état de santé de Mme A ;

Considérant, en quatrième lieu, que Mme A ne peut utilement invoquer à l'encontre de l'arrêté contesté la méconnaissance des dispositions de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne concernent que les mesures l'expulsion ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la demande de Mme A, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à l'avocat de Mme A de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Colette A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Une copie sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2011, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pouget, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 octobre 2011.

Le rapporteur,

L. POUGETLe président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11NT00197 7

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT00197
Date de la décision : 20/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : NTSAKALA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-10-20;11nt00197 ?
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