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20/10/2011 | FRANCE | N°11NT00959

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 20 octobre 2011, 11NT00959


Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2011, présentée pour M. Gabriel A, actuellement domicilié ..., par Me Rousseau, avocat au barreau de Nantes ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 11-124 du 17 mars 2011 du juge des référés du tribunal administratif de Caen qui a admis la tierce opposition formée par le Garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés et a déclaré non avenue l'ordonnance du 11 janvier 2011 du juge des référés du même tribunal qui avait fait droit à ses conclusions tendant à la constatation de l'état de chacune des cell

ules qu'il a occupées au cours de son incarcération au centre pénitentiaire...

Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2011, présentée pour M. Gabriel A, actuellement domicilié ..., par Me Rousseau, avocat au barreau de Nantes ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 11-124 du 17 mars 2011 du juge des référés du tribunal administratif de Caen qui a admis la tierce opposition formée par le Garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés et a déclaré non avenue l'ordonnance du 11 janvier 2011 du juge des référés du même tribunal qui avait fait droit à ses conclusions tendant à la constatation de l'état de chacune des cellules qu'il a occupées au cours de son incarcération au centre pénitentiaire de Caen ainsi que de l'état des installations sanitaires et des locaux d'hygiène auxquels il avait accès ;

2°) d'ordonner un constat en vue de décrire ses conditions de détention ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rousseau de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient :

- que l'ordonnance attaquée est irrégulière ; qu'en effet, il n'y a avait pas lieu à statuer

sur la requête en tierce opposition du Garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés dès lors que l'expert avait opéré son constat et remis son rapport ;

- qu'il est suivi pour différents troubles psychosomatiques et psychiques et que, par suite, un constat sur ses conditions de détention est utile ;

- que la responsabilité de l'Etat est susceptible d'être engagée ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2011, présenté par le Garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que la tierce opposition présentée devant le tribunal administratif de Caen était recevable ; qu'en effet, aucune disposition législative ou règlementaire ne subordonne sa recevabilité à l'absence de dépôt d'un rapport d'expertise ou de constat ;

- que la requête d'appel présentée par M. A est irrecevable car elle ne comporte aucun moyen d'appel ;

- que la demande du requérant ne présente pas de caractère d'utilité au sens des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ;

- que les neuf cellules occupées par le requérant depuis le 24 mars 2007 au centre de détention de Caen soit ont déjà été expertisée dans la période récente, soit sont semblables et voisines à des cellules ayant fait l'objet de l'une des cinq expertises ordonnées par le juge des référés du tribunal administratif de Caen en 2010 et 2011;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes, en date du 1er avril 2011, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2011 :

- le rapport de M. Pouget, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

Considérant que M. A relève appel de l'ordonnance en date du 17 mars 2011 du président du tribunal administratif de Caen, juge des référés, qui a admis la tierce opposition formée par le Garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés à l'encontre de l'ordonnance rendue le 11 janvier 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Caen avait fait droit à sa demande tendant à la constatation de l'état de chacune des cellules qu'il a occupées au cours de son incarcération au centre pénitentiaire de Caen ainsi que de l'état des installations sanitaires et des locaux d'hygiène auxquels il avait accès ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le Garde des Sceaux ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 531-1 du code de justice administrative : S'il n'est rien demandé de plus que la constatation de faits, le juge des référés peut, sur simple requête qui peut être présentée sans ministère d'avocat et même en l'absence d'une décision administrative préalable, désigner un expert pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction. Avis en est donné immédiatement aux défendeurs éventuels. Par dérogation aux dispositions des articles R. 832-2 et R. 832-3, le délai pour former tierce opposition est de quinze jours. ; qu'aux termes de l'article R. 832-1 du même code : Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ;

Considérant qu'il est constant que le ministre d'Etat, Garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés n'a pas été mis en cause dans l'instance dans laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Caen a prescrit, par une ordonnance rendue le 11 janvier 2011, un constat sur les conditions matérielles de détention de M. A à la maison d'arrêt de Caen ; que cette ordonnance préjudiciait aux droits de l'Etat dès lors que, à la suite de ce constat, sa responsabilité était, à tort ou à bon droit, susceptible d'être mise en jeu ; qu'il suit de là, et alors même que l'expertise ordonnée le 11 janvier 2011 par le juge des référés du tribunal administratif de Caen était partiellement réalisée le 18 janvier 2011, date à laquelle la tierce opposition a été formée par le ministre chargé de la justice, que c'est à bon droit que le président du tribunal administratif de Caen a admis, par l'ordonnance attaquée, cette tierce opposition, régulièrement formée dans le délai prévu par les dispositions précitées de l'article R. 531-1 du code de justice administrative ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée est irrégulière au motif que la tierce opposition, à la date à laquelle elle a été formée, était sans objet ;

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

Considérant, en premier lieu, que la requête de M. A tend à faire constater l'état des neuf cellules qu'il a occupées depuis le 24 mars 2007, date de son incarcération au centre de détention de Caen jusqu'à ce jour ainsi que l'état des installations sanitaires et locaux d'hygiène auxquels il a accès ; que, si les faits dont la constatation est demandée sont susceptibles de se rattacher à un litige de plein contentieux relevant de la compétence du juge administratif, ils ont, pour l'essentiel d'entre eux et notamment ceux concernant les parties communes de la maison d'arrêt, déjà donné lieu à un premier constat ordonné le 16 juin 2009 par le juge des référés du tribunal administratif de Caen, puis à quatre autres constats ordonnés les 16 juin, 2 décembre, 17 décembre, 29 décembre 2010 et 4 janvier 2011 ; qu'il n'est pas contesté que les neuf cellules occupées par M. A lors de sa détention sont similaires et voisines de celles qui ont été expertisées lors du premier constat ordonné le 16 juin 2009 par M. Leriche, expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Caen ; que si les cellules occupées par M. A n'étaient pas incluses dans les rapports déposés par l'expert en 2010 et 2011, il ressort des pièces du dossier qu'elles se trouvaient dans un état identique ou quasi-identique à celles qui ont fait l'objet de ces rapports, dont l'intéressé pourrait ainsi utilement se prévaloir, le cas échéant, à l'appui des actions en responsabilité qu'il serait susceptible d'entreprendre ; qu'ainsi, la demande de constat demandée par M. A ne présentait pas de caractère utile au sens des dispositions précitées de l'article 531-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Caen, après avoir fait droit à la tierce opposition formée par le Garde des Sceaux et déclaré non avenue l'ordonnance du 11 janvier 2011, a rejeté sa demande de constat ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : Les dépens comprennent les frais d'expertise (...) ; qu'aux termes de l'article 24 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991 dans sa rédaction applicable au présent litige : Les dépenses qui incomberaient au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle s'il n'avait pas cette aide sont à la charge de l'Etat (...) ; qu'aux termes de l'article 40 de la même loi : L'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée (...) ; que, M. A bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale, les frais du constat néanmoins réalisé sur le fondement de l'ordonnance susvisée du 11 janvier 2011 déclarée non avenue, taxés et liquidés à la somme de 919,46 euros TTC par une ordonnance du 15 avril 2011 du même juge, seront mis à la charge définitive de l'Etat ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, le versement à l'avocat de M. A, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les frais de constat, liquidés et taxés à la somme de 919,46 euros (neuf cent dix-neuf euros et quarante-six centimes), sont mis à la charge de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Gabriel A et au Garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2011, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pouget, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 octobre 2011.

Le rapporteur,

L. POUGETLe président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au Garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT00959
Date de la décision : 20/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : ROUSSEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-10-20;11nt00959 ?
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