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22/03/2012 | FRANCE | N°11NT00432

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 22 mars 2012, 11NT00432


Vu I, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 février 2011 et 6 avril 2011, sous le n° 11NT00432, présentés pour la société MIRAMAR CROUESTY, dont le siège est Port du Crouesty à Arzon (56640), par Me Lapisardi, avocat au barreau de Paris ; la société MIRAMAR CROUESTY demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0805216 du 7 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. Thierry X, la décision en date du 19 septembre 2008 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et

de la solidarité portant rejet du recours hiérarchique formé par l'intéres...

Vu I, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 février 2011 et 6 avril 2011, sous le n° 11NT00432, présentés pour la société MIRAMAR CROUESTY, dont le siège est Port du Crouesty à Arzon (56640), par Me Lapisardi, avocat au barreau de Paris ; la société MIRAMAR CROUESTY demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0805216 du 7 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. Thierry X, la décision en date du 19 septembre 2008 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité portant rejet du recours hiérarchique formé par l'intéressé contre la décision du 14 mars 2008 par laquelle l'inspecteur du travail du Morbihan a autorisé son licenciement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu II, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 janvier 2011 et 8 juin 2011, sous le n° 11NT00468, présentés pour M. Thierry X, demeurant ..., par Me Gicquel, avocat au barreau de Vannes ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0805216 du 7 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 14 mars 2008 de l'inspecteur du travail autorisant la société Miramar Crouesty à le licencier ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Miramar Crouesty le paiement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.......................................................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2012 :

- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Specht, rapporteur public,

- et les observations de Me Terraux, substituant Me Lapisardi, avocat de la société MIRAMAR CROUESTY ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 mars 2012, présentée pour la société MIRAMAR CROUESTY ;

Considérant que la requête de la société MIRAMAR CROUESTY et celle de M. X sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que, par décision du 14 mars 2008, l'inspecteur du travail du Morbihan a autorisé le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. Thierry X, salarié de la société MIRAMAR CROUESTY, qui exploite à Arzon un établissement hôtelier quatre étoiles ainsi qu'un centre de thalassothérapie ; que M. X, membre du comité d'entreprise, a formé un recours hiérarchique contre cette décision ; que, le 19 septembre 2008, le ministre chargé du travail a rejeté ce recours comme tardif ; que, par requête enregistrée sous le n° 11NT00432 et par la voie de l'appel incident dans la requête enregistrée sous le n° 11NT00468, la société MIRAMAR CROUESTY interjette appel de l'article 1er du jugement du 7 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 19 septembre 2008 ; que, par requête enregistrée sous le n° 11NT00468 et par la voie de l'appel incident dans la requête enregistrée sous le n° 11NT00432, M. X demande l'annulation de l'article 2 dudit jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté le surplus de sa demande, tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail en date du 14 mars 2008 ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que, pour demander l'annulation de la décision du ministre, M. X a contesté la tardiveté de son recours hiérarchique ; qu'en indiquant, dans les motifs de son jugement, qu'en se bornant à rejeter comme tardif ce recours alors que la tardiveté ne ressortait pas du dossier sans confirmer ni infirmer la position de l'inspecteur du travail, le ministre n'avait pas exercé sa compétence, le tribunal n'a ni soulevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public ni entaché son jugement d'une omission à statuer ;

Sur la légalité de la décision du ministre en date du 19 septembre 2008 :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur (...) " ;

Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que la décision de l'inspecteur du travail en date du 14 mars 2008, qui comportait l'indication des voies et délais de recours, a été notifiée à M. X, le 15 mars 2008 ; que, pour rejeter, par sa décision du 19 septembre 2008, le recours hiérarchique présenté par M. X, le ministre chargé du travail a relevé que ce recours, qui devait être reçu par ses services au plus tard le 16 mai 2008, était parvenu après cette date et n'était donc pas recevable ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort de la copie de la preuve de dépôt du pli recommandé que le recours hiérarchique de M. X a été remis au service postal le 13 mai 2008 à 18 heures, soit en temps utile pour être enregistré avant l'expiration du délai de recours ; que, par suite, eu égard au délai anormal d'acheminement de ce recours, le ministre chargé du travail n'était, en tout état de cause, pas fondé à considérer que ce recours était tardif et, par suite, à le rejeter comme irrecevable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société MIRAMAR CROUESTY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision ministérielle du 19 septembre 2008 ; que sa requête n° 11NT00432 et les conclusions d'appel incident qu'elle a présentées dans la requête n° 11NT00468 doivent être, par suite, rejetées ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail en date du 14 mars 2008 :

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 2411-1 et suivants du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions de délégué syndical, de délégué du personnel et de membre titulaire élu du comité d'entreprise bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : "En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié" ;

Considérant que pour accorder l'autorisation de licencier M. X, occupant les fonctions de responsable du restaurant de l'établissement, l'inspecteur du travail du Morbihan a considéré, d'une part, que celui-ci avait proféré des insultes le 15 mars 2007 envers M. Y, second de cuisine, qu'il ne s'était pas impliqué dans la formation des nouvelles normes et qu'il avait adopté à l'égard de son équipe une attitude de dénigrement et fait preuve d'un abus d'autorité provoquant un climat de travail anxiogène et de véritables situations de souffrance au travail ; que le même inspecteur a considéré, d'autre part, que l'ensemble de ces faits étaient à l'origine d'une détérioration des relations de nature à troubler gravement le bon fonctionnement de l'équipe dont M. X avait la charge et étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

Considérant toutefois que les pièces du dossier produites ne permettent pas de tenir pour établi que M. X a adopté à l'égard de certains personnels une attitude de dénigrement à l'origine de situations de souffrance au travail ou fait preuve d'un abus d'autorité à l'origine d'une détérioration des relations de travail ; que si, en revanche, il a tenu des propos insultants le 15 mars 2007 et ne s'est pas impliqué dans la formation à de nouvelles normes, ces griefs ne sont à eux seuls pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement pour faute ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 14 mars 2008 par laquelle l'inspecteur du travail du Morbihan a autorisé la société MIRAMAR CROUESTY à le licencier ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. X et de l'Etat le paiement des sommes que la société MIRAMAR CROUESTY demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 000 euros et à la charge de la société MIRAMAR CROUESTY le paiement d'une somme identique au titre des mêmes frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 11NT00432 et les conclusions d'appel incident de la société MIRAMAR CROUESTY dans la requête n° 11NT00468 sont rejetées.

Article 2 : La décision du 14 mars 2008 par laquelle l'inspecteur du travail du Morbihan a autorisé la société MIRAMAR CROUESTY à licencier M. Thierry X et l'article 2 du jugement du 7 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande d'annulation de cette décision présentée par M. X sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La société MIRAMAR CROUESTY versera à M. X une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société MIRAMAR CROUESTY, à M. Thierry X et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

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N°s 11NT00432,...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11NT00432
Date de la décision : 22/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme SPECHT
Avocat(s) : SCP BARRAQUAND LAPISARDI ; GICQUEL ; SCP BARRAQUAND LAPISARDI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-03-22;11nt00432 ?
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