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26/07/2012 | FRANCE | N°12NT00464

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 26 juillet 2012, 12NT00464


Vu la requête, enregistrée le 17 février 2012, présentée pour M. Marat X, élisant domicile ..., par Me Bourgeois, avocat au barreau de Nantes ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1108084 du 25 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique en date du 30 mai 2011 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un

titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à ...

Vu la requête, enregistrée le 17 février 2012, présentée pour M. Marat X, élisant domicile ..., par Me Bourgeois, avocat au barreau de Nantes ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1108084 du 25 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique en date du 30 mai 2011 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Bourgeois, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2012 le rapport de Mlle Wunderlich, premier conseiller,

Sur la régularité du jugement :

Considérant que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen soulevé par M. X, ressortissant russe, tiré de ce que les dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement desquelles l'obligation litigieuse de quitter le territoire français lui a été opposée, sont incompatibles avec l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'était pas inopérant ; que le jugement doit, en raison de cette omission, être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique en date du 30 mai 2011 :

Considérant, en premier lieu, que M. Bernard Boulogne, directeur de la réglementation et des libertés publiques à la préfecture de la Loire-Atlantique, a, par arrêté en date du 25 février 2011 régulièrement publié au recueil n° 11 du 28 février 2011 des actes administratifs de la préfecture de la Loire-Atlantique, reçu délégation du préfet pour signer, notamment, les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour assorties de l'obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de renvoi ; qu'ainsi M. X, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux est illégal faute pour son signataire d'avoir régulièrement reçu délégation de signature ;

Considérant, en deuxième lieu, que le refus de titre de séjour opposé par l'arrêté litigieux à M. X comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il est dès lors régulièrement motivé au regard des exigences posées par la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent les informations relatives aux voies de recours disponibles (...) " ; que les dispositions de l'article L. 511-1, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 37 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant qu'elles prévoyaient que l'obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois n'avait pas à faire l'objet d'une motivation, étaient incompatibles avec les objectifs de l'article 12 précité de la directive du 16 décembre 2008, dont le délai de transposition expirait le 24 décembre 2010 ; que, par suite, il y a lieu d'en écarter l'application et, par voie de conséquence, de vérifier que l'obligation de quitter le territoire français, qui est au nombre des mesures de police qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, satisfait aux exigences de l'article 3 de cette loi ;

Considérant que l'autorité administrative ne peut prendre une mesure prescrivant l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger sans lui avoir dans la même décision refusé, de manière explicite, un titre de séjour ; que la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; que le refus de séjour opposé par l'arrêté litigieux à M. X, comporte ainsi qu'il vient d'être dit l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que l'obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois dont ce refus a été assorti, qui vise le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit, dès lors, être regardée comme régulièrement motivée, de sorte que le moyen tiré par le requérant de son insuffisante motivation manque en fait ;

Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays à destination duquel M. X pourrait être renvoyé manque également en fait ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. X et se serait cru lié par l'appréciation portée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur les risques encourus par l'intéressé en Russie ;

Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que si M. X, né en 1980, entré irrégulièrement en France en juillet 2010 accompagné de son épouse pour y demander l'asile, fait valoir que ses liens avec son pays d'origine se sont distendus et que le centre de ses intérêts personnels et familiaux est désormais en France, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

Considérant, en septième lieu, que le droit à un recours effectif garanti par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'implique pas que l'étranger qui fait l'objet de la procédure prioritaire prévue à l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dispose du droit de contester la décision de rejet qui lui est opposée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides devant la Cour nationale du droit d'asile, où il peut se faire représenter, puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant cette juridiction ; que la circonstance que le recours devant cette cour ne présente pas un caractère suspensif ne suffit pas à faire regarder, contrairement à ce que soutient M. X, l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes duquel " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. (...) " comme incompatible avec les stipulations de l'article 13 de ladite convention ;

Considérant, en huitième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français (...) est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; et qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ;

Considérant que M. X soutient qu'à la suite d'un cambriolage perpétré dans les locaux du centre électrique de liaison du district de Bouinarsk où il était employé comme vigile, il a subi des violences et des menaces de la part de la police comme de terroristes l'ayant conduit à fuir le Daghestan, où il est recherché, les membres de sa famille faisant par ailleurs l'objet de pressions ; que les pièces qu'il a produites à l'appui de ces allégations sont toutefois insuffisantes pour établir qu'il court personnellement des risques, dont l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'a d'ailleurs pas reconnu l'existence, en cas de retour dans son pays ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation de l'article L. 513-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique en date du 30 mai 2011 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions tendant à ce que la cour enjoigne au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour, ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au profit de l'avocat de M. X, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 25 novembre 2011 est annulé.

Article 2 : La demande de M. X présentée devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus des conclusions de la requête sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Marat X et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise à Me Bourgeois et au préfet de la Loire-Atlantique.

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N° 12NT004642

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00464
Date de la décision : 26/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine WUNDERLICH
Rapporteur public ?: Mme SPECHT
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-07-26;12nt00464 ?
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