La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2012 | FRANCE | N°12NT00397

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 13 décembre 2012, 12NT00397


Vu la requête, enregistrée le 13 février 2012, présentée pour M. et Mme Henri-Louis A, demeurant ..., par Me Bastard, avocat au barreau de Cherbourg ; M. et Mme A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002449 du 19 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Eta

t le versement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article ...

Vu la requête, enregistrée le 13 février 2012, présentée pour M. et Mme Henri-Louis A, demeurant ..., par Me Bastard, avocat au barreau de Cherbourg ; M. et Mme A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002449 du 19 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :

- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant que dans le cadre d'un contrôle sur pièces portant sur les déclarations de revenus de M. et Mme A des années 2006 et 2007, l'administration a considéré que le montant du loyer perçu et déclaré de 7 200 euros annuellement pour la location d'un appartement de trois pièces d'une superficie de 64 mètres carrés situé 88 boulevard de Courcelles à Paris était anormalement bas et évalué le montant normalement dû à 18 792 euros en 2006 et 19 104 euros en 2007 ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en résultant ont été mises en recouvrement le 15 juillet 2010 ; que M. et Mme A ont contesté le 20 juillet 2010 ces cotisations supplémentaires de contributions sociales puis ont saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande de décharge desdites cotisations ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ; qu'ils font appel du jugement du 19 décembre 2011 par lequel le tribunal a rejeté leur demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la circonstance que le rapporteur public a prononcé lors de l'audience publique des conclusions contraires au sens du jugement contesté et le fait que les premiers juges se seraient mépris sur les règles de dévolution de la charge de la preuve sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : "Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial (...) de l'administration des impôts (...) dont dépend le lieu de l'imposition (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 199 du même livre : "En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d 'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entièrement satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif (...)" ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 199-1 dudit livre : "L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation, que cette notification soit faite ou pas avant l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10. Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu de décision de l'administration dans le délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai (...)" ; que ces dispositions font obstacle à la recevabilité devant le tribunal administratif d'une demande qui n'a pas été précédée de la réclamation préalable exigée par les dispositions de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales précité ; que toutefois aucune fin de non recevoir tirée du défaut de réclamation préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif une demande à une date où il n'avait présenté aucune réclamation préalable en ce sens devant l'administration lorsqu'il a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une telle réclamation auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle ci pendant six mois a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l'administration ; que lorsque ce mémoire en défense conclut à titre principal, à l'irrecevabilité faute de réclamation préalable et, à titre subsidiaire seulement, au rejet au fond, ces conclusions font seulement obstacle à ce que le contentieux soit lié par ce mémoire lui-même ;

4. Considérant que si la réclamation préalable de M. et Mme A du 20 juillet 2010 qui a donné lieu à une décision de rejet le 4 octobre 2010 n'était dirigée que contre les cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ceux-ci ont été assujettis, il résulte de l'instruction qu'après la fin de non-recevoir opposée par l'administration dans son mémoire en défense du 9 juin 2011 aux conclusions de M. et M. A en tant qu'elles tendaient à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge, ces derniers ont présenté le 12 juin 2011 une réclamation préalable dirigée contre ces impositions ; que cette réclamation, formée dans le délai général de réclamation, a été implicitement rejetée du fait du silence gardé par l'administration durant six mois et présentée avant que le tribunal ne statue ; qu'il s'ensuit que la demande de M. et Mme A était également recevable en tant qu'elle tendait à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la loi fiscale :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 29 du code général des impôts : "(...) le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires (...)" ;

6. Considérant que, lorsque le loyer d'un immeuble, en l'absence de toute circonstance indépendante de la volonté du propriétaire, est notablement inférieur à sa valeur locative réelle, l'administration est en droit de retenir cette dernière pour le calcul du revenu foncier imposé en vue de tenir compte de la somme dont le contribuable a disposé en renonçant à la percevoir ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a, pour considérer que le loyer annuel de 7 200 euros déclaré par M. et Mme A était anormalement bas, déterminé, à partir d'un échantillon de onze appartements situés dans le même quartier que l'appartement loué par M. et Mme A, un prix moyen du loyer mensuel de 28 euros par mètre carré ; qu'après correction en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction, le service a, à partir de ce prix moyen, évalué à 1 565,89 euros et 1 592,34 euros les loyers normalement dus pour la location en 2006 et 2007 de l'appartement de 64 mètres carrés des époux A ; que la méthode ainsi employée par l'administration, qui n'était pas tenue de recourir à la valeur locative cadastrale, justifie du caractère anormalement bas des loyers perçus et déclarés en 2006 et 2007 par M. et Mme A ; qu'en revanche, les sommes de 1 565,89 euros et 1 592 euros ainsi retenues par l'administration apparaissent surévaluées au vu des montants des loyers des onze appartements relevés par celle-ci en 2009, des loyers des deux appartements de 64 mètres carrés situés ... dont les requérants se prévalent et des caractéristiques non contestées de l'appartement des époux A, situé au 4ème étage de l'immeuble sis 88 boulevard de Courcelles, dépourvu d'ascenseur et se trouvant en vis-à-vis d'une clinique à l'origine de nuisances sonores importantes ; que le montant des loyers normalement dus doit être fixé compte tenu de ces caractéristiques et de la variation de l'indice du coût de la construction à 1 065,39 euros pour 2006 et 1 083,39 euros pour 2007 ; que M. et Mme A sont en conséquence fondés à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondantes ;

En ce qui concerne la doctrine de l'administration :

8. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration" et qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : "La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal" ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'occasion d'un précédent contrôle portant sur les années 2003 à 2005, l'administration a, dans la réponse aux observations des contribuables en date du 8 décembre 2006, compte tenu des arguments formulés tenant notamment à la valeur locative cadastrale existante de 7 426 euros, ramené le montant des loyers initialement porté à 1 000 euros par mois à 600 euros sans pour autant considérer qu'il s'agissait là du montant des loyers normalement dus ; que l'administration n'a dans ces conditions pas formellement pris position sur le caractère normal des loyers dus en 2006 et 2007 aux époux A ; que ceux-ci ne sont, en conséquence, pas fondés à se prévaloir de cette réponse tant sur le fondement de l'article L. 80 B que celui de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les époux A sont en conséquence seulement fondés à demander la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 résultant de la fixation des loyers à 1 065,39 euros pour 2006 et 1 083,39 euros pour 2007 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A dans le cadre de la présente instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les montants des loyers mensuels normalement dus pour la location de l'immeuble situé 88 boulevard de Courcelles à Paris sont ramenés à 1 065,39 euros pour 2006 et 1 083,39 pour 2007. M. et Mme A sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 19 décembre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A une somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Henri-Louis A et au ministre de l'économie et des finances.

''

''

''

''

2

N° 12NT00397


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00397
Date de la décision : 13/12/2012
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : BASTARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-12-13;12nt00397 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award