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14/06/2013 | FRANCE | N°12NT00477

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 14 juin 2013, 12NT00477


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 février 2012 et 14 mars 2012, présentés pour la société Cobat, dont le siège est au 4, rue Saint-Marc à Brest (29200), par Me Lauret, avocat au barreau de Brest ; la société Cobat demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900596 du 8 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 septembre 2008 par lequel le maire de Perros-Guirec a refusé de proroger la validité du permis de construire délivré le 29 septembre

2006 pour la réalisation d'un immeuble collectif de dix logements, d'une surfa...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 février 2012 et 14 mars 2012, présentés pour la société Cobat, dont le siège est au 4, rue Saint-Marc à Brest (29200), par Me Lauret, avocat au barreau de Brest ; la société Cobat demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900596 du 8 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 septembre 2008 par lequel le maire de Perros-Guirec a refusé de proroger la validité du permis de construire délivré le 29 septembre 2006 pour la réalisation d'un immeuble collectif de dix logements, d'une surface hors oeuvre nette de 1 042 m², sur une parcelle cadastrée section AP n° 280, sise 10, rue du Général Leclerc, et à celle de la décision portant rejet de son recours gracieux ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 3 septembre 2008 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Perros-Guirec " à titre provisionnel " une somme d'un euro à titre de dommages et intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Perros-Guirec une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit et d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 424-21 du code de l'urbanisme ; le maire ne pouvait se fonder sur les seules affirmations du propriétaire du terrain pour retenir qu'elle avait perdu la qualité de

pétitionnaire depuis la date de la délivrance du permis de construire initial ; elle était toujours titulaire d'un bail commercial dans les lieux ; la convention conclue avec l'ancien propriétaire le 2 aout 2005, portant promesse synallagmatique de vente, était toujours valable ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit ; une demande de prorogation de permis de construire ne peut, en application de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme, être refusée que si les règles d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres s'imposant au projet ont été modifiées postérieurement à la délivrance du permis de construire dans un sens défavorable au pétitionnaire ; ses droits n'ont subi aucune modification ;

- il n'appartenait pas à l'autorité administrative d'apprécier la validité des titres du pétitionnaire ;

- la réalisation de l'opération immobilière a été paralysée par le seul refus de prorogation du permis de construire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 28 février 2012 à Me Lauret, avocat de la société Cobat, en application de l'article R. 612-5 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu la mise en demeure adressée le 7 novembre 2012 à Me Collet, avocat de la commune de Perros-Guirec, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2012, présenté pour la commune de Perros-Guirec, représentée par son maire en exercice, par Me Collet, avocat au barreau de Rennes, qui conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de la société Cobat le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- en application des dispositions combinées des articles R. 421-1-1, R. 424- 21 et R. 424-23 du code de l'urbanisme, que, saisi d'une demande de prorogation d'un permis de construire, le maire est tenu de vérifier que le titre habilitant le bénéficiaire dudit permis de construire est toujours en cours de validité ; la société Cobat ne justifiait pas d'un tel titre à la date à laquelle la demande de prorogation a été formée ; la réalisation des conditions suspensives qui assortissaient la convention du 2 aout 2005 n'était pas intervenue ; par courrier du 5 aout 2008, l'ancien propriétaire du terrain a informé le maire du non transfert de propriété ;

- la société Cobat n'est pas titulaire d'un bail commercial à cette adresse ; par jugement du 5 juillet 2011, le tribunal de grande instance de Saint Brieuc a prononcé à compter du 6 novembre 2008 la résiliation du bail ; le refus de prorogation n'est pas fondé sur une évolution des circonstances de fait postérieures à la délivrance du permis de construire ;

- la demande indemnitaire est irrecevable car elle n'a pas été précédée d'une demande préalable ; à titre subsidiaire, elle doit être rejetée en raison de la légalité de la décision du 3 septembre 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2013 :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., substituant Me Collet, avocat de commune de Perros-Guirec ;

1. Considérant que par arrêté du 29 septembre 2006, le maire de la commune de Perros-Guirec (Côtes d'Armor) a délivré à la société Cobat un permis de construire pour l'édification d'un bâtiment collectif, sur une parcelle cadastrée section AP n° 280 comprenant 10 logements d'une surface hors oeuvre nette de 1 042 m² et un local commercial ; que, le 22 juillet 2008, la société Cobat a demandé au maire de Perros-Guirec la prorogation pour une année de la validité du permis de construire ; que, par arrêté du 3 septembre 2008, le maire a refusé de proroger la validité de ce permis au motif que la société pétitionnaire n'était toujours pas propriétaire de la parcelle et ne disposait plus d'un titre l'habilitant à construire ; que la société Cobat relève appel du jugement du 8 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 septembre 2008 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que, pour rejeter la demande de la société Cobat, le tribunal administratif de Rennes a considéré que le maire de la commune de Perros-Guirec avait pu légalement refuser le 3 septembre 2008 de proroger la validité du permis de construire, qu'il lui avait précédemment délivré par arrêté en date du 29 septembre 2006, dès lors qu'à la date à laquelle la société avait sollicité la prorogation du permis de construire le maire de Perros-Guirec avait été informé, par un courrier en date du 5 août 2008 de M. B..., propriétaire du terrain cadastré section AP n° 280, de l'existence d'une contestation sérieuse quant à la pérennité du titre initialement invoqué par la société pétitionnaire et, partant, à la qualité de celle-ci pour entreprendre les travaux ;

3. Considérant, d'une part, qu'en application de l'article R. 424-21 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable aux demandes de permis de construire déposées avant le 1er octobre 2007, un permis de construire peut être prorogé pour deux années, sur demande de son bénéficiaire, si les prescriptions d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n'ont pas évolué de façon défavorable à son égard ; que, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de la décision de refus de prorogation contestée : " La demande de permis de construire précise : a) L'identité du ou des demandeurs ; (...). La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis " ; qu'aux termes de l'article R. 423-1 du même code : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'autorité administrative compétente, saisie d'une demande de prorogation par le bénéficiaire initial d'un permis de construire, ne saurait légalement remettre en cause, en l'absence de fraude ou de manoeuvre de nature à induire l'administration en erreur, la qualité de détenteur du droit à effectuer les travaux autorisés dont bénéficie ce pétitionnaire ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors du dépôt de la demande de permis de construire le 10 octobre 2005 portant sur la parcelle cadastrée section AP n° 280 appartenant à M. B..., la société Cobat a justifié auprès de l'autorité administrative compétente d'une part de la conclusion, par acte sous seing privé du 2 août 2005, avec le propriétaire du terrain d'assiette d'une convention par laquelle ce dernier s'engageait à lui céder l'immeuble sous certaines conditions, d'autre part de l'autorisation, que celui-ci lui avait donnée par écrit en date du 20 septembre 2005, de déposer une demande de permis de construire ; que la société Cobat a en conséquence justifié de sa qualité pour déposer une demande de permis de construire qui lui a été délivré le 29 septembre 2006 ; que, dans ces conditions, cette société n'était pas tenue de justifier à nouveau de sa qualité pour solliciter le 22 juillet 2008 une prorogation du permis de construire initialement délivré ; que, par suite, en refusant le 3 septembre 2008 de proroger le permis de construire du 29 septembre 2006, au motif que la société Cobat n'était toujours pas propriétaire de la parcelle cadastrée AP n° 280 et ne disposait plus d'un titre l'habilitant à construire, le maire de Perros-Guirec a commis une erreur de droit, alors même que le propriétaire de l'immeuble l'avait informé le 5 août 2008, en réponse à sa demande, de ce qu'il n'avait pas signé de compromis de vente avec la société Cobat et qu'il était en conséquence toujours propriétaire de l'immeuble ;

5. Considérant, par ailleurs, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est même pas allégué que la société Cobat, en déposant une demande de prorogation de permis de construire, ait procédé à une manoeuvre de nature à induire l'administration en erreur ou ait tenté de l'obtenir par fraude ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Cobat est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 septembre 2008 ;

Sur la demande de dommages et intérêts à titre provisionnel :

7. Considérant qu'il est constant que les conclusions indemnitaires de la société Cobat tendant à obtenir le versement d'une somme d'un euro à titre provisionnel n'ont pas été précédées d'une demande préalable adressée à la collectivité publique ; qu'elles sont, par suite, irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Cobat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la commune de Perros-Guirec demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune de Perros-Guirec le versement d'une somme de 2 000 euros que la société Cobat demande au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 décembre 2011 et l'arrêté du 3 septembre 2008 du maire de la commune de Perros-Guirec sont annulés.

Article 2 : La commune de Perros-Guirec versera à la Sarl Cobat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Cobat est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Perros-Guirec tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cobat et à la commune de Perros-Guirec.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 juin 2013.

Le rapporteur,

M-P. ALLIO-ROUSSEAULe président,

B. ISELIN

Le greffier,

F. PERSEHAYE

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N° 12NT00477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00477
Date de la décision : 14/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-04-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Régime d'utilisation du permis. Prorogation.


Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : LAURET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-06-14;12nt00477 ?
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