La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2013 | FRANCE | N°12NT02240

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 12 juillet 2013, 12NT02240


Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2012, présentée pour Mme E... A... C..., demeurant..., par Me Nkouka Majella, avocat au barreau de Paris ; Mme A... C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007552 en date du 24 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé le refus, opposé par les autorités consulaires à Brazzaville (Congo), à sa demande de visa de long séjour présen

tée dans le cadre d'un rapprochement familial en qualité de membre de la...

Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2012, présentée pour Mme E... A... C..., demeurant..., par Me Nkouka Majella, avocat au barreau de Paris ; Mme A... C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007552 en date du 24 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé le refus, opposé par les autorités consulaires à Brazzaville (Congo), à sa demande de visa de long séjour présentée dans le cadre d'un rapprochement familial en qualité de membre de la famille d'un étranger ayant obtenu le statut de réfugié ;

2°) d'annuler ladite décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'un défaut de notification, dès lors qu'elle a été notifiée à une tierce personne, son oncle, alors qu'elle était devenue majeure, étant née le 3 septembre 1989 ;

- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que son acte de naissance, authentifié par les autorités administratives et judiciaires congolaises qui l'ont dressé, ne peut être regardé comme apocryphe ;

- la décision contestée est entachée d'erreur de fait, s'agissant de la négation de son lien de filiation, dès lors que sa mère Mme D... A... l'avait déclarée avec ses autres enfants alors qu'elle n'était que demanderesse de l'asile politique et ignorait le sort qui serait réservé à sa demande ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès qu'elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ; sa mère avait déclaré ses enfants lors de sa demande d'asile politique en 2004 ; elle risque d'avoir à rendre des comptes pour les actes reprochés à ses parents ; la décision est de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour la familleA... ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la décision n'est pas entachée d'un défaut de notification, dès lors que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est substituée à celle des autorités consulaires ;

- la décision contestée n'est entachée ni d'erreur de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation, l'acte de naissance produit par la requérante aux autorités consulaires ne comportant pas les dates et lieux de naissance de sa mère, ce qui rend impossible la vérification de sa filiation à l'égard de Mme G... A... née B..., sa mère présumée ; à l'occasion du recours auprès de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, elle a produit une requête aux fins de rectification de son acte de naissance, mais n'a jamais communiqué l'acte de naissance portant mention de rectification ;

- la décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la filiation n'est pas établie et qu'elle n'apporte aucun élément probant permettant de vérifier qu'elle entretiendrait des relations étroites et régulières avec sa mère, depuis le départ du Congo de celle-ci en 2004, tels que des transferts d'argent ou des preuves de relations téléphoniques ou épistolaires ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2013 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme H... F...A...néeB..., ressortissante congolaise née à Brazzaville le 25 mars 1960, est entrée en France en septembre 2004 et a obtenu le statut de réfugiée le 20 décembre 2005 ; que le 11 avril 2008, elle a formé auprès des autorités consulaires à Brazzaville une demande de visa d'entrée et de long séjour au profit de deux enfants éligibles à la procédure de rapprochement familial : Jimmy Claude Danielle A..., née le 21 mars 1994 et Marie-Dominique A... C..., née le 3 septembre 1989 ; que le consul général de France à Brazzaville, par décision du 29 mars 2010, a refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de membre de la famille d'un étranger ayant obtenu le statut de réfugié ; que Mme E... A... C..., devenue majeure, interjette appel du jugement en date du 24 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite, née le 7 août 2010, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision consulaire ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;

3. Considérant que pour rejeter la demande de Mme E... A... C... tendant à l'obtention d'un visa de long séjour en qualité de membre de la famille d'un étranger ayant obtenu le statut de réfugié, le consul général de France à Brazzaville s'est fondé sur la circonstance que son acte de naissance n'était pas recevable car il ne permettait pas d'établir formellement sa filiation à l'égard de Mme G... A... née B..., réfugiée statutaire, sa mère alléguée, dès lors que la date et le lieu de naissance de celle-ci étaient absents aussi bien de l'acte de naissance de Mme A... C... que des registres de l'état civil local ;

4. Considérant, toutefois, que si le duplicata d'acte de naissance produit par la requérante ne mentionne pas le lieu et la date de naissance de sa mère, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient l'administration en défense, l'intéressée ne s'est pas bornée à demander une rectification de son acte de naissance, mais l'a obtenue du tribunal d'instance de Makélékélé et de Bacongo-Brazzaville par un jugement du 4 mai 2010, pris sur le fondement de l'article 83 du code de la famille congolais ; que ce jugement " constate que la date et le lieu de naissance de la mère (Mme B... D...F..., née le 25 mars 1960 à Brazzaville) ont été omis sur l'acte de naissance n° 3144 du 15 septembre 1989 établi par l'officier d'état civil de Makélékélé et ordonne la rectification de l'erreur dont s'agit " ; qu'il n'est pas établi, ni même allégué que ce jugement serait entaché de fraude ; qu'en outre, les autres documents produits par Mme A...C..., tels le duplicata de sa " déclaration de naissance " émanant de l'Hôpital mère et enfant " Blanche Gomez ", son acte de baptême émanant de l'archidiocèse de Brazzaville, ainsi que la notice de demande d'asile remplie en 2004 par Mme G... A... née B..., qui mentionne les nom, prénom et date de naissance de sa fille, Marie-Dominique A... C..., sont suffisamment concordants pour permettre de regarder comme authentique l'acte de naissance produit, en dépit des omissions l'affectant, et de lever les doutes sur la réalité du lien de filiation allégué ; qu'ainsi, en estimant que la filiation de Mme E... A... C... avec Mme H...F... A... née B...ne pouvait être regardée comme établie, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme E... A... C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer, dans le délai de deux mois à compter de la notification dudit arrêt, le visa d'entrée et de long séjour sollicité par Mme E... A...C... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme E... A... C...de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 mai 2012, et la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, en tant qu'elle concerne Mme E... A...C..., sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme E... A...C...un visa d'entrée et de long séjour en France, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme E... A...C...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A...C...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 juillet 2013.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

B. ISELIN

Le greffier,

F. PERSEHAYE

''

''

''

''

2

N° 12NT02240


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02240
Date de la décision : 12/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : NKOUKA-MAJELLA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-07-12;12nt02240 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award