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26/09/2013 | FRANCE | N°12NT03162

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 26 septembre 2013, 12NT03162


Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2012, pour Mme A... B... demeurant ... par Me Glon, avocat au barreau de Saint-Brieuc ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1201456 du 9 octobre 2012 par laquelle le président du de la 1ère chambre B du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant retrait de 3 points, 8 points et 1 point consécutivement à des infractions relevées à son encontre les 8 décembre 2003, 10 octobre 2005 et 30 juin 2006 ainsi que la décision par laquelle le ministre de l'intér

ieur, constatant la perte de validité de son permis de conduire pour so...

Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2012, pour Mme A... B... demeurant ... par Me Glon, avocat au barreau de Saint-Brieuc ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1201456 du 9 octobre 2012 par laquelle le président du de la 1ère chambre B du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant retrait de 3 points, 8 points et 1 point consécutivement à des infractions relevées à son encontre les 8 décembre 2003, 10 octobre 2005 et 30 juin 2006 ainsi que la décision par laquelle le ministre de l'intérieur, constatant la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul, lui a enjoint de restituer celui-ci ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'ordonner au ministre de l'intérieur de reconstituer le capital de points de son permis de conduire ;

Elle soutient que :

- sa demande n'était pas tardive ;

- les décisions portant retrait de points ne lui ont pas été notifiées et ne lui sont pas opposables ;

- l'administration n'établit pas qu'elle a satisfait à son obligation d'information préalable ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 février 2013, présenté par le ministre de l'intérieur ; il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la demande de première instance était tardive et irrecevable faute pour Mme B... d'avoir produit la décision contestée ;

- l'administration établit avoir satisfait à son obligation d'information préalable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 septembre 2013 le rapport de M. Etienvre, premier conseiller ;

1. Considérant qu'à la suite des infractions relevées à son encontre, le 8 décembre 2003 à Sainte-Marie, le 10 octobre 2005 à Sixt-sur-Aff et le 30 juin 2006 à Vigneux-de-Bretagne à l'origine de retraits de 3 points, 8 points et 1 point, le ministre de l'intérieur a enjoint à Mme B... de restituer son permis de conduire en raison de la perte de sa validité pour solde de points nul ; que Mme B... fait appel de l'ordonnance du 9 octobre 2012 par laquelle le président de la 1ère chambre B du tribunal administratif d'Orléans a rejeté comme tardive sa demande tendant à l'annulation de chacune de ces décisions ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : "Sauf en matière de travaux publics, le tribunal administratif ne peut être saisi que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...)" ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du même code : "Les délais de recours contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision" ;

3. Considérant qu'il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action introduite devant un tribunal administratif, d'établir que l'intéressé a régulièrement reçu notification de la décision ;

4. Considérant que si le ministre soutient que Mme B... a accusé réception, le 6 décembre 2006, de la décision 48 S l'informant de la perte de validité de son permis de conduire consécutivement aux retraits de 3, 8 et 1 points à la suite les infractions commises les 8 décembre 2003, 10 octobre 2005 et 30 juin 2006, l'accusé de réception postal dont se prévaut le ministre, s'il fait état d'une présentation et de distribution à la date du 6 décembre 2006, n'est pas revêtu de la signature de l'intéressée ; qu'il ne peut, dans ces conditions, établir que Mme B... a accusé réception à cette date dudit pli et que le délai de recours contentieux a commencé à courir à compter de cette date ; que c'est, par suite, à tort que le président de la 1ère chambre B du tribunal administratif de Rennes a rejeté comme irrecevable pour tardiveté la demande de l'intéressée ; que, dès lors, Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : "La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée (...)" ;

7. Considérant que le titulaire du permis qui demande l'annulation d'une décision portant retrait de points ou invalidation de son permis ne peut ainsi se borner à produire le relevé d'information intégral issu du système national des permis de conduire où elle est enregistrée, mais doit produire la décision elle-même, telle qu'il en a reçu notification dans les conditions prévues à l'article R. 223-3 du code de la route ou, en cas d'impossibilité, apporter la preuve des diligences qu'il a accomplies pour en obtenir la communication ;

8. Considérant que si Mme B... ne produit pas la décision 48 S du ministre de l'intérieur, elle justifie toutefois des diligences qu'elle a accomplies pour en obtenir la communication ; que la fin de non-recevoir opposée par le ministre et tirée de l'irrecevabilité de la demande de Mme B... faute pour celle-ci d'avoir produit la décision contestée doit être en conséquence écartée ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que les conditions de la notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire, prévues par les dispositions de l'article L. 223-3 du code de la route, ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant la légalité de ces retraits ; que cette notification a pour seul objet de rendre ceux-ci opposables à l'intéressé et de faire courir le délai dont il dispose pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ; que la circonstance que l'administration ne soit pas en mesure d'apporter la preuve que la notification des retraits successifs, effectuée par lettre simple, a bien été reçue par son destinataire, ne saurait lui interdire de constater que le permis a perdu sa validité, dès lors que la décision procédant au retrait des derniers points récapitule les retraits antérieurs et les rend ainsi opposables au conducteur ; que Mme B... ne saurait dès lors utilement se prévaloir de ce que divers retraits de points ne lui auraient pas été notifiés avant l'intervention de la décision constatant la perte de validité de son permis de conduire ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte des dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues à ces articles, lesquelles constituent une garantie essentielle permettant à l'intéressé de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ;

11. Considérant que Mme B... fait valoir que l'information prévue par les dispositions précitées du code de la route ne lui a pas été délivrée à l'occasion des infractions commises les 8 décembre 2003, 10 octobre 2005 et 30 juin 2006 ;

En ce qui concerne l'infraction du 8 décembre 2003 ;

12. Considérant que le ministre, qui se borne à se prévaloir de la mention " amende forfaitaire majorée " figurant sur le relevé d'information intégral, n'apporte la preuve ni du paiement, par Mme B..., de l'amende forfaitaire majorée ni que ce paiement a été effectué au vu d'un document qui comportait l'ensemble des informations requises par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; que Mme B... est, par suite, fondée à soutenir que cette décision est intervenue aux termes d'une procédure irrégulière ;

En ce qui concerne l'infraction du 10 octobre 2005 ;

13. Considérant que lorsque la réalité d'une infraction a été établie par une condamnation devenue définitive prononcée par le juge pénal qui a statué sur tous les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance et que l'auteur de l'infraction a ainsi pu la contester, l'omission de la délivrance, au titulaire du permis de conduire à l'encontre duquel est relevée une infraction donnant lieu à retrait de points, de l'information prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route est sans influence sur la régularité du retrait de points résultant de la condamnation ;

14. Considérant qu'il n'est pas contesté que l'infraction commise par Mme B... le 10 octobre 2005 a fait l'objet d'une condamnation pénale rendue le 29 mars 2006 par le tribunal de grande instance de Rennes ; que, la réalité de cette infraction ayant été établie par une condamnation pénale, dont le caractère définitif n'est pas contesté, le moyen tiré du manquement à l'obligation d'information préalable prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ne peut être utilement invoqué à l'encontre du retrait de points correspondant à cette infraction ;

En ce qui concerne l'infraction du 30 juin 2006 ;

15. Considérant que lorsqu'il est établi que le titulaire du permis de conduire a payé l'amende forfaitaire prévue à l'article 529 du code de procédure pénale au titre d'une infraction constatée par radar automatique, il découle de cette seule constatation qu'il a nécessairement reçu l'avis de contravention ; qu'eu égard aux mentions dont cet avis doit être revêtu, la même constatation conduit également à regarder comme établi que l'administration s'est acquittée envers lui de son obligation de lui délivrer, préalablement au paiement de l'amende, les informations requises en vertu des dispositions précitées, à moins que l'intéressé, à qui il appartient à cette fin de produire l'avis qu'il a nécessairement reçu, ne démontre avoir été destinataire d'un avis inexact ou incomplet ;

16. Considérant qu'il résulte de l'instruction et en particulier du relevé d'information intégral que l'infraction du 30 juin 2006 a été constatée par radar automatique et que Mme B... a payé le 11 juillet 2006 l'amende forfaitaire correspondante ; que l'administration doit dès lors, Mme B... ne produisant pas l'avis de contravention qu'elle a nécessairement reçu, être regardée comme s'étant acquittée de son obligation de délivrance de l'information préalable ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à demander l'annulation de la décision portant retrait de 3 points consécutivement à l'infraction relevée à son encontre le 8 décembre 2003 ainsi que celle, par voie de conséquence, de la décision 48 S du ministre de l'intérieur lui enjoignant de restituer son permis de conduire ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

18. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le ministre de l'intérieur procède, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à la restitution de trois points au capital de points affectés au permis de conduire de Mme B..., sous réserve que l'intéressée n'ait pas commis de nouvelles infractions de nature à constituer un obstacle à cette restitution ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance susvisée du président de la 1ère chambre B du tribunal administratif de Rennes en date du 9 octobre 2012 est annulée.

Article 2 : La décision portant retrait de 3 points du capital de points du permis de conduire de Mme B... consécutivement à l'infraction du 8 décembre 2003 et la décision 48 S du ministre de l'intérieur lui enjoignant de restituer son permis de conduire sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de reconstituer le capital du permis de conduire de Mme B... en lui restituant trois points dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve que l'intéressée n'ait pas commis de nouvelles infractions de nature à constituer un obstacle à cette restitution.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées pour Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Piot, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 septembre 2013.

Le rapporteur,

F. ETIENVRE Le président,

J-M. PIOT

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT03162


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12NT03162
Date de la décision : 26/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : GLON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-09-26;12nt03162 ?
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