La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/10/2013 | FRANCE | N°12NT02434

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 octobre 2013, 12NT02434


Vu la requête, enregistrée le 27 août 2012, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Le Scouëzec, avocat au barreau de Bordeaux ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903107 du 27 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la restitution de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2007 ;

2°) de prononcer cette restitution ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'ar

ticle L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- l'engagemen...

Vu la requête, enregistrée le 27 août 2012, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Le Scouëzec, avocat au barreau de Bordeaux ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903107 du 27 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la restitution de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2007 ;

2°) de prononcer cette restitution ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- l'engagement de caution qu'il a souscrit l'a été dans l'intérêt de la société A...dès lors que les primes qu'il n'a pas restituées à la société Concorde n'ont pas été employées à des fins personnelles mais ont servi à renflouer financièrement celle-ci ; la preuve en est qu'il n'a pas été condamné au pénal pour abus de biens sociaux ;

- les intérêts de l'emprunt qu'il a souscrit en 2007 pour faire face à son obligation doivent être également admis en déduction de ses salaires soit 4 041 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2012, présenté par le ministre délégué chargé du budget ; il conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- l'engagement de caution n'a pas été souscrit dans l'intérêt de la société A...dès lors que la situation financière de celle-ci est le fruit d'erreurs délibérées de gestion de son dirigeant, M. A... ;

- le requérant ne justifie pas, alors que la charge de la preuve lui en incombe, que cet engagement n'était pas hors de proportion avec les rémunérations qui lui étaient allouées ou qu'il pouvait escompter au moment où il l'a contracté ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 avril 2013, présenté pour M. A... ; il tend aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

il soutient en outre que :

- la condition de proportion entre le montant de l'engagement de caution et les rémunérations qu'il pouvait espérer est remplie ;

- c'est à tort que l'administration entend limiter en raison du caractère solidaire de l'engagement de caution ;

Vu l'ordonnance en date du 24 avril 2013 fixant la clôture de l'instruction le 21 mai 2013 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2013 :

- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A... fait appel du jugement du 27 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2007 en raison de la déductibilité de la somme de 479 762 euros qu'il a versée en 2007 au profit de la société Generali Assurances en exécution d'un engagement de caution souscrit le 5 juin 1996, en sa qualité de président-directeur général de la société anonyme de courtage en assurance "A..." et de la somme de 4 041,38 correspondant aux intérêts versés en 2007 de l'emprunt qu'il a contracté pour honorer cet engagement au motif qu'il ne justifiait pas que l'engagement de caution avait été souscrit dans l'intérêt de la sociétéA... ;

Sur les conclusions aux fins de décharge :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : "1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut (...) sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu" ; qu'aux termes de l'article 83 du même code qui concerne l'imposition de revenus dans la catégorie des traitements et salaires : "Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés (...) 3°) les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales" ; que l'article 156 de ce code autorise, sous certaines conditions, que soit déduit du revenu global d'un contribuable "le déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenu" ; qu'il résulte de ces dispositions que les sommes qu'un salarié, s'étant rendu caution d'une obligation souscrite par la société dont il est le gérant ou le dirigeant, de droit ou de fait, a dû payer au créancier de cette dernière sont déductibles de son revenu imposable de l'année au cours de laquelle le paiement a été effectué, à condition toutefois que son engagement comme caution se rattache directement à sa qualité de dirigeant, qu'il ait été pris en vue de servir les intérêts de l'entreprise et qu'il n'ait pas été hors de proportion avec les rémunérations allouées à l'intéressé ou que celui-ci pouvait escompter au moment où il l'a contracté ;

3. Considérant que si l'engagement de caution contracté par M. A... le 5 juin 1996 trouve son origine dans la rétention fautive de primes d'assurances, il résulte toutefois de l'instruction et, en particulier, du jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux du 16 décembre 1999 et de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 12 juin 2001 déclarant M. A... coupable d'abus de confiance, que celui-ci n'a pas pour autant utilisé les sommes contractuellement dues à la société Concorde devenue la société Generali Assurances à des fins personnelles mais les a conservées pour permettre à l'entreprise, qui se trouvait alors dans une situation financière difficile, de dégager une trésorerie supplémentaire ; que, dans ces conditions, et alors même que le montant de la dette de la société A...s'en est trouvé accru et que la situation de celle-ci ne s'est finalement pas améliorée, c'est à tort que les premiers juges ont refusé d'admettre en déduction les sommes versées par M. A... en exécution de cet engagement de caution au motif que celui-ci n'avait pas été souscrit en vue de servir les intérêts de l'entreprise ;

4. Considérant que l'administration s'est toutefois également fondée sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution avec les rémunérations allouées ou escomptées de M. A... ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport établi par l'expert judiciaire désigné comme conciliateur par le tribunal de grande instance de Bordeaux dans le cadre du redressement de la société A...que le montant des salaires que M. A... percevait au moment où il a contracté l'engagement de caution s'élevait annuellement à 480 000 francs ; que le montant de l'engagement de caution de 3 857 778,45 francs représentait ainsi plus de 8 fois le montant de ces rémunérations ; que si M. A... soutient qu'il pouvait néanmoins escompter à la date du 5 juin 1996 une augmentation à due concurrence de sa rémunération compte tenu de l'amélioration de la situation de la société, il n'en apporte toutefois pas la preuve par les documents qu'il produit et notamment ceux établis dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire prononcée le 21 mai 1997 avant que la société ne soit mise le 3 septembre suivant en liquidation judiciaire ; que M. A... est en conséquence seulement fondé, et sans que la solidarité de l'engagement de caution y fasse obstacle, à demander que soit admise en déduction de son revenu imposable au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2007 dans la catégorie des traitements et salaires la somme de 219 526 euros (1 440 000 francs) soit le triple de la rémunération qui lui était allouée lorsqu'il a souscrit l'engagement de caution et demander, par suite, la restitution de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2007 en résultant ;

6. Considérant que M. A... demande également que soient déduits de son revenu global les intérêts de l'emprunt qu'il a contracté pour s'acquitter de son obligation ; que rien ne s'oppose à ce que ces intérêts afférents à un emprunt souscrit pour faire face à des frais nécessités directement par la profession du contribuable, soient admis en déduction du montant des traitements et salaires perçus par M. A... au cours de l'année 2007 pendant laquelle ils les a supportés ; que M. A... justifie avoir acquitté en 2007 des intérêts à hauteur de 4 041 euros au titre d'un emprunt souscrit pour faire face aux versements effectués en exécution de l'engagement de caution antérieur et est donc fondé à demander que cette somme soit également déduite de son revenu imposable au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2007 et demander la restitution de la cotisation d'impôt en résultant ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, le versement de la somme de 2 000 euros que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0903107 du tribunal administratif de Nantes en date du 27 juin 2012 est annulé.

Article 2 : Les bases imposables à l'impôt sur le revenu de M. A... au titre de l'année 2007 sont réduites de la somme de 223 567 euros.

Article 3 : Il est accordé à M. A... restitution des droits d'impôt sur le revenu afférents à la réduction en base visée à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 (deux mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Piot, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 octobre 2013.

Le rapporteur,

F. ETIENVRE Le président,

J-M. PIOT

Le greffier,

C. CROIGER

''

''

''

''

2

N° 12NT02434


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02434
Date de la décision : 10/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : LE SCOUËZEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-10-10;12nt02434 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award