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11/10/2013 | FRANCE | N°13NT00864

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 11 octobre 2013, 13NT00864


Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant..., et l'ASFA de Pau, agissant en qualité de curateur de M. A..., dont le siège est 23, rue Roger Salengro à Pau (64000), par Me Cousi-Lete, avocat au barreau de Pau ; M. A... et l'Association départementale de gestion de services d'intérêt familial (ASFA) de Pau demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-6183 du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 17 mai 2011 par laquelle le min

istre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales ...

Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant..., et l'ASFA de Pau, agissant en qualité de curateur de M. A..., dont le siège est 23, rue Roger Salengro à Pau (64000), par Me Cousi-Lete, avocat au barreau de Pau ; M. A... et l'Association départementale de gestion de services d'intérêt familial (ASFA) de Pau demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-6183 du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 17 mai 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, sur recours hiérarchique, a confirmé le rejet de la demande de naturalisation de l'intéressé ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ainsi que la décision initiale du 24 novembre 2010 du préfet des Pyrénées-Atlantiques rejetant la demande de naturalisation de M. A... ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'accorder à M. A... la nationalité française dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- la décision ministérielle contestée est entachée d'une erreur de droit ; c'est en méconnaissance des articles 133-11 et 777-3 du code pénal que le ministre chargé des naturalisations fait mention dans sa décision des condamnations anciennes qui ont été prononcées à l'encontre de M. A... alors même qu'elles ont été amnistiées ; le casier judiciaire de M. A... est vierge ; l'emploi par le ministre du terme " délit " atteste bien que celui-ci a pris en considération le caractère pénalement répréhensible des faits qui ont été reprochés à l'intéressé pour prendre sa décision ;

- en rejetant la demande de naturalisation de M. A..., le ministre a également commis une erreur manifeste d'appréciation ; les derniers faits délictueux ont été commis il y a quinze ans ; ces faits se sont produits durant une période où la pathologie psychiatrique dont il souffre n'était pas prise en charge et donc son discernement altéré voire même aboli ; il n'y avait de sa part aucune intention de commettre des actes contraires à la morale ; il s'est depuis lors amendé, inséré professionnellement et intégré socialement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- la circonstance tirée de l'absence de mentions au bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. A... est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse dès lors qu'il s'est fondé sur les seuls faits commis par l'intéressé pour rejeter sa demande ; pour les mêmes raisons, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 133-11 et 777-3 du code pénal n'est pas davantage opérant ; la réhabilitation du requérant a seulement eu pour effet d'effacer les condamnations pénales dont il a fait l'objet ; la mention du terme " délit " dans la décision contestée ne doit pas être entendue comme désignant précisément au sens juridique une infraction pénale ;

- il peut valablement se fonder sur des faits déjà reprochés lors d'une précédente demande de naturalisation pour rejeter une nouvelle demande d'acquisition de la nationalité française ;

- la cour a déjà admis que des faits encore plus anciens que ceux commis par l'intéressé pouvaient fonder le rejet d'une demande de naturalisation ;

- le requérant ne peut utilement faire valoir que les troubles psychiatriques dont il souffre ont perturbé son discernement à l'époque où il a commis les faits qui lui sont reprochés dès lors que les décisions de justice l'ayant condamné sont revêtues de l'autorité de la chose jugée ;

Vu la décision du 15 avril 2013 par laquelle la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;

Vu le code civil ;

Vu le code pénal ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié, relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 2013 :

- le rapport de M. Pérez, président-rapporteur ;

- et les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A..., de nationalité marocaine, et l'association départementale de gestion de services d'intérêt familial (ASFA) de Pau, son curateur, interjettent appel du jugement du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 17 mai 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, sur recours hiérarchique, a confirmé le rejet de la demande de naturalisation de l'intéressé ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 24 novembre 2010 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 44 du décret du 30 décembre 1993 modifié susvisé : " Si le préfet (...) auprès duquel la demande a été déposée estime, même si la demande est recevable, qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. (...) La décision du préfet (...) est transmise sans délai au ministre chargé des naturalisations. " ; qu'aux termes de l'article 45 du même décret : " Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles 43 et 44 peuvent faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l'exclusion de tout autre recours administratif. / Ce recours, pour lequel le demandeur peut se faire assister ou être représenté par toute personne de son choix, doit exposer les raisons pour lesquelles le réexamen de la demande est sollicité. Il constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. " ; que ces dispositions instituant un recours administratif préalable obligatoire à la saisine du juge, la décision du 17 mai 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, s'est substituée à celle du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 24 novembre 2010 ; que, dès lors, les conclusions de la requête de M. A..., en tant qu'elles tendent à l'annulation de cette dernière décision, ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du ministre chargé des naturalisations du 17 mai 2011 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié : " Lorsque les conditions requises par la loi sont remplies, le ministre chargé des naturalisations propose, s'il y a lieu, la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, il déclare la demande irrecevable. / Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. " ; qu' en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 133-12 du code pénal : " Toute personne frappée d'une peine criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle peut bénéficier, soit d'une réhabilitation de plein droit dans les conditions prévues à la présente section, soit d'une réhabilitation judiciaire accordée dans les conditions prévues par le code de procédure pénale " ; qu'aux termes de l'article 133-13 de ce code : " La réhabilitation est acquise de plein droit à la personne physique condamnée qui n'a, dans les délais ci-après déterminés, subi aucune condamnation nouvelle à une peine criminelle ou correctionnelle : / (...) / 2° Pour la condamnation unique soit à un emprisonnement n'excédant pas un an, soit à une peine autre que la réclusion criminelle, la détention criminelle, l'emprisonnement, l'amende ou le jour-amende, après un délai de cinq ans à compter soit de l'exécution de la peine, soit de la prescription accomplie ; / (...) " ; que selon le premier alinéa de l'article 133-16 du même code : " La réhabilitation produit les mêmes effets que ceux qui sont prévus par les articles 133-10 et 133-11. Elle efface toutes les incapacités et déchéances qui résultent de la condamnation " ; que selon l'article 133-11 du code pénal : " Il est interdit à toute personne qui, dans l'exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles ou d'interdictions, déchéances et incapacités effacées par l'amnistie, d'en rappeler l'existence sous quelque forme que ce soit ou d'en laisser subsister la mention dans un document quelconque. Toutefois, les minutes des jugements, arrêts et décisions échappent à cette interdiction. En outre, l'amnistie ne met pas obstacle à l'exécution de la publication ordonnée à titre de réparation " ;

5. Considérant que la décision litigieuse du 17 mai 2011 précise que M. A... a été l'auteur, au cours de la période comprise entre 1993 et 1998, de nombreux délits ; qu'il ressort en effet des pièces du dossier, et n'est pas contesté, qu'entre 1991 et 2000 M. A... a été convaincu de vol, de vol avec violence n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail, de tentative d'agression sexuelle et de violence sur personne chargée de mission de service public suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours ; qu'alors même que le ministre a employé le vocable " délit " dans la décision contestée, il n'a cependant pas fait état des condamnations pénales infligées à l'intéressé pour lesquelles celui-ci fait valoir qu'il a ensuite bénéficié d'une amnistie ou d'une réhabilitation acquise de plein droit et a pu prendre en considération les faits ayant déterminé lesdites condamnations alors même qu'elles ne figurent plus au bulletin n° 2 du casier judiciaire du requérant ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code pénal doit être écarté ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 122-1 du code pénal : " N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime. " ; que si M. A... soutient que les troubles pathologiques affectant son état de santé mentale étaient de nature à faire obstacle à ce qu'il fût regardé comme responsable de ses actes, il n'établit, ni même n'allègue qu'il aurait bénéficié d'un non-lieu, d'une décision de relaxe ou d'un acquittement, en application des dispositions précitées de l'article 122-1 du code pénal, pour les faits qui lui sont ainsi reprochés ; que, dans ces conditions, compte tenu du caractère répété de ces mêmes faits, de leur gravité et en dépit de leur ancienneté, et alors même que M. A... a fait des efforts afin de s'insérer professionnellement, le ministre, compte tenu du large pouvoir dont il dispose pour apprécier s'il y a lieu d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur ces diverses circonstances pour rejeter la demande de naturalisation présentée par l'intéressé ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... et l'ASFA de Pau ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. A... et de l'ASFA de Pau, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susmentionnées ne peuvent en tout état de cause être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée à ce titre par M. A... et par l'ASFA de Pau ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... et de l'ASFA de Pau, agissant en qualité de curateur de M. A..., est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'ASFA de Pau et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Sudron, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 octobre 2013.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

A. SUDRON

Le président-rapporteur,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT008642

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N° 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00864
Date de la décision : 11/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Alain PEREZ
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : COUSI-LETE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-10-11;13nt00864 ?
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