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25/10/2013 | FRANCE | N°13NT00712

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 25 octobre 2013, 13NT00712


Vu la requête, enregistrée le 2 mars 2013, présentée pour Mme A... D..., demeurant..., par Me Méliodon, avocat au barreau de Paris ; Mme D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106110 en date du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 mars 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande de naturalisation ;

2°) d'annuler la décision du 14 mars 2011 pour excès de pouvoir ;
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Vu la requête, enregistrée le 2 mars 2013, présentée pour Mme A... D..., demeurant..., par Me Méliodon, avocat au barreau de Paris ; Mme D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106110 en date du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 mars 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande de naturalisation ;

2°) d'annuler la décision du 14 mars 2011 pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française ;

elle soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise par une autorité ne disposant pas de la compétence pour ce faire ;

- elle repose sur des faits matériellement inexacts ;

- la décision litigieuse est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle est aujourd'hui séparée de son mari, dont elle ignorait la véritable identité, qu'elle travaille en France et ne vit pas essentiellement de la perception de prestations familiales, qu'elle est mère de deux enfants scolarisés dans un établissement laïc, et que, si elle est une fidèle pratiquante, elle respecte l'ordre public et les valeurs républicaines ;

- alors même qu'elle aurait été mariée à un intégriste algérien, la décision de rejet en cause porte une atteinte disproportionnée à sa liberté de culte, en méconnaissance de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- elle offre toutes les conditions tant sociales, financières que légales pour bénéficier de la nationalité française ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- la requête est irrecevable, en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, dès lors qu'elle ne comporte aucune critique du jugement et ne contient aucun moyen d'appel ;

- la décision contestée est suffisamment motivée en fait et en droit ;

- le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée manque en fait ;

- sur ces points déjà développés en première instance, il y a lieu d'écarter ces moyens de légalité externe par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

- les moyens de légalité interne ne sont pas davantage fondés ;

- la matérialité du premier motif est établie par les éléments contenus dans la note du 26 novembre 2010, qui est précise et circonstanciée ; eu égard aux liens indirects de l'intéressée avec un membre d'AQMI, sa décision portant refus de naturalisation n'est entachée, ni d'erreur de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il n'est pas, en outre, contesté que la requérante a séjourné irrégulièrement en France pendant un temps significatif entre 2002 et 2005 ;

- en produisant, enfin, des bulletins de salaires et un contrat de travail à durée déterminée, postérieurs à la décision entreprise, la requérante ne fait que confirmer qu'à la date de la décision attaquée, les revenus issus de ses activités professionnelles ne lui permettaient pas de subvenir durablement à ses besoins ;

- le refus de naturalisation ne méconnait ni le principe de liberté d'expression religieuse, ni l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif à la manifestation de volonté, aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de

déchéance et de retrait de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2013 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme D..., ressortissante algérienne, interjette appel du jugement en date du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 mars 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande de naturalisation ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisante motivation de la décision contestée, que la requérante renouvelle en appel sans apporter aucune précision supplémentaire, doivent être écartés par adoption des mêmes motifs que ceux retenus par les juges de première instance ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ainsi que sur son degré d'insertion professionnelle et d'autonomie matérielle ;

4. Considérant que, pour rejeter la demande de naturalisation de Mme D..., le ministre s'est fondé sur les circonstances que l'intéressée, s'est, d'abord, mariée religieusement en 2003 avec un membre d'Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), actuellement détenu en Algérie, avec lequel elle a vécu de 2003 à 2006, et se trouve toujours en contact avec des individus en relation avec son ex-mari, qu'elle a, ensuite, séjourné irrégulièrement sur le territoire français de 2002 à 2005 et, enfin, qu'elle n'exerce aucune activité rémunératrice depuis 2009 et vit essentiellement de la perception de prestations familiales ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une note, suffisamment précise et circonstanciée, de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration du 26 novembre 2010, que Mme D... est connue des services pour avoir épousé religieusement en 2003 M.B..., alias C...ayant adopté une pratique radicale de la religion musulmane, interpellé en décembre 2006 par les services algériens en raison de ses relations avec l'organisation Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) et depuis détenu en Algérie, et pour avoir maintenu des contacts avec des individus en relation avec son époux ; qu'alors même que le nom de ces personnes n'aurait pas été révélé, l'intéressée ne saurait sérieusement mettre en cause la réalité et la valeur probante de ces informations en se bornant à nier de tels contacts et à soutenir que, pendant son union avec M.B..., aliasC..., de 2003 à 2006, elle a ignoré la véritable identité de son mari et les relations qu'il entretenait avec le mouvement Al Qaïda ; que de l'union de Mme D... et de M.B..., aliasC..., sont nés deux enfants, AbdoullahC..., le 10 octobre 2004, et AbdourahmaneD..., le 24 octobre 2006, que son époux n'a pas reconnu ; que, toutefois, s'il est constant que Mme D... est séparée de son mari depuis l'année 2006, la requérante n'établit pas que cette séparation aurait pour origine, ainsi qu'elle l'allègue, une rupture consentie " par consentement mutuel conformément aux dispositions du droit musulman ", intervenue depuis la découverte de l' appartenance de son mari à la mouvance islamiste radicale, plutôt que l'arrestation de ce dernier en Algérie à une date contemporaine de la naissance de son deuxième fils ; que, bien que Mme D... fasse état de son attachement aux valeurs républicaines, les éléments rapportés ci-dessus sont de nature à créer un doute sur le loyalisme de la postulante envers la France ; qu'ainsi, le ministre a pu, à raison de ces seules circonstances, rejeter la demande de naturalisation de Mme D... sans entacher sa décision d'erreur de fait ou d'erreur manifeste d'appréciation ;

6. Considérant, en troisième et dernier lieu, que la décision contestée n'a ni pour objet, ni pour effet de porter atteinte à la liberté religieuse de l'intéressée ; que, par suite, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre, que Mme D... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme D... n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui accorder le bénéfice de la nationalité française doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 octobre 2013.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

B. ISELIN

Le greffier,

C. GOY

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N° 13NT00712


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00712
Date de la décision : 25/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : MELIODON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-10-25;13nt00712 ?
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