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05/11/2013 | FRANCE | N°12NT00288

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 05 novembre 2013, 12NT00288


Vu la requête, enregistrée le 2 février 2012, présentée pour la Compagnie Generali IARD, dont le siège est situé 7, boulevard Haussman à Paris (75009), et pour la société Shangrila dont le siège est situé rue des sports, zone d'activité des Longs Réages, à Plérin (22190), par Me Teboul, avocat au barreau de Paris ; la Compagnie Generali IARD et la société Shangrila demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805716 du 1er décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à leur verse

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Vu la requête, enregistrée le 2 février 2012, présentée pour la Compagnie Generali IARD, dont le siège est situé 7, boulevard Haussman à Paris (75009), et pour la société Shangrila dont le siège est situé rue des sports, zone d'activité des Longs Réages, à Plérin (22190), par Me Teboul, avocat au barreau de Paris ; la Compagnie Generali IARD et la société Shangrila demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805716 du 1er décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à leur verser respectivement les sommes de 19 757,38 euros et de 2 858,52 euros, assorties des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis à raison d'exactions commises lors d'un mouvement de protestations de marins pêcheurs le 22 mai 2008 ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 19 757,38 euros et 2 858,52 euros, assorties des intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, pour chacune d'elles, la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elles soutiennent que :

- la responsabilité de l'Etat est engagée sur le fondement de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales ; l'action des marins pêcheurs n'était pas préméditée ;

- en tout cas, la responsabilité de l'Etat serait engagée pour rupture d'égalité devant les charges publiques ;

- enfin, les forces de police ont commis une faute en s'abstenant d'intervenir ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 18 avril 2012 au préfet des Côtes-d'Armor, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2012, présenté par le préfet des Côtes-d'Armor qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- l'action des marins pêcheurs ayant été préméditée, la responsabilité de l'Etat du fait des attroupements ne peut être recherchée ;

- le préjudice n'étant ni spécial ni anormal, la responsabilité pour rupture d'égalité devant les charges publiques n'est pas invocable ;

- les forces de police n'ont commis aucune faute lourde ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 novembre 2012, présenté pour la Compagnie Generali IARD et la société Shangrila qui maintiennent leurs conclusions et moyens;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales et le code de la sécurité intérieure ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2013 :

- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., substituant Me Teboul, avocat de la Compagnie Generali IARD et la Sarl Shangrila ;

1. Considérant que la Compagnie Générali IARD et la société Shangrila interjettent appel du jugement du 1er décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à payer, d'une part, à la Compagnie Générali IARD la somme de 19 757,38 euros, assortie des intérêts, et, d'autre part, à la société Shangrila la somme de 2 258,52 euros, assortie des intérêts, en réparation des préjudices qu'elles ont subis du fait de manifestations de marins pêcheurs le 22 mai 2008 ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales, désormais repris à l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (...) " ; que l'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés commis par des rassemblements ou des attroupements précisément identifiés ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du compte-rendu d'infraction initial, établi le 22 mai 2008 à 17 h 40, que le 22 mai 2008 vers 14 h 30, en-dehors de toute manifestation de rue, un groupe composé d'environ soixante-dix individus ont pénétré, sous la menace, dans le magasin " Promocash " de Plérin, exploité par la société Shangrila ; que les assaillants ont prélevé et emporté les marchandises des rayons poissonnerie et surgelés, qu'ils ont ensuite distribuées aux passants ; qu'ils ont également dérobé quelques bouteilles de champagne et endommagé les grilles qui protégeaient le magasin ; que la circonstance que ces faits, manifestement prémédités et organisés, dont tant les gendarmes que les journalistes avaient été avertis peu de temps avant leur survenance, se soient déroulés dans un contexte de revendications de pêcheurs ne suffit pas à établir que les agissements à l'origine des dommages en cause ont été commis par un attroupement ou un rassemblement au sens des dispositions précitées de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales ;

En ce qui concerne la faute imputée à l'Etat :

4. Considérant que la société requérante soutient qu'en s'abstenant d'intervenir les forces de police ont commis une faute ; qu'il résulte de l'instruction que, si les gendarmes ont pu, quelques minutes avant l'arrivée du groupe de marins pêcheurs, avertir le gérant du magasin " Promocash ", cette circonstance n'est pas de nature à établir que cette irruption était suffisamment certaine et prévisible pour que les forces de l'ordre puissent réellement l'anticiper et mettre en oeuvre un dispositif destiné à l'empêcher ; que la circonstance que la quinzaine de gendarmes présents sur les lieux ne soient pas intervenus pour s'opposer activement à cette action ne saurait être constitutive d'une carence fautive dès lors qu'ils n'étaient pas en nombre suffisant et qu'une telle intervention pouvait présenter un risque plus important pour l'ordre public ; qu'enfin, au regard du caractère peu prévisible de l'action, le nombre insuffisant de gendarmes sur les lieux ne révèle pas, en soi, une faute ; que, par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'Etat, dont la responsabilité en matière d'exécution des opérations de maintien de l'ordre ne peut être engagée que pour une faute lourde, aurait commis une telle faute ;

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat pour rupture d'égalité devant les charges publiques :

5. Considérant que les préjudices dont il est demandé réparation correspondent à une perte de marchandise évaluée, au prix d'achat, à 20 214,38 euros et à une perte d'exploitation évaluée à 2 401,52 euros ; qu'en l'état de l'instruction, il n'est pas établi que, eu égard notamment au montant de ces pertes, au chiffre d'affaires de la société Shangrila ainsi qu'au caractère général des manifestations et actions de cette nature déclenchées par des marins pêcheurs en mai 2008 sur le territoire national, les sociétés requérantes ont subi un préjudice anormal et spécial dont elles seraient fondées à demander réparation sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Compagnie Générali IARD et la société Shangrila ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la Compagnie Générali IARD et à la société Shangrila de la somme que celles-ci demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Compagnie Générali IARD et de la société Shangrila est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Compagnie Générali IARD, à la société Shangrila, et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet des Côtes d'Armor.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 novembre 2013.

Le rapporteur,

B. MADELAINE Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT002882

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00288
Date de la décision : 05/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : TEBOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-11-05;12nt00288 ?
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