La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2013 | FRANCE | N°12NT02359

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 05 novembre 2013, 12NT02359


Vu la requête, enregistrée le 17 août 2012, présentée pour Melle Princia Fatimata GraceA..., demeurant..., par Me Duplantier, avocat au barreau de Nantes ; Mlle A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-4117 du 14 février 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 9 septembre 2011 lui refusant implicitement la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le Congo comme pays de destination ;

2

°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer ...

Vu la requête, enregistrée le 17 août 2012, présentée pour Melle Princia Fatimata GraceA..., demeurant..., par Me Duplantier, avocat au barreau de Nantes ; Mlle A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-4117 du 14 février 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 9 septembre 2011 lui refusant implicitement la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le Congo comme pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention "vie privée et familiale" ou, à défaut, de reprendre l'instruction de son dossier et de l'admettre au séjour durant cette instruction, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à partir du délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sous réserve de son renoncement à l'aide juridictionnelle, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

elle soutient que :

- s'agissant de la décision de refus de séjour et du jugement la confirmant : le tribunal ne pouvait estimer que les conditions de son arrivée et de sa première année de résidence en France sont confuses ; elle ne peut être regardée comme ayant des attaches familiales dans son pays d'origine ; son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique qu'elle puisse continuer à demeurer en France ;

- la décision préfectorale est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- cette décision est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; en effet alors qu'elle a subi très jeune un mariage forcé et a été contrainte à la prostitution à son arrivée en France, elle a été prise en charge par l'aide sociale à l'enfance et a suivi un parcours scolaire qui ne peut être interrompu ;

- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie avant que le préfet prenne sa décision de refus, en vertu des articles L. 312-2 et L. 313-11, alinéa 7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- s'agissant de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire : l'arrêté ne comporte pas de motivation spécifique à cet égard, en méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que l'autorité préfectorale ne se trouvait pas en situation de compétence liée ; en tout état de cause, cette disposition légale est contraire aux objectifs des articles 4, 7 et 12 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 17 septembre 2012, le mémoire par lequel le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mlle A... à payer la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que :

- sur la légalité du refus de séjour : le récit autobiographique de Mlle A... n'est pas crédible et les attestations produites ne sont pas déterminantes ; l'autorité préfectorale a apprécié sa situation avec soin et n'a commis aucune erreur manifeste ;

- il est jugé que la commission des titres de séjour n'a pas à être saisie lorsque l'étranger ne remplit pas les conditions posées par les articles L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; or en l'espèce, Mlle A... ne satisfait pas aux conditions du 7° de l'article L. 313-11 dès lors que son séjour en France est récent et que, célibataire, elle n'a pas d'enfant ;

- sur la régularité de l'obligation de quitter le territoire : l'autorité préfectorale ne s'est pas crue tenue d'assortir de cette obligation son refus implicite de délivrer un titre de séjour et l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire n'avait pas à être motivé ;

- Mlle A... relevait des dispositions du I-1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa demande d'asile avait été rejetée par la CNDA ;

- subsidiairement, à ce fondement de l'arrêté, la cour pourrait substituer le motif tiré de ce que Mlle A..., qui ne remplit plus les conditions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relevait des dispositions du I-3° de l'article L. 511-1 de ce code ;

- le I de l'article L. 511-1 qui prévoit que l'obligation de quitter le territoire n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique est conforme aux objectifs de la directive 2008/115/CE ;

- l'article 7 de cette directive ne peut être utilement invoqué ;

- aucun texte n'impose une motivation de la faculté d'assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire ;

Vu le mémoire enregistré le 5 mars 2013, par lequel Mlle A... réitère les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 19 mars 2013, par lequel le préfet du Loiret reprend les conclusions et moyens développés dans ses précédentes écritures ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 11 juillet 2012, admettant Mlle A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Duplantier pour la représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2013 :

- le rapport de M. Lainé, président de chambre ;

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mlle A..., ressortissante de la République du Congo, relève appel du jugement du 14 février 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 août 2011 par lequel le préfet du Loiret a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le Congo comme pays de destination ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) " ;

En ce qui concerne le refus de séjour :

3. Considérant qu'il ne ressort ni des termes de l'arrêté du 11 août 2011, ni des pièces du dossier que le préfet aurait entaché sa décision de refus de titre de séjour d'un défaut d'examen particulier et complet de la situation personnelle de Mlle A... ; que la circonstance que l'arrêté contesté écarte les justificatifs produits par la requérante n'est pas de nature, à elle seule, à faire regarder cet examen comme insuffisant ;

4. Considérant que Mlle A... expose qu'elle s'est mariée en 2007, à l'âge de 15 ans, de manière coutumière, a subi des violences répétées de la part de son mari mais a néanmoins été autorisée par ce dernier à quitter son pays pour la France ; qu'elle a résidé, à son arrivée en février 2008, chez un ami de son mari puis a trouvé refuge dans une famille qui connaissait son oncle ; qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante a été confiée, le 21 septembre 2009, à l'âge de 17 ans et deux mois, à la tutelle du président du conseil général du Loiret et prise en charge par le service départemental de l'aide sociale à l'enfance, a signé, en juillet 2010, un contrat d'aide au jeune majeur et est inscrite depuis l'année 2008/2009 au lycée des métiers Françoise Dolto d'Olivet où elle suit une formation dans la restauration ; que, toutefois, eu égard au caractère confus de ses conditions d'arrivée et de sa première année de résidence en France, à sa brève durée de présence en France et à l'existence de liens familiaux dans son pays d'origine où résident ses parents et frères et soeurs, et malgré les efforts d'intégration dont elle fait preuve, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mlle A... au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts en vue desquels la décision de refus de titre de séjour a été prise ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté ; que le préfet n'a, pour les mêmes raisons, pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation personnelle de la requérante ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que Mlle A... n'était pas au nombre des ressortissants étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet n'était pas tenu, en application des dispositions de l'article L. 312-2 du même code, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant que le 4° de l'article 3 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 susvisée définit la décision de retour comme " une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d'un ressortissant d'un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour " ; qu'aux termes de l'article 6, paragraphe 6, de la même directive : " La présente directive n'empêche pas les États membres d'adopter une décision portant sur la fin du séjour régulier en même temps qu'une décision de retour et/ou une décision d'éloignement et/ou d'interdiction d'entrée dans le cadre d'une même décision ou d'un même acte de nature administrative ou judiciaire, conformément à leur législation nationale, sans préjudice des garanties procédurales offertes au titre du chapitre III ainsi que d'autres dispositions pertinentes du droit communautaire et du droit national " ; qu'aux termes de l'article 12, paragraphe 1, de la même directive: " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles (...) " ;

7. Considérant que la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité a notamment procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des dispositions de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, dite directive " retour ", et a modifié les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui définissent les conditions dans lesquelles les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération Suisse et qui ne sont pas membres de la famille de ces ressortissants, peuvent faire l'objet d'une décision les obligeant à quitter le territoire français ; qu'à raison de cette transposition, Mlle A... ne peut soutenir utilement, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire dont elle a fait l'objet, que celle-ci méconnaît la directive susmentionnée et notamment son article 12 ; qu'en tout état de cause il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté du préfet du Loiret comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels sont fondés le refus de séjour et la mesure d'éloignement de la requérante, en particulier le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permet de prendre une décision d'obligation de quitter le territoire lorsque la demande d'asile de l'étranger intéressé a été rejetée, le bénéfice des autorisations provisoires de séjour qui lui ont été accordées pour l'instruction de sa demande d'asile n'ayant pas régularisé les conditions de son entrée en France ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prise par le préfet du Loiret serait insuffisamment motivée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mlle A..., n'appelle pas de mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Loiret, sous astreinte, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou de reprendre l'instruction de son dossier ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de Mlle A... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mlle A... le versement à l'Etat de la somme de 800 euros que le préfet du Loiret demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mlle A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet du Loiret au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Loiret

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2013, où siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2013.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

S. AUBERT Le président-rapporteur,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt chacun en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 12NT02359


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02359
Date de la décision : 05/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : DE VILLELE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-11-05;12nt02359 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award