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28/11/2013 | FRANCE | N°12NT03283

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 28 novembre 2013, 12NT03283


Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2012, présentée pour M. D... B..., demeurant..., par Me Aibar, avocat au barreau de Nantes ; M. A... B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1208118 en date du 7 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2012 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant un pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Lo

ire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéd...

Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2012, présentée pour M. D... B..., demeurant..., par Me Aibar, avocat au barreau de Nantes ; M. A... B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1208118 en date du 7 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2012 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant un pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 700 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

il soutient que :

- le refus de titre de séjour n'est pas motivé ;

- la décision portant refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière au regard des dispositions du 1 de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 et du 4 de l'article 3 du règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 dans la mesure où la procédure d'identification de l'Etat responsable et d'identification du requérant s'est déroulée dans une langue qu'il ne comprend pas et en l'absence d'interprète ;

- la décision portant refus de titre de séjour est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision du 5 janvier 2012 par laquelle le préfet lui a refusé l'admission au séjour au titre de l'asile politique ; il est recevable à exciper de l'illégalité de cette décision dès lors qu'elle n'est pas devenue définitive, faute de lui avoir été notifiée dans une langue qu'il comprend ; ladite décision est insuffisamment motivée, a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et est entachée d'une erreur de droit ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- c'est à tort que le préfet a regardé sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile comme frauduleuse

- le préfet ne pouvait légalement se fonder, pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, sur les dispositions du 4° de l'article L. 741-4 et des articles L. 742-1 à L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à l'autorisation provisoire de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'absence de base légale dès lors qu'il est entré sur le territoire national depuis l'Italie et entrait ainsi dans les prévisions des articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ; elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 février 2013, présenté par le préfet de la Loire-Atlantique, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la décision de refus de séjour ainsi que celle fixant le pays de destination sont suffisamment motivées ;

- la décision en date du 5 janvier 2012 rejetant l'admission au séjour de M. A... B... au titre de l'asile est suffisamment motivée ; elle ne méconnaît pas les dispositions de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ni les dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le requérant a bénéficié de l'ensemble des informations relatives à la procédure

d'asile ;

- la décision en date du 5 janvier 2012 portant refus d'admettre M. A... B...au séjour au titre de l'asile n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision à l'encontre de celle portant refus de titre de séjour doit être écarté ;

- l'arrêté contesté n'a pas été pris sur un fondement juridique erroné ;

- il n'était pas tenu de solliciter la réadmission de M. A... B...auprès des autorités italiennes ;

- l'intéressé ne produit aucun élément permettant d'établir qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;

Vu la décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 11 février 2013 admettant M. A... B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Aibar pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n°2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;

Vu le règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2013 le rapport de M. Francfort, président-assesseur ;

1. Considérant que M. A... B..., de nationalité érythréenne, fait appel du jugement en date du 7 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2012 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant un pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application ; qu'elle précise les éléments de fait relatifs à la situation personnelle et familiale, en France et en Erythrée, de M. A... B... ; que si le préfet a visé, à tort, les dispositions du 4° de l'article L. 741-4 et des articles L. 742-1 à L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à l'admission au séjour des demandeurs d'asile, il ressort des termes de l'arrêté litigieux que le préfet s'est en réalité fondé sur le 8° de l'article L. 314-11 du même code pour refuser à l'intéressé l'octroi d'un titre de séjour en qualité de réfugié ; qu'ainsi, M. A... B...n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre contestée aurait été prise sur un fondement juridique erroné ou serait insuffisamment motivée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'un justiciable ne peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des stipulations inconditionnelles d'une directive que lorsque l'Etat n'a pas pris, après l'expiration du délai imparti, les mesures assurant la transposition complète de ces stipulations ; que par suite M. A... B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance par le préfet de la Loire-Atlantique des dispositions de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005, lesquelles ont été transposées de manière complète par les dispositions du décret n° 2011-1031 du 29 août 2011 et codifiées à l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, en troisième lieu, que M. A... B... ne peut pas davantage utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision du 24 juillet 2012 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a statué, en fin de procédure, après intervention de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur son séjour en France au titre de l'asile, du droit à l'information du demandeur d'asile prévu par les dispositions du 4 de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 susvisé ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que M. A... B... ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision en date du 5 janvier 2012 portant refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour pendant l'examen de sa demande d'asile en application du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour contester le refus de titre de séjour que lui a opposé le préfet de la Loire-Atlantique le 24 juillet 2012, les deux décisions ne formant pas ensemble une opération complexe ;

6. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles (...) L. 511-1 à L. 511-3, (...) l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 531-2 de ce code : " Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables, sous la réserve mentionnée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 741-4, à l'étranger qui demande l'asile, lorsqu'en application des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne l'examen de cette demande relève de la responsabilité de l'un de ces Etats. (...) " ;

7. Considérant que si M. A... B... soutient avoir indiqué au préfet de la Loire-Atlantique, dans le formulaire de demande d'asile rempli le 29 novembre 2011, qu'il était entré en Italie, où il aurait séjourné du 14 août 2012 jusqu'au 6 septembre 2012, avant d'arriver sur le territoire français, il ne produit aucun document permettant d'établir qu'il serait entré ou qu'il aurait résidé régulièrement en Italie ou que l'examen de la demande d'asile qu'il a présentée en France relèverait de la responsabilité des autorités italiennes ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;

8. Considérant, en sixième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire décidée à l'encontre de M. A... B... devrait être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en septième lieu, que la décision fixant le pays à destination duquel M. A... B... pourrait être renvoyé vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique, outre la nationalité de l'intéressé, que M. A... B... ne justifie pas faire l'objet de menaces ou de risques pour sa sécurité ou sa vie en cas de retour en Erythrée ; qu'une telle motivation répond aux exigences posées par la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

10. Considérant, enfin, que si M. A... B..., dont la demande de reconnaissance du statut de réfugié auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été rejetée par décision en date du 31 mai 2012, soutient qu'il serait exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son statut de déserteur de l'armée erythréenne, il ne produit aucun élément permettant d'établir la réalité des risques qu'il invoque ; qu'ainsi, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A... B... ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. A... B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de sa requête doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice

administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme que M. A... B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande de verser à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Piot, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2013.

Le rapporteur,

J. FRANCFORT Le président,

J-M. PIOT

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT032832


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12NT03283
Date de la décision : 28/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : AIBAR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-11-28;12nt03283 ?
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