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10/01/2014 | FRANCE | N°12NT02422

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 10 janvier 2014, 12NT02422


Vu la requête, enregistrée le 27 août 2012, présentée pour la société " Ecole départementale des sapeurs-pompiers du Calvados " (EDSP 14), domiciliée..., par Me B... ; la société EDSP 14 demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 27 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que soit ordonnée la reprise des relations contractuelles nées de la conclusion d'un contrat de délégation de service public avec le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Calvados, d'autre part, à la condamnat

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Vu la requête, enregistrée le 27 août 2012, présentée pour la société " Ecole départementale des sapeurs-pompiers du Calvados " (EDSP 14), domiciliée..., par Me B... ; la société EDSP 14 demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 27 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que soit ordonnée la reprise des relations contractuelles nées de la conclusion d'un contrat de délégation de service public avec le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Calvados, d'autre part, à la condamnation du SDIS du Calvados à lui verser la somme de 551 649,02 euros en réparation du préjudice moral causé par le non-paiement d'une facture, la somme de 3 535 500 euros en réparation de son préjudice commercial ainsi qu'une indemnité d'un montant égal au passif constaté dans le cadre de sa liquidation judiciaire et aux frais de justice résultant de la mise en oeuvre de la procédure de liquidation judiciaire, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de la capitalisation des intérêts, enfin, à ce que soit ordonné le placement sous séquestre d'une provision de 250 000 euros au titre des frais de justice, d'une provision de 866 151,18 euros au titre du désintéressement de ses créanciers et d'une provision de 953 201,06 euros au titre du désintéressement éventuel d'un créancier dont la créance est contestée ;

2°) de condamner le SDIS du Calvados à lui verser la somme de 551 649,02 euros en réparation du préjudice moral causé par le non-paiement d'une facture, la somme de 3 535 500 euros en réparation de son préjudice commercial ainsi qu'une indemnité d'un montant égal au passif constaté dans le cadre de sa liquidation judiciaire et aux frais de justice résultant de la mise en oeuvre de la procédure de liquidation judiciaire, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de la capitalisation des intérêts ;

3°) d'ordonner le placement sous séquestre d'une provision de 250 000 euros au titre des frais de justice, d'une provision de 866 151,18 euros au titre du désintéressement de ses créanciers et d'une provision de 953 201,06 euros au titre du désintéressement éventuel d'un créancier dont la créance est contestée ;

4°) d'assortir ces condamnations d'une astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge du SDIS du Calvados la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle n'a pas accepté que la somme due au titre des prestations de formation, facturée le 1er juillet 2010, soit ramenée à 70 684,94 euros ; ce paiement n'a pas été effectué ;

- le SDIS du Calvados a illégalement procédé, après l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, à la compensation d'une créance de 33 941 euros qui n'avait pas encore été déclarée ; il ne pouvait pas suspendre l'exécution d'un mandat de paiement en se prévalant de titres exécutoires éventuels dont le montant n'était pas connu ;

- le paiement de la somme de 551 649,02 euros lui aurait permis de redresser sa situation financière ; le seul paiement de la somme de 129 828,48 euros aurait permis à l'administrateur judiciaire de payer les charges courantes ;

- le SDIS était satisfait de l'exécution du contrat ainsi que l'atteste le fait qu'il n'a pas appliqué les sanctions prévues par l'article 34 du contrat de délégation ni les dispositions de l'article 35 relatives au règlement des litiges ;

- en refusant de payer, en violation des articles 25.2 et 25.3 de la convention de délégation de service public, il a commis une faute à l'origine de la liquidation judiciaire de la société, d'une atteinte grave à sa réputation et à son image et de la perte d'une chance de réaliser des bénéfices pendant la période d'exploitation restant à courir ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée au SDIS du Calvados le 10 décembre 2012, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2013, présenté pour le SDIS du Calvados, par Me Le Bouëdec ; le SDIS du Calvados demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société EDSP 14 ;

2°) de mettre à la charge de cette société la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la requête, à laquelle la décision attaquée n'a pas été jointe, n'est pas recevable ;

- étant titulaire d'une créance de près de vingt-quatre millions d'euros à la date du 19 août 2010 à laquelle son délégataire a été placé en liquidation judiciaire, il lui a réglé la somme de 70 684,94 euros, correspondant au paiement des seules prestations de formation effectuées, après avoir procédé à une compensation de créances qui n'a pas été contestée ;

- la somme de 421 819,24 euros a été directement versée au crédit-bailleur de son co-contractant dans le cadre d'une délégation de créance et la somme de 70 684,94 euros a été réglée par compensation de créances ;

- la société requérante a méconnu ses obligations contractuelles de crédit-preneur en revendant les véhicules acquis pour les besoins de l'école et en utilisant à d'autres fins les sommes qu'il lui avait remises, dans le cadre d'une délégation de créance, pour régler les échéances du crédit-bail ; cette vente lui a permis de se constituer une trésorerie de 1 201 641,53 euros ;

- la liquidation judiciaire trouve sa cause directe dans la mauvaise gestion de la société, laquelle constitue une cause exonératoire de responsabilité ;

- la réalité des préjudices invoqués n'est pas établie ; l'exploitation du service délégué est structurellement déficitaire ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 décembre 2013, présenté pour la société EDSP 14 qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

elle ajoute que :

- le jugement attaqué a été produit ;

- la requête est motivée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2013 :

- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Le Bouëdec, avocat du SDIS du Calvados ;

1. Considérant que le SDIS du Calvados a conclu le 26 avril 2006 avec la société EDSP 14 un contrat de délégation de service public et un bail emphytéotique ayant pour objet la construction, la gestion, l'entretien et l'exploitation d'une école de formation des sapeurs-pompiers ; que la société EDSP 14 a conclu avec la société Sogéfinerg un contrat de crédit-bail portant notamment sur les véhicules utilisés dans le cadre de l'activité de formation ; qu'ayant été placée en redressement judiciaire le 8 juillet 2010 puis en liquidation judiciaire le 19 août 2010, la société requérante a recherché la responsabilité du SDIS du Calvados, estimant que son refus de payer une facture d'un montant de 551 649,02 euros établie le 1er juillet 2010 est à l'origine de la cessation de son activité ; que par un jugement du 27 juin 2012 dont elle relève appel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

2. Considérant que le SDIS du Calvados justifie son refus de régler la facture d'un montant de 551 649,02 euros établie le 1er juillet 2010 par le versement, sur le fondement d'une délégation de créance stipulée au profit de la société Sogéfinerg, crédit-bailleur de la société EDSP 14, de la somme de 421 819,54 euros, par la déduction de prestations de formation évaluées à 59 143,54 euros qui ne lui avaient pas encore été fournies et, pour le surplus, par une compensation de créances entre la somme restant due et sa propre créance d'un montant de 23 797 207,36 euros déclarée dans le cadre de la procédure de redressement et de liquidation judiciaire ;

3. Considérant que si le SDIS était en droit de payer directement à la société Sogéfinerg la partie de sa dette correspondant au loyer dû à cette dernière par la société EDSP 14, ainsi que le permet la délégation de créance stipulée à l'article B. 13.2 du contrat de crédit-bail qu'il a co-signé en qualité d'intervenant, il était tenu, en revanche, de verser au délégataire le surplus de son engagement financier trimestriel, eu égard au montant forfaitaire de celui-ci stipulé par l'article 25.2 du contrat de délégation de service public, sans pouvoir opérer une distinction entre les prestations déjà fournies et les prestations à venir, alors même que les difficultés financières rencontrées par la société risquaient d'en compromettre l'exécution ; qu'ayant été rejetée par le mandataire-liquidateur, la créance de 23 797 207,36 euros qu'il a déclarée ne présentait pas la nature d'une créance certaine, liquide et exigible et n'était dès lors pas susceptible d'être payée par voie de compensation avec le solde de la facture du 1er juillet 2010 ; qu'ainsi, le SDIS du Calvados a commis une faute en refusant de verser à son délégataire la somme de 129 828,48 euros ;

4. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction qu'à la date du 8 juillet 2010, à laquelle la procédure de redressement judiciaire a été ouverte, la société requérante était confrontée à des difficultés financières importantes et que ses créanciers ont déclaré des créances admises par le mandataire-liquidateur d'un montant total de 757 121,05 euros auxquelles se sont ultérieurement ajoutées d'autres créances d'un montant total de 109 030,13 euros ; que, dans ces conditions, la cessation d'activité de la société ne peut être regardée comme trouvant sa cause dans le refus du SDIS du Calvados de payer la somme de 129 828, 48 euros ; qu'en l'absence de lien de causalité entre la faute ainsi commise et les préjudices invoqués, la société ne peut obtenir la condamnation de son co-contractant au versement d'une indemnité ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société EDSP 14 n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'indemnisation de la société requérante, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors et en tout état de cause, ses conclusions tendant à ce que soit ordonnée la mise sous séquestre de provisions d'un montant total de 2 069 352,04 euros doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à que soit mis à la charge du SDIS du Calvados, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par la société EDSP 14 sur ce fondement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette société le versement de la somme de 1 500 euros demandé par le SDIS du Calvados sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société EDSP 14 est rejetée.

Article 2 : La société EDSP 14 versera au SDIS du Calvados la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société " Ecole départementale des sapeurs-pompiers du Calvados " (EDSP 14) et au service départemental d'incendie et de secours du Calvados.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M.C..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2014.

Le rapporteur,

S. AUBERT

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02422
Date de la décision : 10/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LE BOUEDEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-01-10;12nt02422 ?
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