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28/02/2014 | FRANCE | N°13NT02683

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 28 février 2014, 13NT02683


Vu le recours, enregistré le 17 septembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur ELARBIELAFSAGNAssdemande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-8176 et 11-9085 du 9 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 11 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant le recours hiérarchique formé par M. A...B...contre la décision du 7 mars 2011 du préfet de police de Paris rejetant la demande de naturalisation de ce dernier ;


2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal admin...

Vu le recours, enregistré le 17 septembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur ELARBIELAFSAGNAssdemande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-8176 et 11-9085 du 9 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 11 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant le recours hiérarchique formé par M. A...B...contre la décision du 7 mars 2011 du préfet de police de Paris rejetant la demande de naturalisation de ce dernier ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes ;

il soutient que :

- des éléments nouveaux, communiqués par les services de renseignements du ministère, établissent que M. B...persiste à militer au sein d'une organisation prônant la lutte armée et qu'il entretient des liens privilégiés avec un individu recherché pour ses activités terroristes ; le juge administratif admet le caractère probant des renseignements contenus dans des fiches de police sans exiger leur production ; l'avis favorable émis le 27 juin 2003 par la commission du titre de séjour de la préfecture de la Seine-Saint-Denis à la demande d'obtention d'une carte de résident présentée par l'intéressé ne suffit pas à lever le doute sur le loyalisme de celui-ci envers l'Etat français ; cet avis est ancien et a été émis dans le cadre d'une procédure obéissant à d'autres règles ;

- les premiers juges ont reconnu l'existence des manquements de l'intimé envers ses obligations fiscales ;

- il a justifié en première instance de la compétence du signataire de la décision contestée et du caractère suffisant de la motivation de l'acte litigieux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2013, présenté pour M. A...B..., demeurant..., par Me Taelman, avocat au barreau du Val-de-Marne, qui conclut au rejet du recours, à la confirmation du jugement attaqué, à ce qu'il soit enjoint au ministre de réexaminer sa demande de naturalisation, dans un délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard, sur le fondement des articles L. 911-1 à L. 911-3 du code de justice administrative et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du même code ;

il fait valoir que :

- le ministre n'établit pas plus en appel la réalité des faits qui lui sont reprochés ; aucune pièce nouvelle n'est versée au dossier ; la note du 3 février 2011 n'est ni précise ni circonstanciée ; s'il avait eu des liens avec un groupe terroriste il ne se serait pas vu reconnaître la qualité de réfugié ; le signalement dont il avait fait l'objet sur le fichier du système d'information Schengen a été effacé ; c'est en raison d'un problème d'homonymie que le fait d'entretenir des contacts avec l'un de ses compatriotes au Pays-Bas lui avait été reproché ; le ministre continue à lui reprocher des faits que la commission du titre de séjour a jugé infondés par avis du 27 juin 2003 ;

- sa naturalisation devrait être facilitée en raison de sa qualité de réfugié statutaire ;

- il n'a jamais fait l'objet d'aucune condamnation ; il vit en bon père de famille avec son épouse et ses trois enfants ; il est assimilé sur le plan linguistique ; il perçoit un revenu mensuel moyen de 2 300 euros ;

- le retard qu'il a mis à payer sa taxe d'habitation et sa taxe foncière ne saurait justifier un rejet de sa demande de naturalisation ; il a procédé au paiement spontané de ces taxes ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 20 novembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut aux mêmes fins que son recours, par les mêmes moyens et ajoute que contrairement à ce qu'allègue le requérant, le contrôle opéré par le juge se limite à l'erreur manifeste d'appréciation ; les éléments nouveaux qu'il fait valoir en appel sont extraits d'un courrier classé " confidentiel défense " qui ne peut, à ce titre, être versé aux débats ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 34 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés est inopérant ; le paiement systématique avec retard et après majoration des dettes fiscales peut justifier le rejet d'une demande de naturalisation ;

Vu le second mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2013, présenté pour M.B..., qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et ajoute que le ministre fait l'aveu, lorsqu'il se rapporte aux éléments contenus dans un document de la DCRI du 18 juillet 2013, qu'à la date de la décision litigieuse, il ne disposait d'aucune information pertinente lui permettant de rejeter la demande de naturalisation présentée ; si l'association à laquelle il lui est reproché d'appartenir était effectivement l'émanation d'un groupe terroriste, elle aurait été interdite ; les jurisprudences auxquelles se réfère le ministre pour justifier le motif tiré de la méconnaissance de ses obligations fiscales sont très éloignées de sa situation ; ce second motif ne figurait au demeurant pas dans la décision préfectorale initiale ;

Vu le mémoire en duplique, enregistré le 18 décembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut aux mêmes fins que son recours, par les mêmes moyens et ajoute que l'intimé ne conteste pas sérieusement les derniers éléments versés afin d'éclairer la cour sur son comportement ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 février 2014, présentée pour M.B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 février 2014:

- le rapport de M. Pérez, président-rapporteur ;

- et les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

1. Considérant que le ministre de l'intérieur interjette appel du jugement du 9 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A...B..., la décision du 11 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant, sur recours hiérarchique, la demande de naturalisation de ce dernier ;

Sur la légalité de la décision litigieuse :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; que selon l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

3. Considérant que, pour rejeter la demande de naturalisation présentée par M.B..., le ministre chargé des naturalisations s'est notamment fondé sur une note du directeur des libertés publiques du ministère de l'intérieur du 3 février 2011 mentionnant d'une part, que l'intéressé a des activités militantes en faveur du Babbar Khalsa International (BKI), les Tigres de la foi véritable, mouvement considéré comme terroriste, et d'autre part, que le postulant n'a pas fait mention de sa sympathie pour ce mouvement lors de l'entretien réalisé par les services de police spécialisés du ministère ; qu'en se bornant à faire valoir l'avis favorable émis le 27 juin 2003 par la commission du titre de séjour de la préfecture de la Seine-Saint-Denis à sa demande d'obtention d'une carte de résident, laquelle relève d'une législation distincte, M. B...ne contredit pas utilement les énonciations circonstanciées de cette note ; qu'en rejetant pour ce motif la demande de naturalisation du postulant, alors même que le statut de réfugié politique a été accordé à ce dernier par les autorités françaises, le ministre, qui a fait usage de son large pouvoir d'apprécier l'opportunité d'accorder la naturalisation sollicitée, n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce seul motif ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a estimé que la décision litigieuse était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre (...) et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de ce décret : " Les personnes mentionnées aux 1° et 3° de l'article 1er peuvent donner délégation pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont elles-mêmes reçu délégation : 1° (...) aux fonctionnaires de catégorie A (...) qui n'en disposent pas au titre de l'article 1er (...) " ; que, par décret du 15 juillet 2009, publié au journal officiel de la République Française du 16 juillet 2009, M. C... a été nommé directeur de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté au ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ; que par une décision du 28 février 2011, publiée au Journal Officiel de la République Française du 3 mars 2011, M. C... a régulièrement donné délégation à Mme E... D..., conseillère d'administration des affaires sociales, adjointe au sous-directeur de l'accès à la nationalité française, et signataire de la décision critiquée ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de cette signataire manque en fait ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande (...) de naturalisation (...) doit être motivée. " ; que le ministre précise dans sa décision contestée qu'en application de l'article 49 du décret du 30 décembre 1993 il a ajourné la demande de naturalisation de M.B... ; que, par suite, cette décision, qui énonce les considérations de droit sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 11 juillet 2011 rejetant, sur recours hiérarchique, la demande de naturalisation de M.B... ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées devant le tribunal administratif par M.B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il en résulte que les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit ordonné au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande de naturalisation ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 juillet 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....

Délibéré après l'audience du 4 f évrier 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Sudron, président-assesseur,

-M. François,premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 février 2014.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

A. SUDRON

Le président-rapporteur,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02683
Date de la décision : 28/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Alain PEREZ
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : TAELMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-02-28;13nt02683 ?
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