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21/03/2014 | FRANCE | N°13NT01203

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 21 mars 2014, 13NT01203


Vu la requête, enregistrée le 25 avril 2013, présentée pour Mme B... A..., demeurant..., par Me Gryner, avocat au barreau de Paris ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1100814, 1102917 du 26 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 février 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du consul général de France à Haïti refusant à Melles Amelisena Routha et D...A...,

ses nièces, deux visas de long séjour en vue de leur établissement en Fr...

Vu la requête, enregistrée le 25 avril 2013, présentée pour Mme B... A..., demeurant..., par Me Gryner, avocat au barreau de Paris ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1100814, 1102917 du 26 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 février 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du consul général de France à Haïti refusant à Melles Amelisena Routha et D...A..., ses nièces, deux visas de long séjour en vue de leur établissement en France ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de délivrer un visa d'entrée en France à Melles Amelisena Routha et D...A...

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France méconnaît :

- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; la mère des deux enfants est décédée ; leur père est dans l'impossibilité d'assurer leur prise en charge et leur garde ; la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne pouvait refuser les visas en se fondant sur un détournement de procédure ; les premiers juges qui n'ont pas examiné sa situation personnelle ont entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle dispose en vertu d'une ordonnance du juge des référés de Port au Prince de la garde des deux enfants ; ses moyens financiers sont suffisants pour subvenir à leurs besoins et à leur éducation ; la délivrance des visas ne portera pas atteinte à l'ordre public ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de la requérante par les premiers juges ne peut qu'être écarté compte tenu des termes mêmes du jugement ;

- le jugement du tribunal de première instance de Port-au-Prince qui confie la garde des deux jeunes filles à Mme A... n'est pas une délégation d'autorité parentale ; il n'a pas fait l'objet d'une mesure d'exequatur en France ; en tout état de cause, Mme A... ne justifie pas de ressources suffisantes pour les accueillir ; les conditions d'accueil en France des deux enfants ne sont pas définies ; elles vivent en Haïti avec leur père et leurs frères ; l'incapacité financière de leur père à les prendre en charge n'est pas établie ; l'intérêt supérieur des deux enfants n'a donc pas été méconnu ;

- la requérante ne justifie pas avoir tissé des liens affectifs étroits avec les deux jeunes filles ; elle ne contribue pas à leur entretien ; elle ne justifie pas être dans l'impossibilité de se rendre en Haïti ;

- le détournement de procédure est établi ; c'est à la demande de la requérante et de son frère, le père des deux enfants, que le jugement confiant leur garde à Mme A... a été rendu en avril 2009 ; il s'agit d'un arrangement de famille ; aucun document n'atteste de la disparition des deux mères de ces enfants ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 août 2013, présenté pour Mme A... qui conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins que sa requête ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 octobre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut par les mêmes moyens au rejet de la requête ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 décembre 2013, présenté pour Mme A... qui conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins que sa requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés

fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2014 :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme A..., ressortissante française, s'est vue confier la garde de ses deux nièces, Amelisena Routha A...etD... A..., nées respectivement en 1993 et 1994, par une ordonnance du juge des référés du tribunal de première instance de Port-au-Prince rendue le 6 mars 2009 ; que les demandes de visa d'entrée et de long séjour en France déposées pour ces dernières ont fait l'objet de décisions de refus de la part des autorités consulaires de France en Haïti, confirmées par une décision du 17 février 2011 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que Mme A... relève appel du jugement du 26 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de cette commission ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que, pour rejeter le recours formé par Mme A... devant elle, la commission s'est fondée, d'une part, sur le motif tiré de l'intérêt supérieur de l'enfant, et d'autre part, sur le détournement de procédure ; que Mme A... fait valoir que la décision du 17 février 2011 méconnaît tant les stipulations de l'article 3, paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

4. Considérant que l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale ; qu'ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille ; qu'en revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt ;

5. Considérant que, par une ordonnance du 6 mars 2009, le juge des référés du tribunal de première instance de Port-au-Prince a confié à Mme A... la garde à titre provisoire de Mlle C... A..., née le 18 mai 1993, et de Mlle D...A..., née le 18 mai 1994, ses nièces ; que cette décision juridictionnelle, alors même qu'elle n'a pas été rendue exécutoire par un jugement d'une juridiction française, doit être regardée comme ayant eu pour effet de déléguer à Mme A... l'autorité parentale sur les deux enfants ; que, toutefois, la requérante se borne à soutenir qu'elle dispose des moyens nécessaires pour subvenir aux besoins de ses nièces et à leur éducation, sans apporter aucun élément probant sur sa situation matérielle, alors que l'administration fait valoir que les ressources, d'un montant mensuel proche de 1 200 euros en 2009 et 2010, de Mme A..., qui assume déjà la charge de quatre enfants, dont deux mineurs, ne sont pas suffisantes pour accueillir ses deux nièces dans de bonnes conditions ; qu'ainsi, en rejetant le recours contre les refus de visa sollicités, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3, § 1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

6. Considérant, en second lieu, que Mme A... ne soutient pas ne pas pouvoir rendre visite aux deux enfants en Haïti ; qu'elle n'établit pas pourvoir aux besoins affectifs et matériels de ses nièces ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que ces deux enfants, âgés respectivement de 17 et 16 ans à la date de la décision en litige, vivent depuis leur naissance en Haïti, où elles ne sont pas isolées ; que si la requérante fait valoir que les mères des enfants sont décédées, et que leur père n'est pas à même de prendre soin d'elles, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que ni ce dernier, ni leurs frères, ni leur grand-mère ne sont en mesure de subvenir à leur besoin et à leur éducation ; que, dès lors, la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, dont il résulte que les premiers juges ont procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle, sa demande a été rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre des affaires étrangères de délivrer les visas sollicités ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 21 février 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mars 2014.

Le rapporteur,

M-P. ALLIO-ROUSSEAULe président,

B. ISELIN

Le greffier,

C. GOY

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N° 13NT01203


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01203
Date de la décision : 21/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. Entrée en France. Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : GRYNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-03-21;13nt01203 ?
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