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18/04/2014 | FRANCE | N°13NT00937

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 18 avril 2014, 13NT00937


Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2013, présentée pour Mme D... B..., demeurant..., par Me Bourgeois, avocat au barreau de Nantes ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100484 du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours contre la décision du 29 septembre 2009 par laquelle l'ambassadeur de France en Guinée a refusé de délivrer à Mlle C.

.. A... un visa long séjour dans le cadre du regroupement familial ;

2°...

Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2013, présentée pour Mme D... B..., demeurant..., par Me Bourgeois, avocat au barreau de Nantes ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100484 du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours contre la décision du 29 septembre 2009 par laquelle l'ambassadeur de France en Guinée a refusé de délivrer à Mlle C... A... un visa long séjour dans le cadre du regroupement familial ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

elle soutient que :

- ni la décision des autorités consulaires françaises en Guinée, ni la décision de la

commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne sont motivées ;

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est entachée d'une erreur d'appréciation au regard du lien de filiation ; les irrégularités des actes d'état civil produits à l'appui de la demande de visa d'entrée et de long séjour résultent du dysfonctionnement de l'état civil guinéen ; les jugements supplétifs peuvent être d'abord manuscrits puis dactylographiés ; le président du tribunal de première instance de Boké atteste sur l'honneur avoir rendu le jugement supplétif en tant que président de la section civile et administratif de Conakry II ; la production du jugement supplétif est du à la destruction du registre original d'état civil de naissance par un incendie ; elle produit en outre de nombreuses preuves de nature à établir le lien de filiation par possession d'état ;

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que

- la requérante n'a pas demandé la communication des motifs de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision ne peut donc qu'être rejeté ;

- le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté ; la requérante ne conteste pas le caractère apocryphe des actes d'état civil produits à l'appui de la demande de visa ; les jugements supplétifs relatifs à la naissance de Mlle A..., qui comportent le même numéro, présentent des divergences manifestes et incohérentes ; la filiation par possession d'état n'est pas établie ;

- compte tenu de l'absence de lien de filiation, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3, §1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 mars 2014, présenté pour Mme B... qui demande à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure en établissement de filiation qu'elle a engagée devant le tribunal de grande instance de Lorient ;

elle soutient que :

- la solution du litige devant la cour dépend de la décision du tribunal de grande instance de Lorient, seul compétent pour statuer sur la question de la mise en oeuvre d'un test ADN ;

- ses conclusions à fin d'injonction sont modifiées ; elle demande qu'il soit enjoint au ministre de délivrer le visa sollicité sous quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à

intervenir ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes, en date du 4 avril 2013, admettant Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2014 :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 4 avril 2014, présentée par le ministre de l'intérieur ;

1. Considérant que par une décision du 29 septembre 2009, les autorités consulaires en Guinée ont rejeté la demande de visa de long séjour déposée, dans le cadre d'un regroupement familial, par Mme B... née A...en faveur de l'enfant MariamaA..., qu'elle présente comme sa fille ; que, par un courrier du 23 novembre 2009, Mme B... a formé un recours contre cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qui a rejeté implicitement son recours ; que Mme B... relève appel du jugement du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est substituée à la décision initiale de refus prise par les autorités consulaires en Guinée ; que, par suite, le moyen de légalité externe soulevé à l'encontre de cette décision est inopérant à l'encontre de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B... reprend, en appel, sans autre précision ou justification, le moyen de légalité externe qu'elle a exposé en première instance, tiré de ce que la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est insuffisamment motivée ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen ;

4. Considérant, en troisième lieu, que lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public au nombre desquels figure la circonstance que les documents produits pour établir le lien de filiation de l'enfant sont dépourvus de valeur probante ; que, par ailleurs, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a implicitement confirmé le refus opposé par l'autorité consulaire française, au motif que l'acte de naissance de Mlle C...A...produit à l'appui de sa demande de visa présente un caractère apocryphe et ne permet pas d'établir l'existence d'un lien de filiation entre cet enfant et la requérante ;

6. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'ont souligné les premiers juges dont l'appréciation sur ce point n'est pas critiquée par la requérante, que les références portées sur le volet n° 1 de l'extrait d'acte de naissance n° 835 dactylographié produit devant les services consulaires sont incohérentes et que la signature figurant au bas de ce document est celle de Mme B... alors que le déclarant mentionné dans l'acte est censé être le père de l'enfant, que la signature apposée par l'officier d'état civil au bas de cet acte est identique à celle apposée au bas d'autres actes par des signataires se présentant sous des identités et des qualités différentes et, d'autre part, que cet acte a été dressé le 27 septembre 1992, soit un dimanche, jour où les bureaux d'état civil guinéens sont fermés ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de son recours devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, la requérante a produit une seconde version manuscrite du volet n° 1 de l'acte de naissance de Mlle C... A... alors que ce volet n'est remis au déclarant qu'en un seul exemplaire lors de l'enregistrement de la naissance ;

7. Considérant, d'autre part, qu'à l'appui de la demande de visa, ont également été présentés deux jugements supplétifs d'acte de naissance de MlleA..., comportant les mêmes références et les mêmes dates, qui toutefois pour le premier était renseigné à la main pour le second dactylographié ; que, si Mme A... produit une attestation du président du tribunal de première instance de Conakry II qui certifie avoir rendu le jugement supplétif n° 10852/2006, et justifie l'existence de ces deux versions du même jugement par l'intervention d'une coupure d'électricité, il ressort des pièces du dossier qu'ils sont tous deux revêtus du timbre fiscal, comportent des sceaux différents et ne contiennent pas les mêmes dispositifs de transcription ; que ces incohérences et contradictions ne sauraient s'expliquer par un éventuel dysfonctionnement de l'état civil guinéen ; que, par ailleurs, il ressort de ces jugements, qu'ils ont été rendus sur le fondement des dispositions de l'article 193 du code civil guinéen, qui prévoit qu'en cas de déclaration de naissance tardive, l'officier de l'état civil ne peut la relater dans ses registres qu'en vertu d'un jugement rendu par la juridiction compétente de la région dans laquelle est né l'enfant, alors que Mme A... explique le recours à une décision juridictionnelle en raison de la destruction des registres d'état civil du lieu de naissance de l'enfant par un incendie, circonstance au demeurant non établie par les pièces du dossier ; que, par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en considérant que la multiplicité et la contradiction des documents d'état civil produits démontraient, dans les circonstances de l'espèce, leur caractère apocryphe et ne permettaient pas de tenir pour établi le lien de filiation entre Mme B... et MlleA... ;

8. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... n'a justifié de l'envoi d'argent par mandats au profit de Mlle A...qu'à compter de la date d'introduction de la demande de visa, les trois mandats plus anciens qu'elle produit étant adressés à des tiers ; que Mme B... ne justifie pas, lors de ses déplacements en Guinée où elle conserve de la famille, avoir séjourné avec l'enfant ; que les attestations provenant de proches, peu circonstanciées, les certificats de scolarité et les photographies de l'enfant ou encore les cartes téléphoniques ne permettent pas, dans ces conditions, d'établir le lien de filiation entre Mme B... et MlleA... ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'en l'absence de lien de filiation établi entre Mme B... et l'enfant, la requérante ne peut soutenir que la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou méconnaitrait les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2014, où siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2014.

Le rapporteur,

M-P. ALLIO-ROUSSEAU

Le président,

B. ISELIN

Le greffier,

C. GOY

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N° 13NT00937


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00937
Date de la décision : 18/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. Entrée en France. Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-18;13nt00937 ?
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