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24/04/2014 | FRANCE | N°13NT02884

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 24 avril 2014, 13NT02884


Vu la requête, enregistrée le 11 octobre 2013, présentée pour la société anonyme sportive professionnelle (SAPS) Football Club de Nantes, dont le siège est centre sportif La Jonelière, à La Chapelle-sur-Erdre (44240), prise en la personne de son président par Me Marsaudon, avocat au barreau de Paris ; le Football Club de Nantes demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-5244 du 9 août 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que soit prononcée la récusation du Dr A..., désigné par une ordonnance du président du tr

ibunal en date du 11 avril 2011 en vue de procéder à une expertise médical...

Vu la requête, enregistrée le 11 octobre 2013, présentée pour la société anonyme sportive professionnelle (SAPS) Football Club de Nantes, dont le siège est centre sportif La Jonelière, à La Chapelle-sur-Erdre (44240), prise en la personne de son président par Me Marsaudon, avocat au barreau de Paris ; le Football Club de Nantes demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-5244 du 9 août 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que soit prononcée la récusation du Dr A..., désigné par une ordonnance du président du tribunal en date du 11 avril 2011 en vue de procéder à une expertise médicale sur la capacité d'un de ses joueurs, M. D..., à pratiquer le football professionnel, et à ce que soit ordonné son remplacement par un autre expert ;

2°) de prononcer la récusation du Dr A...et de désigner un autre expert aux fins de remplir sa mission ;

elle soutient que :

- les opérations d'expertise ont mis en évidence le défaut d'impartialité manifeste et l'inimitié notoire de l'expert envers le club, son expert amiable et ses conseils ; qu'en effet, le docteurA..., désigné par le président du tribunal, a engagé devant le conseil départemental de l'ordre des médecins une procédure à l'encontre du professeur Rodineau, spécialiste reconnu de la traumatologie du sport et expert amiable du club ;

- que l'expert a annoncé ab initio que les conclusions du sapiteur choisi par lui confirmeraient sa propre analyse ;

- qu'en ne relevant pas les carences du dossier médical transmis par le joueur concerné,

notamment en matière d'imagerie, qui ont pourtant été dénoncées par les experts amiables et le sapiteur lui-même, l'expert a agi dans des circonstances de nature à mettre sérieusement en doute son impartialité dans les opérations d'expertise en cours ;

- que le comportement partial de l'expert a également trouvé son expression au cours de l'instance introduite par le FC Nantes devant le tribunal aux fins de sa récusation ; qu'il a fait observer que cette demande serait uniquement motivée par la volonté du FC Nantes de prolonger le sursis ordonné par le conseil des prud'hommes de Nantes, saisi par le joueur ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 décembre 2013, présenté pour M. C... D... par Me Palao, avocat au barreau d'Avignon, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SASP Football Club de Nantes la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient :

- que la requête est irrecevable car aucun appel n'est possible sur le jugement refusant une récusation d'expert ; que le rejet par le tribunal de la demande de récusation de l'expert a eu pour effet de mettre fin aux effets du second alinéa de l'article R. 621-6-2 du code de justice administrative ; que l'expert a ainsi poursuivi les opérations d'expertise prescrites et déposé son rapport définitif le 27 septembre 2013 ; que la demande de récusation n'a plus d'objet ;

- que la demande de récusation du FC Nantes était en outre manifestement tardive ; qu'elle devait intervenir soit avant le début des opérations d'expertise, c'est-à-dire avant le 8 juin 2011, date du premier débat contradictoire, soit avant la révélation de la cause de récusation d'" inimitié " notoire invoquée ;

- qu'à supposer qu'elle existe, l'inimitié à l'endroit d'un expert amiable de l'une des parties n'est pas un motif de récusation prévu par les textes ;

- que la demande de récusation est dépourvue de fondement ; qu'en réalité, le FC Nantes n'apporte aucune démonstration d'une quelconque inimitié notoire à son endroit et ne cherche qu'à repousser l'échéance de la décision définitive du juge du fond ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 janvier 2014, présenté pour M. B... A... qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir :

- qu'il a déposé son rapport le 23 septembre 2013, de sorte que la requête est dépourvue d'objet ;

- qu'il n'a aucun lien avec les parties ; que les documents et dossiers fournis étaient suffisants pour se faire une opinion ; qu'il a respecté le débat contradictoire entre les parties ;

- que le sapiteur qu'il s'est adjoint est également un expert et a fait preuve de la même objectivité que lui ;

- que la partialité que lui impute le club FC Nantes à son égard n'est en rien démontrée

et présente un caractère insultant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2014 :

- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Palao, avocat de M. D... ;

1. Considérant qu'une expertise médicale a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nantes dans le cadre du litige opposant la SASP Football Club de Nantes au ministre chargé du travail, lequel, par une décision en date du 22 décembre 2010, avait déclaré M. C... D..., joueur professionnel, apte à la pratique du football professionnel ; que le DrA..., médecin, a été désigné comme expert par le juge des référés de ce tribunal, en vertu d'une ordonnance du 11 avril 2011 ; que la SASP Football Club de Nantes a, le 1er juillet 2013, demandé à cette juridiction la récusation du DrA..., lequel n'y a pas acquiescé ; qu'elle relève appel du jugement du 9 août 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que soit prononcée la récusation de ce médecin et à ce que soit désigné un autre expert ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 721-1 du code de justice administrative : " La récusation d'un membre de la juridiction est prononcée, à la demande d'une partie, s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité. " ; que, selon les dispositions de l'article R. 621-6 du même code : " Les experts ou sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges (...) La partie qui entend récuser l'expert ou le sapiteur doit le faire avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de la récusation. Si l'expert ou le sapiteur s'estime récusable, il doit immédiatement le déclarer au président de la juridiction (...) " ; que l'article R. 621-6-4 du même code dispose, par ailleurs, que : " Si l'expert acquiesce à la demande de récusation, il est aussitôt remplacé. / Dans le cas contraire, la juridiction, par une décision non motivée, se prononce sur la demande, après audience publique dont l'expert et les parties sont avertis (...) " ;

Sur l'exception de non-lieu :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-6-2 du code de justice administrative : " Le greffier en chef, ou, au Conseil d'Etat, le secrétaire du contentieux, communique à l'expert copie de la demande de récusation dont il est l'objet. Dès qu'il a communication de cette demande, l'expert doit s'abstenir de toute opération jusqu'à ce qu'il y ait été statué " ; que si le rejet par le tribunal de la demande de récusation de l'expert a conduit ce dernier à poursuivre les opérations d'expertise prescrites et à déposer son rapport définitif le 27 septembre 2013, cette circonstance n'a pas, contrairement à ce que fait valoir M. D..., privé d'objet la requête de la SASP du FC Nantes alors que la décision contestée, qui n'est pas définitive du fait du présent recours, est susceptible de produire des effets relativement aux constatations et conclusions retenues par l'expert ;

Sur le caractère tardif de la demande de récusation :

4. Considérant que si le docteurA..., expert désigné par le juge des référés du tribunal, a saisi le conseil départemental de l'ordre des médecins d'un différend l'opposant au professeur Radineau, expert que le FC Nantes s'était adjoint au cours des opérations d'expertise, et ce, à la suite de la production par ce dernier d'une note qui visait à mettre en évidence, selon lui, le manque de sérieux de ces opérations, le FC Nantes n'a été informé de cette saisine, comme d'ailleurs des propos critiques tenus par le docteur A...à l'encontre du professeur Radineau, qu'à la suite de la réception, le 7 juin 2013, du rapport du docteur Rougereau, sapiteur, qui était intégré dans le pré-rapport de l'expert ; que la demande de récusation de l'expert adressée par le club au tribunal administratif le 1er juillet 2013 doit dans ces conditions être regardée comme ayant été présentée dès la révélation de la cause de récusation au sens des dispositions précitées de l'article R. 621-6 du code de justice administrative ;

Sur le bien-fondé de la demande de récusation :

5. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code de justice administrative que la récusation d'un expert ne peut être prononcée que s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité ; qu'il appartient au juge, saisi d'un moyen mettant en doute l'impartialité d'un expert, de rechercher si, eu égard à leur nature, à leur intensité, à leur date et à leur durée, les relations directes ou indirectes entre cet expert et l'une ou plusieurs des parties au litige sont de nature à susciter un doute sur son impartialité ; qu'en particulier, doivent en principe être regardées comme suscitant un tel doute les relations professionnelles s'étant nouées ou poursuivies durant la période de l'expertise ;

6. Considérant, d'une part, que, contrairement à ce qui est allégué à nouveau en appel par la SASP FC Nantes, aucun élément du dossier ne permet d'estimer que le rapport établi le 23 mai 2013 par le docteur Rougereau en qualité de sapiteur aurait été " corrigé " par l'expert désigné, le docteur A...lorsqu'il a adressé son second pré-rapport le 7 juin 2013 ; que l'impartialité de ce dernier ne saurait ainsi sérieusement être mise en cause de ce fait ; que, d'autre part, les circonstances à nouveau invoquées en appel par la SASP Football Club de Nantes tenant à la saisine évoquée au point 4. du conseil départemental de l'ordre des médecins par M. A... en raison des termes du rapport amiable rédigé par le médecin expert du FC Nantes qui le mettait sévèrement en cause ne sont pas de nature à faire suspecter l'impartialité de l'expert judiciaire ; que, par ailleurs, l'argumentation relative à la pertinence des rapports et pré-rapports de l'expert ou du sapiteur quant à l'aptitude physique de M. D... pour jouer des matchs de Ligue 1 et aux prétendues carences du dossier médical du joueur, qui feraient obstacle à ce qu'un avis médical éclairé ait pu être donné, enfin au caractère prétendument non contradictoire des opérations d'expertise, allégations au demeurant en tout point démenties par les pièces du dossier, ne saurait être utilement présentée dans le cadre d'une demande de récusation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SASP Football Club de Nantes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à la récusation de M. A... en qualité d'expert ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la SASP Football Club de Nantes le versement à M. D... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SASP Football Club de Nantes est rejetée.

Article 2 : La SASP Football Club de Nantes versera la somme de 1 500 euros à M. D... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SASP Football Club de Nantes, à M. C... D..., à M. B... A... et au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2014, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 avril 2014.

Le rapporteur,

O. COIFFET

Le président,

I. PERROT Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT028842


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02884
Date de la décision : 24/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : MARSAUDON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-24;13nt02884 ?
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