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25/04/2014 | FRANCE | N°13NT00232

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 25 avril 2014, 13NT00232


Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 2013, présentée pour la SARL Hardouin Père et fils, dont le siège social est situé route de Fontevraud à Souzay-Champigny (49400), par Me C... ; la société Hardouin Père et fils demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 28 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser à la commune de Montreuil-Bellay une indemnité de 85 501,56 euros en réparation des désordres affectant les travaux de revêtement de voies publiques réalisés sur son territoire ;

2°) de

rejeter la demande présentée par la commune de Montreuil-Bellay devant le tribunal ...

Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 2013, présentée pour la SARL Hardouin Père et fils, dont le siège social est situé route de Fontevraud à Souzay-Champigny (49400), par Me C... ; la société Hardouin Père et fils demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 28 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser à la commune de Montreuil-Bellay une indemnité de 85 501,56 euros en réparation des désordres affectant les travaux de revêtement de voies publiques réalisés sur son territoire ;

2°) de rejeter la demande présentée par la commune de Montreuil-Bellay devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) à titre subsidiaire, de limiter à 17 632,74 euros le montant de l'indemnité due à la commune de Montreuil-Bellay ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Montreuil-Bellay le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'ordre de réaliser les travaux de revêtement à une période de l'année où les températures étaient trop basses pour permettre une prise correcte du matériau mis en oeuvre ayant été donné par les services techniques de la commune agissant en qualité de maître d'oeuvre, les désordres ne sont pas susceptibles d'engager sa responsabilité ;

- le concepteur de ce matériau, qui était représenté lors de sa livraison, n'a émis aucune

réserve à la réalisation des travaux en hiver ;

- le nid de poule ayant fait l'objet de réserves, qui a été traité de manière satisfaisante en avril 2008, ainsi qu'un second nid de poule également traité, ne peuvent pas fonder la condamnation prononcée par le tribunal ;

- le devis qu'elle a établi et auquel le tribunal s'est référé ne porte pas sur la réfection des désordres mais sur le revêtement dont la commune souhaitait initialement la réalisation et qui n'est pas celui qu'elle a finalement commandé ;

- le tribunal administratif a omis de statuer sur sa demande tendant à un partage de responsabilité alors que, dans le cadre de la garantie de parfait achèvement, un constructeur doit seulement supporter la charge des dommages dont il est responsable ;

- à titre subsidiaire, sa part de responsabilité doit être limitée à 20 % ainsi que l'a estimé l'expert, compte tenu, d'une part, des fautes commises par la commune qui a choisi un revêtement inadapté à l'usage envisagé, d'autre part de l'ordre donné par son service technique de réaliser les travaux à une période de l'année où les températures étaient trop basses et enfin, du mauvais conseil de choix du matériau donné par son concepteur, la société Esportec ;

- elle n'était tenue d'aucune obligation de conseil sur les caractéristiques et l'entretien du revêtement et d'aucune obligation de surveillance et de suivi du chantier ;

- la commune ne peut se prévaloir de la non-conformité du revêtement au cahier des clauses techniques particulières (CCTP) qu'elle a elle-même rédigé ; dans le cadre d'un recours engagé devant le juge judiciaire contre la société Esportec, elle soutient que le préjudice trouve exclusivement sa cause dans la mise en oeuvre d'un procédé inadapté à ses besoins, proposé par cette société ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2013, présenté pour la commune de Montreuil-Bellay, représentée par MeB... ; la commune de Montreuil-Bellay demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de la SARL Hardouin Père et fils le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- les réserves ne portant pas seulement sur les nids de poule mais également sur les rejets de gravillon, ce second désordre est de nature à engager la responsabilité de la requérante au titre de la garantie de parfait achèvement ;

- la requérante n'a pas fourni le revêtement prévu par le CCTP ; elle a manqué à son obligation de conseil en ne signalant pas le caractère inadapté de ce revêtement ; elle a effectué les travaux à une période de l'année où les températures étaient trop basses ;

- les désordres ne trouvent pas leur cause dans le caractère inadapté du revêtement mais

dans ses conditions de pose ;

- seule la responsabilité de l'entrepreneur peut être mise en oeuvre dans le cadre de la garantie de parfait achèvement ce qui prive ce dernier de la possibilité d'invoquer une faute exonératoire du maître d'oeuvre ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 mai 2013, présenté pour la société Esportec Eco-Industriel, représentée par MeD... ; la société Esportec Eco-Industriel demande à la cour :

1°) de prononcer sa mise hors de cause ;

2°) de mettre à la charge de toute partie succombante le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- les conclusions de la requête ne sont pas dirigées contre elle ;

- en sa qualité de fournisseur de la SARL Hardouin Père et fils, un litige entre les deux sociétés relèverait de la compétence de la juridiction judiciaire ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 mars 2014, présenté pour la SARL Hardouin Père et fils, qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2014 :

- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bezie, avocat de la commune de Montreuil-Bellay ;

1. Considérant que, par un marché passé le 8 septembre 2006, la commune de Montreuil-Bellay a confié la réalisation des travaux de réfection du sol de la place des Ormeaux et des allées du Jardin botanique à la SARL Hardouin Père et fils, sous la maîtrise d'oeuvre de son service technique ; que les désordres caractérisés par des rejets de gravillons et de poussières et la formation d'un premier " nid de poule " constatés au moment de la réception des travaux, dont la date d'effet a été fixée au 24 janvier 2007, ayant donné lieu à des réserves qui n'ont pas été ultérieurement levées, la commune a recherché la responsabilité de la société sur le terrain de la garantie de parfait achèvement ; que, par un jugement du 28 novembre 2012 dont elle relève appel, la SARL Hardouin Père et fils a été condamnée à verser à la commune une indemnité d'un montant de 85 501,56 euros ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le tribunal administratif a condamné la SARL Hardouin Père et fils à réparer l'intégralité du coût de réfection du revêtement de la place des Ormeaux sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, sans examiner le moyen invoqué en défense tiré du caractère exonératoire des fautes commises par le maître d'ouvrage, le maître d'oeuvre et le fournisseur du matériau utilisé, la société Esportec, qui n'était pas inopérant ; que l'insuffisance de motivation dont le jugement se trouve ainsi entaché le rend irrégulier ; qu'il doit, dès lors, être annulé ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par la commune de Montreuil-Bellay devant le tribunal administratif de Nantes ;

Sur la responsabilité :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 44.1 du CCAG-Travaux alors applicable : " Délai de garantie : / (...) Pendant le délai de garantie (...), l'entrepreneur est tenu à une obligation dite " obligation de parfait achèvement " au titre de laquelle il doit : (...) b) Remédier à tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage ou le maître d'oeuvre (...). / Les dépenses correspondant aux travaux supplémentaires prescrits par le maître de l'ouvrage ou le maître d'oeuvre (...) ne sont à la charge de l'entrepreneur que si la cause de ces déficiences lui est imputable. " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que les désordres affectant le sol de la place des Ormeaux trouvent à la fois leur cause dans le caractère inadapté du revêtement choisi par la commune, compte tenu de l'utilisation de la place pour l'organisation hebdomadaire d'un marché ou comme parc de stationnement, et dans la réalisation des travaux à une période de l'année où le faible niveau des températures a nui à la prise du matériau mis en oeuvre ; que si le vice de conception de l'ouvrage est exclusivement imputable à la commune, en sa double qualité de maître de l'ouvrage et de maître d'oeuvre, la décision de commencer les travaux le 6 novembre 2006, qui a été prise par ce dernier par un ordre de service du 15 septembre 2006, n'a pas été contestée par la SARL Hardouin Père et fils alors qu'elle ne pouvait ignorer la mise en garde que contenait la fiche technique annexée au CCTP rédigé par le maître d'oeuvre, en ce qui concerne les conditions climatiques d'utilisation du matériau ; qu'ainsi, la société requérante et les services techniques de la commune ont tous deux concouru à la réalisation des travaux dans des conditions climatiques ayant contribué à l'apparition des désordres ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité de la SARL Hardouin Père et fils en la fixant à 25 % ;

6. Considérant que l'expert a évalué à 85 501,56 euros le coût de réfection du revêtement de la place des Ormeaux et estimé qu'il n'était pas nécessaire de refaire le revêtement des allées du Jardin botanique, ce que les parties ne contestent pas ; que la circonstance que cette évaluation est fondée sur le remplacement du revêtement mis en oeuvre par un revêtement d'un autre type, en raison de l'erreur de choix initialement commise par la commune, n'est pas utilement invoquée par la SARL Hardouin Père et fils dont la condamnation est limitée à sa part de responsabilité dans la mauvaise exécution des travaux ; qu'en outre, si le remplacement de la totalité du revêtement prive d'utilité le comblement de deux nids de poule dont l'un avait fait l'objet de réserves lors de la réception des travaux, il ne résulte pas de l'instruction que le coût de ces travaux de réparation, réalisés en avril 2008 par les services techniques de la commune, a été mis à la charge de la société requérante ; qu'il y a lieu, dès lors, de fixer le montant de l'indemnité due par cette dernière à la commune de Montreuil-Bellay à la somme de 21 375,39 euros, représentant 25 % de leur coût ;

Sur les frais d'expertise :

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais d'expertise d'un montant total de 12 319 euros HT à la charge définitive de la SARL Hardouin Père et fils à hauteur de 3 079,75 euros et à la charge définitive de la commune de Montreuil-Bellay à hauteur de 9 239,25 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Montreuil-Bellay le versement à la SARL Hardouin Père et fils de la somme de 1 500 euros qu'elle demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SARL Hardouin Père et fils, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la commune de Montreuil-Bellay demande sur le même fondement ; qu'elles font également obstacle à ce que soit mis à la charge de ces deux parties, qui n'ont présenté aucune conclusion à l'encontre de la société Esportec-Eco-Industriel la somme que cette dernière demande sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 novembre 2012 est annulé.

Article 2 : La SARL Hardouin Père et fils est condamnée à verser à la commune de Montreuil-Bellay une indemnité de 21 375,39 euros.

Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge définitive de la SARL Hardouin Père et fils à hauteur de 3 079,75 euros et à la charge définitive de la commune de Montreuil-Bellay à hauteur de 9 239,25 euros.

Article 4 : La commune de Montreuil-Bellay versera à la SARL Hardouin Père et fils la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus de la requête de la SARL Hardouin Père et fils et les conclusions de la commune de Montreuil-Bellay et de la société Esportec Eco-Industriel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Hardouin Père et fils, à la commune de Montreuil-Bellay et à la société Esportec Eco-Industriel.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 avril 2014.

Le rapporteur,

S. AUBERTLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT00232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00232
Date de la décision : 25/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : JUSTICE-ESPENAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-25;13nt00232 ?
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