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30/04/2014 | FRANCE | N°13NT02028

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 30 avril 2014, 13NT02028


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2013, présentée pour M. A... B... et Mme D... E...épouseB..., demeurant..., par Me Bourdon, avocat au barreau de Paris ; M. et Mme B... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1106690, 1106692 du 13 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 10 novembre 2010 par lesquelles le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté leurs demandes de naturalisation ;

2°) d'annuler, pour e

xcès de pouvoir, ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la s...

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2013, présentée pour M. A... B... et Mme D... E...épouseB..., demeurant..., par Me Bourdon, avocat au barreau de Paris ; M. et Mme B... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1106690, 1106692 du 13 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 10 novembre 2010 par lesquelles le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté leurs demandes de naturalisation ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- les décisions sont insuffisamment motivées, le ministre ne se fonde sur aucune considération de fait ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que le ministre n'avait pas commis d'erreur de fait ou d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le ministre ne produit aucun élément de preuve pouvant attester de la réalité de l'allégeance de M. B... envers les autorités ukrainiennes ;

- il conteste avoir effectué son service militaire au sein du KGB, avoir tenu les propos attribués par la note du 30 juillet 2010 ; les seules relations entretenues avec l'Ambassade d'Ukraine sont culturelles ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- le moyen tiré du défaut de motivation devra être écarté par adoption des motifs des premiers juges, les décisions étant suffisamment motivées ;

- le motif des décisions contestées est fondé sur les éléments de la note du 30 juillet 2010, d'une valeur probante suffisante ;

- les seules allégations des requérants n'étaient pas de nature à convaincre le tribunal, en l'absence de production d'éléments précis et circonstanciés ;

- la note précitée a été débattue dans le cadre d'une instruction contradictoire ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme sera donc écarté ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 février 2014, présenté pour M. et Mme B..., qui maintiennent leurs conclusions précédentes, par les mêmes moyens, et demandent en outre à la cour d'enjoindre au ministre de réexaminer leurs demandes de naturalisation dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

ils soutiennent que : les décisions contestées sont exclusivement motivées en référence à l'entretien du 17 novembre 2009, qui n'a fait l'objet d'aucun procès-verbal signé ni versé au dossier, et qui n'est rapporté que de manière indirecte par la note du 30 juillet 2010 ; en conséquence, il y a lieu d'ordonner la communication du compte rendu de cet entretien ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié, relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2014 :

- le rapport de M. Iselin, président-rapporteur ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- et les observations de Me C..., substituant Me Bourdon, avocat de M. et Mme B... ;

1. Considérant que M. et Mme B..., de nationalité ukrainienne, relèvent appel du jugement du 13 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire du 10 novembre 2010 rejetant leurs demandes de naturalisation ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 49 du décret du 30 décembre 1993 alors applicable : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

3. Considérant que, pour rejeter les demandes de naturalisation présentées par M. et Mme B..., le ministre s'est fondé sur les relations que M. B... entretiendrait avec l'ambassade d'Ukraine à Paris et sur son allégeance envers les autorités diplomatiques ukrainiennes, incompatible avec l'acquisition de la nationalité française ;

4. Considérant que selon les termes de la note de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur du 30 juillet 2010, M. B... aurait déclaré lors d'un entretien qui s'est déroulé le 17 novembre 2009 avec les services de police spécialisés, avoir une relation amicale avec l'attachée culturelle de l'ambassade d'Ukraine, qu'il aurait éludé les autres questions relatives à ses relations au sein de l'ambassade et affirmé son attachement en toutes circonstances à son pays d'origine ; que M. B... conteste les éléments retenus dans cette note du ministre de l'intérieur et les propos qu'il aurait tenus lors de l'entretien, dont le procès-verbal n'a pas été produit en dépit de la demande en ce sens adressée par la cour, et reconnaît, sans être contredit, avoir rencontré la compagne d'un des chanteurs de son groupe de chants et musique slaves, qui était la directrice du centre culturel d'Ukraine en France ; que les énonciations de cette note qui se bornent à faire référence à des relations entretenues avec des membres de l'ambassade d'Ukraine et aux propres dénégations de l'intéressé, sont dépourvues de toute précision et insuffisamment circonstanciées pour permettre de regarder les faits mentionnés comme constitutifs de l'allégeance de M. B... envers les autorités ukrainiennes ; qu'ainsi en se fondant sur ce motif pour rejeter la demande de M. B... et en opposant à Mme B... le fait qu'en raison de la communauté de vie entre ces époux depuis 1989, cette dernière ne pouvait ignorer les faits imputables à son mari, le ministre a entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer les demandes de naturalisation de M. et Mme B... dans un délai de trois mois à compter de sa notification ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 13 mai 2013 du tribunal administratif de Nantes et les décisions du 10 novembre 2010 du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de naturalisation de M. et Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et Mme D... E... épouse B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 avril 2014.

Le président-assesseur,

J.-F. MILLET

Le président-rapporteur,

B. ISELIN Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02028
Date de la décision : 30/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Bernard ISELIN
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : BOURDON, VOITURIEZ et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-30;13nt02028 ?
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