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06/06/2014 | FRANCE | N°13NT02792

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 juin 2014, 13NT02792


Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2013, présentée pour M. C... D..., demeurant..., par Me B... ; M. D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300764 du 31 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 décembre 2012 du préfet d'Indre-et-Loire portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

2°) de prononcer un non lieu ou, à défaut, d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui

délivrer une carte de séjour sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter...

Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2013, présentée pour M. C... D..., demeurant..., par Me B... ; M. D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300764 du 31 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 décembre 2012 du préfet d'Indre-et-Loire portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

2°) de prononcer un non lieu ou, à défaut, d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

il soutient que :

- il n'y a plus lieu à statuer dès lors que la décision du 12 décembre 2012 a été annulée par celle du 19 avril 2013 du préfet rejetant son recours gracieux ;

- le préfet aurait du saisir la commission du titre de séjour ;

- il devait bénéficier de l'admission au séjour puisqu'il a séjourné dix ans en France même si dans le cadre de son activité saisonnière, il est retourné pour de courtes périodes dans son pays d'origine ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans les conséquences de son refus qui l'amène à une situation de précarité et il subit les conséquences du non-respect par son employeur de ses obligations légales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 21 janvier 2014 au préfet d'Indre-et-Loire, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2014, présenté par le préfet d'Indre-et-Loire, qui conclut au rejet de la requête ;

le préfet fait valoir que :

- le requérant ne peut se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, laquelle est dépourvue de toute valeur réglementaire alors que sa demande était fondée exclusivement au vu de cette circulaire ;

- il n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour dès lors que M. D... ne remplissait pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour vie privée et familiale et qu'il a été muni d'une carte de séjour temporaire en tant que travailleur saisonnier ;

- la requête est sans objet dans la mesure où le requérant disposait d'un titre en cours de validité jusqu'au 7 octobre 2013 ; par conséquent le courrier du 12 décembre 2012 ne peut être regardé comme un refus de titre ; en outre la circulaire du 28 novembre 2012 ne concerne que les étrangers en situation irrégulière ;

- la décision contestée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où il a estimé que le recours gracieux du requérant pouvait être regardé comme une demande de changement de statut mais qu'il est apparu que l'employeur de M. D... ne respectait pas les règles du droit de travail et de protection sociale notamment vis à vis de ses employés ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 30 septembre 2013, admettant M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2014 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

1. Considérant que, le 3 décembre 2012, M. D..., ressortissant marocain déjà titulaire d'une carte de séjour temporaire en qualité de " travailleur saisonnier " délivrée le 8 octobre 2010 et valable jusqu'au 7 octobre 2013, a sollicité auprès du préfet d'Indre-et-Loire, par l'intermédiaire de son conseil, la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il a allégué vivre et travailler en France depuis plus de dix ans comme saisonnier dans le secteur maraicher ; que, par courrier du 12 décembre 2012, le préfet a refusé de faire droit à sa demande ; que le recours gracieux formé le 9 janvier 2013 par M. D... a été rejeté le 19 avril 2013 par le préfet ; que le ministre de l'intérieur a rejeté le 2 août 2013 son recours hiérarchique introduit le 6 mai 2013 ; que M. D... relève appel du jugement du 31 juillet 2013 du tribunal administratif d'Orléans qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 décembre 2012 ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que la décision du 19 avril 2013 rejetant le recours gracieux du requérant n'a pu se substituer, en raison de son objet, à celle du 12 décembre 2012 dès lors que si dans sa demande initiale il se bornait à invoquer la durée de sa présence en France pour solliciter la régularisation de sa situation, les arguments développés à l'appui de son recours gracieux avaient trait à la délivrance d'une carte de séjour temporaire en tant que salarié ; qu'il devait, par conséquent, être regardé comme introduisant une nouvelle demande d'admission au séjour sur un fondement juridique différent, ce qu'a d'ailleurs explicitement reconnu le préfet qui l'a assimilée à une demande de changement de statut et a saisi la DIRECCTE pour instruction ; que, dans ces conditions, l'intervention de la décision du 19 avril 2013 ne peut être regardée comme ayant privé d'objet la contestation de la décision du 12 décembre 2012 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : (...) 4° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail saisonnier entrant dans les prévisions du 3° de l'article L. 122-1-1 du code du travail et qui s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France. Cette carte lui permet d'exercer des travaux saisonniers n'excédant pas six mois sur douze mois consécutifs. Par dérogation aux articles L. 311-2 et L. 313-1 du présent code, elle est accordée pour une durée maximale de trois ans renouvelable. Elle donne à son titulaire le droit de séjourner en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de six mois par an. Les modalités permettant à l'autorité administrative de s'assurer du respect, par le titulaire de cette carte, des durées maximales autorisées de séjour en France et d'exercice d'une activité professionnelle sont fixées par décret. Elle porte la mention "travailleur saisonnier" " ; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que la durée pendant laquelle un étranger peut occuper un ou plusieurs emplois saisonniers ne peut excéder six mois par an, d'autre part qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 il appartient à l'autorité administrative de vérifier si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels ;

4. Considérant que M. D... soutient qu'il a été titulaire de contrats saisonniers en qualité de travailleur agricole depuis 2001 et que cette situation justifie son admission exceptionnelle au séjour dès lors qu'il réside sur le territoire français depuis plus de dix ans nonobstant de brefs retours dans son pays d'origine ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a bénéficié de manière discontinue de contrats d'une durée de 6 mois régulièrement visés par l'autorité administrative pour les années 2001, 2003, 2006, 2007 et 2010 ; que les fiches de salaires concernant la période comprise entre le 15 juillet 2002 et le 30 septembre 2002 ne démontrent qu'une présence ponctuelle pour l'année 2002 et qu'il est constant que son séjour en France a été interrompu pour les années 2004, 2005, 2008 et 2009 où il ne prouve pas avoir exercé l'activité de maraicher saisonnier ; qu'il reconnait enfin être retourné au Maroc au terme des ses précédents engagements et ne se prévaut d'aucun lien personnel ou familial en France ; qu'il ne peut invoquer la circulaire du 28 novembre 2012, qui est dépourvue de tout caractère réglementaire, alors qu'au surplus sa situation ne répondait pas aux critères qu'elle énonce ; que, dans ces conditions, alors même que M. D... aurait très récemment et brièvement travaillé pour un employeur méconnaissant délibérément les règles du code du travail, le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'aucun motif exceptionnel ou considération humanitaire n'était de nature à justifier son admission au séjour sur le fondement des dispositions précitées ; que, pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

5. Considérant que dès lors que M. D... ne justifie pas d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, le moyen tiré du vice de procédure tenant à l'absence de saisine de la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la

requête de M. D..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de M. D... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera délivrée au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juin 2014.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. A...

La république mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02792


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02792
Date de la décision : 06/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : MOYSAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-06-06;13nt02792 ?
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