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25/09/2014 | FRANCE | N°13NT00433

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 25 septembre 2014, 13NT00433


Vu la requête, enregistrée le 11 février 2013, présentée pour Mme A... B... demeurant ... par Me Nicole, avocat ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201294 du 7 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 avril 2012 par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section du Calvados a autorisé la société Ondulys Industrie à procéder à son licenciement pour inaptitude physique ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la société

Ondulys Industrie le versement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions...

Vu la requête, enregistrée le 11 février 2013, présentée pour Mme A... B... demeurant ... par Me Nicole, avocat ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201294 du 7 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 avril 2012 par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section du Calvados a autorisé la société Ondulys Industrie à procéder à son licenciement pour inaptitude physique ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la société Ondulys Industrie le versement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'avis du médecin du travail en date du 8 février 2012 a été émis dans des conditions irrégulières faute d'un premier avis du 24 janvier 2012 régulier compte-tenu de l'exigence d'une double visite se prononçant à chaque fois explicitement sur l'inaptitude ;

- l'inspecteur du travail aurait dû vérifier si son licenciement ne trouvait pas son origine, comme elle en justifie, dans un harcèlement moral imputable à son employeur et ne pas autoriser, par suite, son licenciement dès lors qu'il repose sur un motif entaché de nullité ;

- l'employeur n'a pas satisfait à ses obligations de reclassement ; il devait effectuer de nouvelles recherches après que l'inspecteur du travail eût substitué le 10 avril 2012 son appréciation à celle du médecin du travail et faire porter ses recherches sur l'ensemble des sociétés du groupe VPK dont dépend la société Ondulys Industrie ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2013, présenté pour la société Ondulys Industrie par Me Lamoril, avocat ; elle conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme B... le versement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'inaptitude physique de Mme B... a été régulièrement constatée ;

- l'inspecteur du travail n'avait pas à contrôler les causes de l'inaptitude ;

- la société a procédé à une recherche réelle et sérieuse de reclassement ; deux postes ont été proposés à Mme B... ; Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle devait procéder à de nouvelles recherches après l'appréciation de l'inspecteur du travail du 10 avril 2012 dès lors que cette appréciation doit être considérée comme ayant été portée à la date du 8 février 2012 ; de plus, l'appréciation de l'inspecteur est plus restrictive que celle du médecin du travail puisque cet inspecteur a estimé que Mme B... ne pouvait occuper aucun poste au sein de l'ensemble des sociétés Ondulys ; par ailleurs la recherche a porté sur l'ensemble des postes disponibles du groupe ;

- le licenciement de Mme B... repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- celle-ci n'établit aucun fait laissant présumer un harcèlement moral qui lui serait imputable ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 février 2014, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; il conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- le moyen tiré du caractère irrégulier de l'avis du médecin du travail est inopérant, la décision de l'inspecteur du travail en date du 10 avril 2012 s'y étant substituée ;

- le moyen tiré du non-respect de l'obligation de reclassement constitue une demande nouvelle en appel et par suite irrecevable ;

- l'employeur a satisfait en tout état de cause à son obligation ; Mme B... a refusé les deux propositions faites par la société ;

- l'inspecteur du travail n'a pas à contrôler les causes de l'inaptitude ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 11 avril 2014, présenté pour Mme B... ; elle conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins que la requête ; elle soutient en outre que le moyen tiré du non-respect par l'employeur de ses obligations en matière de recherche de reclassement est recevable ;

Vu l'ordonnance du 27 mai 2014 fixant la clôture de l'instruction au 30 juin 2014 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 2014 :

- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,

- et les observations de Me Lamoril, avocat représentant la société Ondulys Industrie ;

1. Considérant que le médecin du travail ayant, à l'issue de deux visites médicales de reprise, estimé le 8 février 2012 que Mme B..., directrice des ressources humaines au sein de la société Ondulys Industrie, était inapte à occuper son poste, celle-ci a contesté l'avis de ce médecin devant l'inspecteur du travail ; que le 10 avril 2012, cet inspecteur a, après avis du médecin inspecteur régional du travail, annulé cet avis, déclaré Mme B... "inapte à son poste de DRH de l'entreprise Ondulys située à Lisieux" et indiqué que "aucun autre poste ni aucune autre tâche ne pouvaient être proposés à celle-ci au sein des sociétés Ondulys" ; que Mme B... étant conseillère prud'homale depuis le 3 décembre 2008, la société Ondulys Industrie a demandé le 23 mars 2012 à l'inspection du travail l'autorisation de la licencier pour inaptitude physique ; que Mme B... relève appel du jugement du 7 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'autorisation de licenciement accordée par l'inspecteur du travail le 20 avril 2012 ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : "Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail" ; qu'aux termes de l'article L. 4624-1 du même code : "Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail" ; qu'aux termes de l'article R. 4624-21 du même code : "Le salarié bénéficie d'un examen de reprise de travail par le médecin du travail : (...) 4° Après une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel ; 5° En cas d'absences répétées pour raisons de santé" ; qu'aux termes de l'article R. 4624-2 de ce code : "L'examen de reprise a pour objet d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures. Cet examen a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours" ; qu'aux termes de l'article R. 4624-23 de ce code : "En vue de faciliter la recherche des mesures nécessaires, lorsqu'une modification de l'aptitude au travail est prévisible, un examen médical de préreprise préalable à la reprise du travail peut être sollicité à l'initiative du salarié, du médecin traitant ou du médecin conseil des organismes de sécurité sociale, préalablement à la reprise du travail. L'avis du médecin du travail est sollicité à nouveau lors de la reprise effective de l'activité professionnelle" ; qu'aux termes enfin de l'article R. 4624-31 de ce code : "Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé : 1° Une étude de ce poste ; 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires" ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l'inspecteur du travail, saisi par l'une des parties, de se prononcer définitivement sur cette aptitude et que son appréciation, qu'elle soit confirmative ou infirmative de l'avis du médecin du travail, doit être regardée comme portée dès la date à laquelle cet avis a été émis ;

3. Considérant, d'autre part, qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé ; que la circonstance que l'avis du médecin du travail, auquel il incombe de se prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ou à exercer d'autres tâches existantes, déclare le salarié protégé " inapte à tout emploi dans l'entreprise " ne dispense pas l'employeur, qui connaît les possibilités d'aménagement de l'entreprise et peut solliciter le groupe auquel, le cas échéant, celle-ci appartient, de rechercher toute possibilité de reclassement dans l'entreprise ou au sein du groupe, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations des postes de travail ou aménagement du temps de travail ;

4. Considérant qu'en l'espèce, la décision de l'inspecteur du travail du 10 avril 2012 ayant eu pour effet de se substituer à l'avis émis par le médecin du travail le 8 février 2012, l'employeur de Mme B... était tenu de rechercher s'il était possible de procéder au reclassement de celle-ci conformément aux préconisations que l'inspecteur du travail a formulées le 10 avril 2012 et non à celles de l'avis du médecin du travail du 8 février 2012 ; que l'inspecteur du travail ayant estimé que Mme B... était non seulement inapte à son poste de directrice des ressources humaines de l'entreprise Ondulys située à Lisieux mais également qu'aucun "poste ni autre tâche" ne pouvaient lui être proposés au sein des sociétés Ondulys, l'employeur était tenu de procéder à une nouvelle recherche de reclassement dans l'entreprise ou au sein du groupe, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations des postes de travail ou aménagement du temps de travail ; qu'en se bornant à maintenir les deux propositions d'emploi sur le site de Lisieux offertes à Mme B..., par courrier du 13 février 2012, l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement en conformité avec les préconisations émises par l'inspecteur du travail lesquelles excluaient tout reclassement au sein des sociétés Ondulys ; que la société n'est en conséquence pas fondée à se prévaloir du maintien de ces offres ainsi que du refus de Mme B... d'y donner suite ; que l'employeur n'établit pas avoir effectué cette nouvelle recherche sur le site de Lisieux, non plus au cas où celle-ci se serait révélée infructueuse, au sein de l'ensemble des sociétés du groupe VPK-Ondulys dont fait partie la société Ondulys Industrie, notamment en ce qui concerne les sites VPK ; que Mme B..., qui, contrairement à ce que soutient le ministre, est recevable à soulever pour la première fois en appel ce moyen dès lors qu'il repose sur la même cause juridique que les moyens de légalité interne soulevés en première instance, est fondée à soutenir que son employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Ondulys Industrie demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Ondulys Industrie le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 7 décembre 2012 et la décision du 20 avril 2012 par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section du Calvados a autorisé la société Ondulys Industrie à procéder au licenciement de Mme A... B...pour inaptitude physique sont annulés.

Article 2 : La société Ondulys Industrie versera à Mme B... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Ondulys Industrie tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à la société Ondulys Industrie et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 septembre 2014.

Le rapporteur,

F. ETIENVRE Le président,

F. BATAILLE

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT00433


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00433
Date de la décision : 25/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : SELARL VINCHANT LAMORIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-09-25;13nt00433 ?
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