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28/11/2014 | FRANCE | N°13NT02103

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 28 novembre 2014, 13NT02103


Vu la requête enregistrée le 19 juillet 2013, présentée pour Mme B... A..., demeurant..., par Me Martoux, avocat ; Mme A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102126 du 14 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 avril 2011 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du 16 septembre 2010 par laquelle le consul général de France à Abidjan a refusé de délivrer un visa de long séjour à E... F... et G...

F... ;
2°) d'annuler cette décision et celle du consulat général de Fr...

Vu la requête enregistrée le 19 juillet 2013, présentée pour Mme B... A..., demeurant..., par Me Martoux, avocat ; Mme A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102126 du 14 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 avril 2011 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du 16 septembre 2010 par laquelle le consul général de France à Abidjan a refusé de délivrer un visa de long séjour à E... F... et G... F... ;
2°) d'annuler cette décision et celle du consulat général de France à Abidjan ;
3°) d'enjoindre au consul général de France à Abidjan de délivrer un visa de long séjour à E... F... et G... F..., sous astreinte de 800 euros par mois de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle apporte la preuve que les rectifications apportées à l'acte de naissance de son fils, E... F..., l'ont été par le tribunal de première instance d'Abidjan, ce que le tribunal administratif de Versailles a constaté dans son jugement du 13 avril 2010, et que son lien de filiation avec G... F... est établi ;
- la décision du consul général de France n'est pas motivée en ce qui concerne le refus opposé à G... F... ;
- la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 des articles 3 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu le jugement attaqué et la décision contestée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
il fait valoir que :
- la décision contestée n'est entachée ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation dès lors que les documents produits par la requérante présentent des contradictions et anomalies révélant une tentative de fraude à l'état civil, que le caractère tardif de l'établissement des jugements supplétifs leur ôte toute force probante, que les enfants possédaient nécessairement des actes de naissance pour être scolarisés, que les ratures et rectifications manuscrites constatées sur le jugement supplétif concernant E... est contraire au code civil ivoirien, que les jugements supplétifs ont fait l'objet de transcription un jour de fermeture des centres d'état-civil, et que la décision de rectification du 26 octobre 2006, alors que le jugement supplétif du 24 octobre 2006 comprenait déjà ces modifications, prouve que les documents sont faux, qu'aucun élément n'atteste de l'existence d'une relation entre la requérante et les enfants, ni de ce que la requérante, qui a attendu onze ans avant de demander le regroupement familial, participerait à leur éducation ou à leur entretien, que la circonstance que la requérante envoie des mandats est sans incidence sur la caractère frauduleux des actes produits :
- en l'absence de lien de filiation, les moyens tirés de la méconnaissance les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 des articles 3 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2014 :
- le rapport de Mme Piltant, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme A..., ressortissante ivoirienne naturalisée par décret du 16 janvier 2012, est entrée en France en 1995 et a demandé le 12 décembre 2006 à faire venir auprès d'elle les enfants G... F..., né le 17 mai 1989, et E... F..., né le 26 juin 1991, dont elle dit être la mère, au titre de la procédure de regroupement familial ; que, toutefois, le consul de France à Abidjan a opposé le 16 septembre 2010 un refus à la demande de visa présentée par la requérante au nom de ces deux enfants ; que ce refus a été confirmé le 14 avril 2011 par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que Mme A... relève appel du jugement du 14 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de visa ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision consulaire :
2. Considérant que la décision de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, prise en vertu des dispositions des articles D. 211-5 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'est substituée au refus initial opposé par les autorités consulaires ; que, par suite, les conclusions tendant à l'annulation de la décision consulaire sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
3. Considérant que, lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle a été saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public, au nombre desquels figure l'absence de caractère probant des actes d'état civil produits ; qu'il revient à l'administration, si elle allègue ces motifs, d'établir la fraude de nature à justifier légalement le refus de visa ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;
5. Considérant que, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision consulaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le caractère frauduleux des actes d'état-civil produits par la requérante ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que des extraits de jugements supplétifs d'actes de naissance n° 350 et n° 352 en date du 10 octobre 2002 rendus par le tribunal de première instance d'Abidjan, section d'Aboisso (Côte d'Ivoire), ont été établis pour G... F... et pour E... F... respectivement treize ans et onze ans après leur naissance, pour tenir lieu d'actes de naissance ; que le ministre soutient, sans être contredit sur ce point, que l'entrée en scolarité en Côte d'Ivoire nécessite la présentation d'un acte de naissance ; que, dès lors, le caractère tardif de ces jugements est de nature à créer un doute sur leur authenticité ; qu'en outre, ces jugements supplétifs ont fait l'objet d'une transcription le 22 décembre 2002, sous les numéros 478 et 479, un dimanche, jour où les centres d'état civil sont fermés en Côte d'Ivoire ; que s'agissant d'E... F..., l'extrait de jugement supplétif d'acte de naissance présente des ratures et des rectifications manuscrites en méconnaissance de l'article 78 du code civil ivoirien ; que si la requérante produit une " décision de rectification administrative " du 26 octobre 2006 de l'acte de naissance d'E... F..., qui vise le jugement supplétif du 22 décembre 2002 et rectifie, sur la copie intégrale d'acte de naissance d'E..., la date et le lieu de naissance de la requérante pour les mettre en cohérence avec son propre acte de naissance, le ministre soutient, sans être utilement contredit, que la copie intégrale de l'extrait de jugement supplétif délivré le 24 octobre 2006, soit deux jours plus tôt, comportant déjà les modifications précitées, rendait inutile la décision du 26 octobre 2006 ; que ces incohérences et irrégularités sont de nature à remettre en cause la valeur probante des pièces d'état civil produites et ne permettent d'établir ni l'identité, ni le lien de filiation entre la requérante et G... et E... F... ; que la circonstance que Mme A... justifie avoir envoyé régulièrement des mandats au cours des années 2006 à 2012 à G... F... et le versement au dossier de la délégation volontaire des droits de la puissance paternelle et l'autorisation parentale signée par le père des enfants faisant référence toutes deux aux actes de naissance 478 et 479 du 22 décembre 2002 dont l'authenticité est contestée ne suffisent pas à établir les liens de filiation allégués ; qu'il en résulte que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que les actes produits étaient frauduleux et que le lien de filiation entre la requérante et les enfants G... et E... F... n'étaient pas établis ;
7. Considérant qu'en l'absence de preuve de l'existence d'un lien de filiation entre la requérante et ses enfants allégués, la décision contestée n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du paragraphe 1 de l'article 3 et de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au consul général de France à Abidjan de délivrer un visa de long séjour à G... F... et E... F... ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge del'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme A... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président,- M. Francfort, président-assesseur,- Mme Piltant, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 novembre 2014.
Le rapporteur,

Ch. PILTANT Le président,

H. LENOIRLe greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''''''''N° 13NT021032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02103
Date de la décision : 28/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Christine PILTANT
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : MARTOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-11-28;13nt02103 ?
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