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11/12/2014 | FRANCE | N°13NT02012

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 11 décembre 2014, 13NT02012


Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2013, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) Biogazelec dont le siège est chez Samfi Invest, rue du Poirier, à Carpiquet (14650), par Mes Le Goff et Mear, avocats ; la SAS Biogazelec demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 1200327 du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 ainsi que de l'intérêt de retard dont ces

rappels ont été assortis ;

2°) de prononcer la décharge de ces rappels et d...

Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2013, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) Biogazelec dont le siège est chez Samfi Invest, rue du Poirier, à Carpiquet (14650), par Mes Le Goff et Mear, avocats ; la SAS Biogazelec demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 1200327 du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 ainsi que de l'intérêt de retard dont ces rappels ont été assortis ;

2°) de prononcer la décharge de ces rappels et de cet intérêt ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la société Euro Power Technology lui a adressé, tout d'abord, deux factures, l'une de 734 440 euros hors taxe et l'autre de 769 420 euros hors taxe, puis deux factures d'avoir de même montant ; elle a déduit la taxe afférente aux deux factures initiales à la date du paiement de celles-ci dès lors qu'elles portaient sur des prestations de services ;

- si elle n'a pas porté la taxe figurant sur les factures d'avoir sur une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée, c'est parce que, s'agissant d'opérations de prestation de services, la remise en cause de la déductibilité de la taxe ne pouvait intervenir, en vertu du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, que lors du reversement du montant des factures initiales par la société Euro Power Technology ; or, en dépit de l'émission des factures d'avoir, ce reversement n'a pas eu lieu ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget ; le ministre demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 1200327 du 7 mai 2013, par lesquels le tribunal administratif de Caen a, d'une part, déchargé la SAS Biogazelec de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts, et d'autre part, mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

3°) de remettre à la charge de cette société cette majoration ;

le ministre soutient que :

- les deux factures dont il s'agit avaient trait à la livraison " clé en main " de centrales de valorisation électrique du biogaz ; au cours du mois durant lequel la requérante a eu connaissance de la rectification apportée à ces factures, celle-ci aurait dû, en application du 3 du II de l'article 271 du code général des impôts, apporter une rectification correspondante dans ses déductions de taxe sur la valeur ajoutée ;

- au demeurant, si la requérante soutient que ces rectifications ne devaient, s'agissant de prestations de services, être effectuées qu'après reversement du prix et non dès réception des factures d'avoir, elle n'établit pas que les factures initiales portaient sur des prestations de services ni ne démontre que le prix ne lui a pas été reversé ;

- le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ne permet pas de s'affranchir des dispositions du code général des impôts relatives à la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée en présence d'opérations annulées ou résiliées ;

- la requérante a manqué, de manière délibérée, à ses obligations fiscales dès lors, premièrement, que l'achat des deux centrales de valorisation électrique du biogaz constituait la seule opération réalisée depuis sa création, deuxièmement, qu'elle était intégrée à un groupe disposant de services comptables et juridiques qui ne pouvaient ignorer que les dispositions du 3 du II de l'article 271 du code général des impôts trouvaient à s'appliquer, et troisièmement, que des liens capitalistiques l'unissaient à la société ayant émis les factures litigieuses ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 janvier 2014, présenté pour la SAS Biogazelec qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

elle soutient en outre que :

- en l'absence de reversement du prix figurant sur les factures initiales, les factures d'avoir qui lui ont été adressées présentaient un caractère fictif ;

- il résulte des dispositions combinées de l'article 271 et de l'article 272 du code général des impôts que ce n'est que lorsque le client a reçu une facture d'avoir et obtenu reversement du prix figurant sur la facture initiale qu'il est tenu de régulariser la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur cette dernière ; s'il procédait à une régularisation avant que ces deux conditions soient réunies, celle-ci interviendrait avant que le fournisseur puisse justifier auprès de l'administration de la réalité de l'annulation ou de la résiliation de la facture initiale ;

- d'après la documentation de base 3D1211, l'annulation est constatée à la date où, après avoir passé commande et versé des acomptes, le client qui ne donne pas suite à cette commande se fait rembourser ses versements, tandis que la résiliation est constatée à la date où les parties sont replacées dans la situation antérieure à la réalisation de l'opération ; au cas particulier, la société Euro Power Technology n'a ni annulé ni résilié l'opération de montage des centrales de valorisation du biogaz ;

- l'omission déclarative qui lui est reprochée n'a pas le caractère d'un manquement délibéré dès lors qu'elle n'a pas été répétée ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 mars 2014, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 mars 2014, présenté pour la SAS Biogazelec qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2014 :

- le rapport de M. Jouno, premier conseiller,

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant que la société par actions simplifiée (SAS) Biogazelec a fait l'objet, en 2010, d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 18 mai 2005 au 30 juin 2009 ; qu'à l'issue de cette vérification, l'administration lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 et a assorti ces rappels de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; que le tribunal administratif de Caen a, par jugement du 7 mai 2013, déchargé la SAS Biogazelec de cette majoration, a mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et a rejeté les autres conclusions qui lui étaient présentées, lesquelles tendaient à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de l'intérêt de retard ; que la SAS Biogazelec demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ces dernières conclusions ; que, par la voie de l'appel incident, le ministre demande d'annuler ce même jugement en tant qu'il a déchargé la SAS Biogazelec de la majoration dont il s'agit et mis une somme à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) II. (...) / 3. Lorsque ces factures ou ces documents font l'objet d'une rectification, les redevables doivent apporter les rectifications correspondantes dans leurs déductions et les mentionner sur la déclaration qu'ils souscrivent au titre du mois au cours duquel ils ont eu connaissance de cette rectification. (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 272 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliés ou annulés (...) / L'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte du 1 de l'article 272 du code général des impôts que, lorsqu'une opération imposable à la taxe sur la valeur ajoutée a été annulée ou résiliée, la personne qui devait la réaliser doit, si elle entend bénéficier de l'imputation ou de la restitution de la taxe ayant grevé cette opération, justifier, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale ; qu'il résulte du 3 du II de l'article 271 du même code que, s'il a déduit la taxe figurant sur cette facture initiale, le client, assujetti à la taxe, doit, pour sa part, la reverser au titre du mois durant lequel il a pris connaissance de cette rectification, laquelle lui révèle l'annulation ou la résiliation de l'opération ; que sont sans incidence sur cette obligation tant la nature de l'opération annulée ou résiliée que, le cas échéant, le reversement tardif du prix de celle-ci ;

4. Considérant, d'autre part, que le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ne s'oppose pas à l'obligation que le 3 du II de l'article 271 du code général des impôts fait peser sur le destinataire d'une facture rectificative annulant une opération imposable ; que cette obligation, qui s'applique dans des conditions analogues à celles suivant lesquelles l'émetteur d'une telle facture rectificative peut jouir du droit à imputation ou restitution prévu par le 1 de l'article 272 du code général des impôts, participe au contraire de la mise en oeuvre de ce principe ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Euro Power Technology a émis, le 10 mars 2006, deux factures, l'une d'un montant de 734 440 euros hors taxe et l'autre d'un montant de 769 420 euros hors taxe ; qu'elle a annulé cette vente en adressant à la SAS Biogazelec, le 17 juillet 2006, deux factures d'avoir de même montant que les factures initiales ; qu'il n'est pas contesté que ces factures d'avoir, qui mentionnaient explicitement, outre les références des factures initiales, la taxe devant être régularisée, ont été reçues par la SAS Biogazelec ; que, dans ces conditions, la SAS Biogazelec, qui avait déduit la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures du 10 mars 2006, était, contrairement à ce qu'elle prétend, tenue de la reverser, quand bien même le prix figurant sur les factures initiales ne lui aurait pas été remboursé par la société Euro Power Technology ;

En ce qui concerne l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...). " ;

7. Considérant que la documentation de base 3D1211 (n° 37) prévoit que, pour l'application du 1 de l'article 272 du code général des impôts, une opération doit être regardée annulée, à la date où, après avoir passé commande et versé des acomptes, l'acheteur, qui ne donne pas suite à cette commande, se fait rembourser ses versements, et résiliée, à la date où les parties sont replacées dans la situation antérieure à la réalisation de l'opération ; que la SAS Biogazelec ne peut pas utilement se prévaloir de ces prévisions dès lors qu'elles se rapportent à un texte fiscal autre que celui qui a été appliqué ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Biogazelec n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus de la demande qui lui était soumise ;

Sur l'appel incident :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;

10. Considérant que la SAS Biogazelec a, certes, omis de reverser la taxe mentionnée sur les deux factures d'avoir mentionnées au point 5 alors qu'elle avait connaissance de ces factures d'avoir ; que, toutefois, en se bornant à souligner, d'une part, que les opérations auxquelles se rapportaient ces factures étaient les seules jamais réalisées par la SAS Biogazelec, à faire état, d'autre part, de l'existence de services comptables et juridiques au sein du groupe dont cette société relevait, et à invoquer enfin les liens capitalistiques entretenus avec la société Euro Power Technology, l'administration ne justifie pas de ce que cette omission, portant sur des droits importants mais circonscrite au cas de deux factures, présentait un caractère délibéré ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a, par l'article 1er du jugement attaqué, déchargé la SAS Biogazelec de la pénalité de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts, et relevant que l'Etat avait partiellement succombé, a, par l'article 2 du même jugement, mis à sa charge une somme au titre des frais non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que la SAS Biogazelec demande au titre des frais non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par la SAS Biogazelec est rejetée.

Article 2 : Le recours incident du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Biogazelec et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 décembre 2014.

Le rapporteur,

T. JOUNO Le président,

F. BATAILLE

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02012


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02012
Date de la décision : 11/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : MEAR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-11;13nt02012 ?
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