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12/12/2014 | FRANCE | N°14NT00619

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 12 décembre 2014, 14NT00619


Vu la requête, enregistrée 10 mars 2014, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Emmanuelle Da Costa, avocat au barreau de Paris ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 13-8037 du 9 janvier 2014 par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Sarthe du 4 septembre 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et fixant un pays vers lequel il peut être légalement éloigné ; >
2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui ...

Vu la requête, enregistrée 10 mars 2014, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Emmanuelle Da Costa, avocat au barreau de Paris ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 13-8037 du 9 janvier 2014 par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Sarthe du 4 septembre 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et fixant un pays vers lequel il peut être légalement éloigné ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- sa demande devant le tribunal respectait les dispositions spéciales de l'article R. 776-12 du code de justice administrative et elle ne pouvait donc être rejetée pour tardiveté en application des dispositions générales de l'article R. 222-1 du même code ;

- l'arrêté contesté du 4 septembre 2013 est insuffisamment motivé, notamment en ce qui concerne son parcours en France et sa situation personnelle ;

- le préfet a commis une erreur de droit en lui refusant la délivrance d'un titre sur le fondement du 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;

- le préfet a également méconnu les dispositions du 7° du même article ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ne prenant pas en compte son droit au respect de sa vie privée et familiale, et a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation particulière ;

- sa formation professionnelle justifiait aussi l'octroi d'un titre avec mention " salarié " en application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de titre, en tant qu'elle méconnaît elle-même les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et en tant qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre et de celle de l'obligation de quitter le territoire français ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2014, présenté par le préfet de la Sarthe, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que :

- la demande de première instance, qui ne contenait pas l'exposé des moyens requis par l'article R. 411-1 du code de justice administrative, était irrecevable ;

- la décision de refus de séjour est suffisamment motivée, de même que la décision fixant le pays de renvoi ; l'obligation de quitter le territoire n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte ;

- M. A... ne remplit pas les conditions posées par le 2 bis de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de cet article ;

- la décision contestée ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les parents, frères et soeurs de M. A... vivent dans son pays d'origine et qu'il ne dispose pas de famille biologique en France ;

- il n'est pas démontré par le requérant qu'il encourrait des risques personnels pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine ;

Vu le mémoire enregistré le 15 novembre 2014, présenté pour M. A..., qui persiste dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2014 :

- le rapport de M. Pouget, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;

- et les observations de Me Da Costa, avocat de M. A... ;

1. Considérant que M. A..., de nationalité pakistanaise, relève appel de l'ordonnance du 9 janvier 2014 par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Sarthe du 4 septembre 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et fixant un pays vers lequel il pourra être légalement éloigné ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours (...) " ; que selon les termes de l'article R. 776-2 du même code : " I. Conformément aux dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 776-1 du code de justice administrative : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues au I de l'article L. 511-1 et à l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français (...) / 4° Les décisions fixant le pays de renvoi prévues à l'article L. 513-3 du même code (...) " ; que l'article R. 776-12 du même code dispose : " Lorsqu'une requête sommaire mentionne l'intention du requérant de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au greffe du tribunal administratif dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si ce délai n'est pas respecté, le requérant est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Il est donné acte de ce désistement. " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui a introduit à l'encontre de l'une des décisions visées à l'article R. 776-1 du code de justice administrative une requête sommaire mentionnant son intention de présenter un mémoire complémentaire peut toujours régulariser sa requête dans le délai de quinze jours prévu à l'article R. 776-12, alors même que le délai de recours à l'encontre de cette décision serait venu à expiration ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du préfet de la Sarthe du 4 septembre 2013, qui portait mention des voies et délais de recours, a été notifié le 14 septembre 2013 à M. A... ; que la demande de ce dernier tendant à l'annulation de cet arrêté a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes le 12 octobre 2013 en la forme d'une requête sommaire mentionnant son intention de présenter un mémoire complémentaire dans de brefs délais ; que le mémoire complémentaire ainsi annoncé a été produit par M. A... le 26 octobre 2013, soit avant l'expiration du délai de quinze jours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 776-12 du code de justice administrative, et contenait notamment l'exposé des moyens exigé par les dispositions de l'article R. 411-1 précité du même code ; que dès lors, en rejetant la demande de M. A... comme manifestement irrecevable en application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative au motif que l'exposé des moyens avait été produit après l'expiration du délai de recours, le juge de première instance a entaché sa décision d'irrégularité ; que, par suite, l'ordonnance attaquée du 9 janvier 2014 doit être annulée ;

5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2° bis : A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.(...) " ; que selon l'article L. 313-15 du même code : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. " ;

7. Considérant que M. A..., né le 20 avril 1995, est entré en France en juillet 2010 et a été confié aux services d'aide sociale à l'enfance à compter du 8 février 2011, à l'âge de quinze ans ; que, par conséquent, sa situation au regard de la condition d'âge posée par les deux textes précités ne relève pas du champ d'application des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais de celles du 2° bis de l'article L. 313-11 du même code ;

8. Considérant, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... a suivi des cours intensifs de langue française dès le 18 février 2011 et bénéficie depuis sa majorité d'un contrat jeune majeur personnalisé conclu avec les services de l'aide sociale à l'enfance du département de Paris ; qu'il a été scolarisé au lycée professionnel Notre Dame du Château de Vaux au cours de l'année scolaire 2011/2012 ; qu'à la date de l'arrêté litigieux, il était inscrit pour l'année 2013/2014 en 2ème année de certificat d'aptitude professionnelle (CAP) option peintre applicateur de revêtement bâtiment ; qu'il résulte de l'ensemble de ses bulletins scolaires trimestriels et de l'avis de la structure l'accueillant que M. A... est un très bon élève, sérieux, motivé et bien inséré ; qu'en outre les évaluations des stages qu'il a effectués en milieu professionnel sont très favorables ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, qui a quitté seul le Pakistan à l'âge de quinze ans et est hébergé depuis en famille d'accueil, aurait conservé un contact effectif avec les membres de sa famille demeurés dans son pays d'origine ; qu'ainsi, M. A... remplit les conditions prévues par les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 pour bénéficier d'un titre de séjour de plein droit, et le préfet de la Sarthe ne pouvait légalement lui en refuser la délivrance ;

9. Considérant que l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi prises à l'encontre de M. A... doivent être annulées en conséquence de l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, sur laquelle elles se fondent ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa demande, que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Sarthe du 4 septembre 2013 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

12. Considérant que le présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique que le préfet de la Sarthe délivre à M. A... une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes du 9 janvier 2014 et l'arrêté du préfet de la Sarthe du 4 septembre 2013 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Sarthe de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. François, premier conseiller,

- M. Pouget, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2014.

Le rapporteur,

L. POUGET Le président,

A. PÉREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00619


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00619
Date de la décision : 12/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Procédure - Introduction de l'instance - Formes de la requête - Obligation de motiver la requête.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : DA COSTA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-12;14nt00619 ?
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