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18/12/2014 | FRANCE | N°14NT01402

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 décembre 2014, 14NT01402


Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2014, complétée le 21 juillet 2014, présentée pour M. et Mme B...C..., agissant tant en leur nom propre qu'en qualité d'administrateurs légaux de leur fille D...C..., demeurant..., par Me Gosselin, avocat au barreau de Rennes ; M. et Mme C... demandent à la cour :

1°) de réformer l'ordonnance n°1302987 du 16 mai 2014 par laquelle le président du tribunal administratif de Rennes, juge des référés, n'a que partiellement fait droit à leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional et universitaire de Rennes à le

ur verser une provision à valoir sur l'indemnisation définitive des préju...

Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2014, complétée le 21 juillet 2014, présentée pour M. et Mme B...C..., agissant tant en leur nom propre qu'en qualité d'administrateurs légaux de leur fille D...C..., demeurant..., par Me Gosselin, avocat au barreau de Rennes ; M. et Mme C... demandent à la cour :

1°) de réformer l'ordonnance n°1302987 du 16 mai 2014 par laquelle le président du tribunal administratif de Rennes, juge des référés, n'a que partiellement fait droit à leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional et universitaire de Rennes à leur verser une provision à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices qu'ils ont subis à raison des soins dispensés à leur enfant dans cet établissement ;

2°) de condamner le centre hospitalier régional et universitaire de Rennes à leur verser les sommes provisionnelles de 5 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral et de 70 000 euros à leur fille D...en raison de ses préjudices propres ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional et universitaire de Rennes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent :

- que l'expert désigné par le tribunal administratif de Rennes a retenu un retard fautif de deux jours dans le diagnostic de surinfection de la varicelle dont était atteinte leur fille et que ce retard est à l'origine d'une perte de chance à hauteur de 80 % d'éviter les conséquences graves qui ont suivi ; que l'obligation du centre hospitalier universitaire de Rennes de réparer les préjudices qu'ils ont subis du fait de cette faute n'est pas sérieusement contestable ;

- que contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés, ils sont fondés à obtenir la réparation de l'intégralité de leurs préjudices qui sont entièrement imputables au centre hospitalier régional et universitaire de Rennes ;

- que, compte tenu des répercussions morales et des incidences sur leur vie de famille et professionnelle, ils sont fondés à obtenir la somme de 5 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral ;

- que leur enfantD..., qui a vécu plusieurs interventions chirurgicales destinées à exciser la nécrose musculaire et pratiquer des greffes de peau, a subi un déficit fonctionnel temporaire total de 26 jours, un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % de 17 jours puis, pendant six mois, des souffrances évaluées à 4 sur une échelle de 7 et un préjudice esthétique temporaire de 2 sur une échelle de 7 ; que la gravité de ces atteintes justifie qu'une somme provisionnelle de 70 000 euros leur soit accordée en attendant la consolidation de l'état de santé de l'enfant ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2014, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Rennes, représenté par son directeur général, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir :

- qu'il existe un doute sérieux sur le lien de causalité entre la faute retenue par l'expert et le préjudice de l'enfant, et sur l'étendue de la perte de chance occasionnée par le retard de diagnostic de la varicelle ;

- que le préjudice indemnisable à titre provisionnel n'a pas été sous-évalué par le juge des référés du tribunal ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 novembre 2014, présenté pour M. et Mme C... qui concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre :

- que les moyens de défense invoqués par le centre hospitalier régional et universitaire de Rennes mêlent le principe de la créance et la part de préjudice susceptible d'être mise à sa charge ; qu'en discutant du lien de causalité, le centre hospitalier admet le principe de son obligation provisionnelle ;

- qu'à la suite d'une consultation dans un centre hospitalier parisien le 12 novembre 2014 il est apparu que l'état de santé de Pimprennelle du fait des conséquences de la faute en litige va nécessiter une chirurgie réparatrice planifiée sur une période de quatre mois, un suivi psychologique pour se préparer à cette épreuve, ainsi que des séances de kinésithérapie ; que tous ces soins auront un retentissement important sur l'organisation de la vie de famille ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2014 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me Gosselin, avocat de M. et Mme C... ;

1. Considérant que M. et Mme C... relèvent appel de l'ordonnance du 16 mai 2014 par laquelle le président du tribunal administratif de Rennes, juge des référés, n'a que partiellement fait droit à leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional et universitaire de Rennes à leur verser la somme provisionnelle totale de 80 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices subis du fait du retard commis par cet établissement à diagnostiquer la varicelle surinfectée dont leur fille était atteinte ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable... " ;

Sur le caractère non contestable de l'obligation du centre hospitalier régional et universitaire de Rennes :

3. Considérant que la responsabilité pour faute du centre hospitalier régional et universitaire de Rennes à raison de ses carences dans le diagnostic de varicelle nécrosante lors de la prise en charge le 2 août 2009 de D...C...n'est pas contestée par les parties ; qu'il n'est pas davantage contesté que le retard de deux jours pour administrer à l'enfant un traitement antibiotique adapté à sa pathologie lui a fait perdre une chance d'éviter les complications de la pathologie dont elle était atteinte ; que, par suite, l'obligation à la charge du centre hospitalier régional et universitaire de Rennes n'est pas sérieusement contestable ;

Sur le montant de la provision demandée par M. et Mme C... :

4. Considérant que, dans le cas qui est celui de l'espèce d'un retard de diagnostic, le préjudice qui doit être réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'établissement de santé ne peut ainsi correspondre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, à la totalité des préjudices subis par eux et leur enfant mais seulement à la fraction de ces préjudices résultant directement de la faute commise par le centre hospitalier régional et universitaire de Rennes et déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; qu'il résulte de l'instruction que le taux de perte de chance certaine d'éviter la survenue et l'aggravation d'une fasciite nécrosante a été évalué à 80 % par l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Rennes et arrêté à 50 % par le médecin-conseil de l'assureur du centre hospitalier universitaire de Rennes ; qu'ainsi, en l'état de l'instruction, M. et Mme C... ne peuvent prétendre à une provision correspondant à 100 % des dommages qu'ils estiment avoir subis ; qu'eu égard par ailleurs à l'existence d'une varicelle déjà sérieuse et présentant deux lésions nécrotiques dès l'admission de l'enfant aux urgences le 2 août 2009 et aux incertitudes exprimées par les experts quant à la possibilité pour l'enfant d'échapper à toute séquelle même en l'absence de faute, le juge des référés n'a, en fixant à 50 % la part non contestable du dommage corporel de la jeune D...devant être indemnisée à titre provisionnel par le centre hospitalier régional et universitaire de Rennes, pas fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'enfant D...C...a subi, du fait des conséquences des complications de sa varicelle nécrosante, plusieurs interventions chirurgicales à l'origine d'un déficit fonctionnel temporaire total de 26 jours d'hospitalisation du 4 août 2009 au 30 août 2009, puis d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % d'une durée de 17 jours entre le 31 août 2009 et le 16 septembre 2009, enfin d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 10 % pour une durée de 6 mois du 17 septembre 2009 au 8 mars 2010 ; que les souffrances endurées ont été évaluées à 4 sur une échelle de 1 à 7 et le préjudice esthétique temporaire à 2 sur une échelle de 1 à 7 ; que l'état de santé de D...n'est pas consolidé ; que c'est, par suite, par une juste appréciation des préjudices personnels déjà connus de la jeuneD..., et compte tenu d'un taux de perte de chance provisoirement évalué, que le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a condamné le centre hospitalier régional et universitaire de Rennes à verser à M. et Mme C... une provision de 4 152 euros au titre du préjudice subi par leur enfant ainsi qu'une provision de 800 euros à chacun d'eux au titre de leur préjudice moral ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes n'a pas accueilli la totalité de leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C..., au centre hospitalier régional et universitaire de Rennes et à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2014 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 décembre 2014.

Le rapporteur,

F. LEMOINE

Le président,

I. PERROT Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01402
Date de la décision : 18/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : GOSSELIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-18;14nt01402 ?
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