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19/12/2014 | FRANCE | N°14NT00500

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 décembre 2014, 14NT00500


Vu la requête, enregistrée le 26 février 2014, présentée pour M. E... B..., demeurant au..., par MeA... ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2013 du préfet d'Indre-et-Loire portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer le récépissé prévu par les dispos

itions de l'article 17 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ainsi qu'un titre de s...

Vu la requête, enregistrée le 26 février 2014, présentée pour M. E... B..., demeurant au..., par MeA... ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2013 du préfet d'Indre-et-Loire portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer le récépissé prévu par les dispositions de l'article 17 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ainsi qu'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou mention " salarié " ou, à défaut, de réexaminer sa situation après lui avoir lui délivré une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

il soutient que :

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'incompétence ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ; il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, a bénéficié d'un contrat jeune majeur jusqu'au 3 décembre 2012 et sa scolarité a été exemplaire ; il a fait plusieurs stages en entreprise et suivi une formation professionnelle qui a été interrompue du fait de la décision contestée ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il ne remplissait pas la condition de six mois de formation professionnelle exigée par les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a été scolarisé dans un collège, un lycée horticole puis à l'AFPA ;

- un certificat médical établit qu'il souffre d'un syndrome post traumatique sévère ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il était toujours pris en charge par l'aide sociale à l'enfance au moment où il a présenté sa demande de titre de séjour et en formation au moment où l'arrêté contesté a été pris ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ; il est dépourvu d'attaches en République Démocratique du Congo où ses père, mère et frère sont certainement décédés ;

- sa demande de titre de séjour étant fondée sur les 2° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur l'article L. 313-15 du même code, le préfet a commis une erreur de droit en n'examinant pas tous les cas possibles de délivrance d'un titre de séjour d'une durée d'un an ;

- le nouvel article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la délivrance d'un titre de séjour aux jeunes majeurs se trouvant dans sa situation ;

- le préfet pouvait procéder à sa régularisation sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne pouvait pas se fonder sur l'absence d'attaches familiales en France ;

- son retour en République Démocratique du Congo aurait des conséquences d'un exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle, eu égard à ses efforts d'intégration en France ; en outre sa vie y serait menacée compte tenu de l'assassinat de son père dans ce pays ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée ;

- son père ayant été assassiné, elle lui fait encourir des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2014, présenté par le préfet d'Indre-et-Loire qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- la requête, qui est une reproduction littérale des écritures de première instance, est irrecevable ;

- la décision portant refus de titre de séjour est suffisamment motivée ; il a procédé à un examen attentif de la situation du requérant ; la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à être motivée ;

- il n'avait pas à examiner d'office les droits éventuels du requérant à un titre de séjour autre que celui qui était demandé ;

- l'auteur de l'arrêté contesté disposait d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé ; ne reposant sur aucun fondement juridique, la demande a été instruite sur le fondement des dispositions des articles L. 313-15, L. 313-11 2° bis, L. 313-11 10° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; M. B... a bénéficié de plusieurs entretiens à la préfecture ;

- n'ayant pas été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans, il ne peut se prévaloir de l'article L. 313-11 2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas invoqué son état de santé et n'a pas demandé la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales ;

- n'étant pas engagé depuis au moins six mois dans une formation diplômante ni pris en charge par l'aide sociale à l'enfance à la date de la décision, il ne pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en l'absence de considérations humanitaires il ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- compte tenu de la durée de son séjour en France et de sa situation familiale, l'arrêté contesté n'est pas contraire aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni aux dispositions du 7° de l'article L. 313 -11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- M. B... n'établit pas que sa vie serait menacée en République Démocratique du Congo, pays auquel il a adressé une demande de passeport ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes du 27 mai 2014 admettant M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2014 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

1. Considérant que M. B..., ressortissant de la République Démocratique du Congo né le 2 juillet 1994 et entré en France en juillet 2010, a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département d'Indre-et-Loire du 16 août 2010 au 3 décembre 2012 ; qu'il relève appel du jugement du 30 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2013 du préfet d'Indre-et-Loire portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant que par un arrêté du 20 février 2012, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet d'Indre-et-Loire a donné à M. Christian Pouget, secrétaire général de la préfecture, délégation à l'effet de signer " (...) tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports et correspondances relevant des attributions de l'État dans le département, y compris les arrêtés et documents pris dans l'exercice des pouvoirs de police du préfet, à l'exception des réquisitions de la force armée, des arrêtés de conflit et des actes pour lesquels une délégation a été consentie à un chef de service de l 'Etat dans le département " ; que l'arrêté contesté du 13 juin 2013 a été régulièrement signé par M. Pouget, secrétaire général de la préfecture sur le fondement de cette délégation de signature ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit, dès lors, être écarté ;

3. Considérant que le refus de titre de séjour contesté, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles il est fondé, est suffisamment motivé ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. " ;

5. Considérant que M. B... a été confié par mesure contractuelle puis par mesure judiciaire et par contrat d'accueil provisoire jeune majeur aux services de l'aide sociale et à l'enfance pour la période allant du 16 août 2010 au 3 décembre 2012 et scolarisé dans un lycée horticole au cours de l'année scolaire 2011-2012 ; que, contrairement à ce qu'il soutient, le jugement attaqué ne mentionne pas qu'il n'était plus pris en charge par les services de l'aide sociale et à l'enfance à la date de sa demande de titre de séjour mais à la date du 13 juin 2013 à laquelle un refus a été opposé à cette demande ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à cette dernière date, il suivait depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, ni qu'une telle formation aurait été interrompue par la décision de refus de titre de séjour ; qu'il ressort au contraire d'attestations respectivement établies les 18 et 19 juin 2013 par l'association " Service Emploi Réinsertion " et par la mission locale de Touraine que son projet de formation au métier de canalisateur d'une durée de huit mois n'a pu débuter en mai 2013 en raison de la durée de validité de son récépissé de demande de titre de séjour ; qu'il suit de là qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas méconnu l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant que M. B..., qui relève de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur depuis la loi du 16 juin 2011 n'est pas fondé à soutenir que de nouvelles dispositions de cet article permettent à un jeune majeur se trouvant dans la même situation que lui d'obtenir un titre de séjour ;

7. Considérant que le requérant, célibataire et sans enfant, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère et son frère ; que si ses résultats ont été satisfaisants en classe de troisième au cours de l'année scolaire 2011/2012 et s'il a occupé successivement plusieurs emplois temporaires, il n'a obtenu aucun diplôme au cours de son parcours scolaire en France et ne justifie pas d'une intégration sociale particulière ; que, dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur manifeste que le préfet d'Indre-et-Loire aurait commise dans l'appréciation de sa situation personnelle et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

8. Considérant que M. B... ne justifie pas de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant que si le requérant soutient que le préfet aurait commis une erreur de droit en n'examinant pas sa demande de titre de séjour sur le fondement des 2° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'apporte aucun élément de nature à établir que sa demande de titre de séjour était également présentée sur ce fondement ; qu'il ne se prévaut pas utilement d'un certificat médical indiquant qu'il est médicalement suivi pour un syndrome post-traumatique dès lors qu'il n'est pas davantage établi qu'il aurait présenté une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui est dit au point 3 du présent arrêt que la décision de refus de titre de séjour opposée à M. B... est suffisamment motivée ; qu'en outre l'arrêté contesté vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit, dès lors, être écarté ;

11. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux indiquées au point 7 du présent arrêt, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12. Considérant que la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale ;

13. Considérant que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'ayant pas pour effet, par elle-même, de lui imposer de retourner dans son pays d'origine, M. B... n'en conteste pas utilement la légalité en invoquant la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande :

Sur le surplus des conclusions :

15. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,

- M.D..., faisant fonction de premier conseiller,

- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 décembre 2014.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

S. AUBERT

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00500


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00500
Date de la décision : 19/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme AUBERT
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP HARDY BULTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-19;14nt00500 ?
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