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03/04/2015 | FRANCE | N°13NT01355

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 03 avril 2015, 13NT01355


Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2013, présentée pour M. et Mme F...B...D..., demeurant ...et par le groupement agricole d'exploitation en commun de Créac'h Kéta, dont le siège est situé 97 chemin de Rozarglin à Quimper (29000), par Me Josselin, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005107 du 12 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation, en premier lieu, de l'arrêté du 4 juin 2010 par lequel le préfet du Finistère, d'une part, a autorisé la dérivation et le prélèvement des eaux

des rivières de Penn Al Lenn et de l'Anse de Saint-Cadou à partir des prise...

Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2013, présentée pour M. et Mme F...B...D..., demeurant ...et par le groupement agricole d'exploitation en commun de Créac'h Kéta, dont le siège est situé 97 chemin de Rozarglin à Quimper (29000), par Me Josselin, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005107 du 12 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation, en premier lieu, de l'arrêté du 4 juin 2010 par lequel le préfet du Finistère, d'une part, a autorisé la dérivation et le prélèvement des eaux des rivières de Penn Al Lenn et de l'Anse de Saint-Cadou à partir des prises d'eau de Penn al Lenn et de Créac'h Quéta situées respectivement sur le territoire des communes de Fouesnant et Pleuven, et leur utilisation pour l'alimentation en eau destinée à la consommation humaine, ainsi que la régularisation des ouvrages et installations en place, d'autre part, déclaré d'utilité publique au profit de la commune de Fouesnant la dérivation et le prélèvement par pompage des eaux des rivières de Penn al Lenn et de l'Anse de Saint-Cadou, respectivement à partir des prises d'eau de Penn al Lenn et de Créac'h Quéta, pour l'alimentation en eau destinée à la consommation humaine, ainsi que l'établissement des périmètres de protection des prises d'eau de Penn al Lenn et de Créac'h Quéta et l'institution des servitudes afférentes, et, enfin déclaré cessibles au profit de la commune de Fouesnant les terrains constituant le périmètre immédiat des prises d'eau de Penn al Lenn et de Créac'h Quéta et, en second lieu, de la décision du 7 octobre 2010 par laquelle le préfet du Finistère a rejeté leur recours gracieux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 juin 2010 et la décision du 7 octobre 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- les premiers juges ont omis de répondre à l'une des branches du moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté ;

- le jugement n'est pas suffisamment motivé quant à répondre à ce moyen ;

- le signataire de l'arrêté contesté était incompétent ;

- le jugement est également, au fond, entaché de plusieurs erreurs ;

- la production d'eau provenant de la prise d'eau de Créac'h Quéta ne répond pas à une finalité d'intérêt général, dès lors que les volumes d'eau qu'elle fournit sont inférieurs à ceux indiqués et que l'usine de Penn al Lenn n'est pas l'unique moyen de production d'eau potable de la commune de Fouesnant, qui est aussi alimenté par plusieurs captages d'eaux souterraines, alors, en outre, que l'importation d'eau du syndicat de l'Aulne peut être augmentée ;

- il existe ainsi une possibilité alternative au captage de Créac'h Quéta, même en période estivale ;

- les atteintes à la propriété privée, le coût financier de l'opération ainsi que ses autres inconvénients sont excessifs ;

- l'instauration des périmètres rapprochés P1 et P2 impactera une partie des terres exploitées par le GAEC et conduira à devoir les exploiter en prairie permanente, ce qui rendra le GAEC captif de l'exploitation laitière et lui procurera de moindres revenus qu'une exploitation céréalière ;

- le captage présente un risque de pollution en été par les rejets de la station d'épuration de Saint-Evarzec ;

- des exploitations agricoles seront mises en péril ;

- la qualité de l'eau en vue de la consommation humaine n'est aucunement garantie ;

- les atteintes à l'environnement, dont la faune et la flore, seront considérables, en conséquence de la suppression de l'étang ;

- l'opération ne présente ainsi pas un caractère d'utilité publique ;

Vu le jugement attaqué et les décisions contestées ;

Vu l'ordonnance du 15 mai 2014 fixant la clôture de l'instruction au 13 juin 2014 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2014, présenté par le ministre des affaires sociales et de la santé, qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- le jugement n'est entaché d'aucune des irrégularités alléguées ;

- le signataire de l'arrêté contesté était compétent à cet effet ;

- l'opération déclarée d'utilité publique présente un caractère d'intérêt général et son utilité publique est établie ;

- il n'est pas établi que des exploitations agricoles seraient mises en péril ;

- la suppression de l'étang sera bénéfice du point de vue écologique ;

Vu l'ordonnance du 16 juin 2014 décidant la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 juin 2014, présenté pour M. et Mme B...D...et le GAEC de Créac'h Kéta, qui concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ;

Vu le courrier en date du 6 novembre 2014 adressé aux parties en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2014, présenté pour la commune de Fouesnant par Me Prieur, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle fait valoir que :

- le jugement n'est pas irrégulier ;

- il est suffisamment motivé ;

- la prise d'eau de Créac'h Quéta présente un caractère d'intérêt général ;

- le moyen selon lequel elle pourrait être remplacée par une augmentation des importations d'eau du syndicat de l'Aulne manque en fait et est sans doute inopérant ;

- la création de nouveaux forages ne sera possible que dans plusieurs années ;

- les atteintes aux exploitations agricoles et le coût financier de l'opération ne sont pas excessifs ;

- le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté est sans fondement ;

- les atteintes alléguées à l'environnement ne sont pas établies ;

- la qualité de l'eau est bonne ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 novembre 2014, présenté pour M. et Mme B...D...et le GAEC de Créac'h Kéta, qui conclut aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ;

ils soutiennent, en outre, que le plan d'eau a été répertorié par les pompiers comme constituant une ressource utilisable en cas de lutte contre l'incendie ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 16 décembre 2014, présenté par le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 22 janvier 2015 portant clôture immédiate de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2015 :

- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- les observations de MeE..., substituant Me Josselin, avocat de M. et Mme B...D...et du GAEC de Créac'h Kéta ;

- et les observations de MeC..., substituant Me Prieur, avocat de la commune de Fouesnant ;

1. Considérant que, par un arrêté du 4 juin 2010, le préfet du Finistère a autorisé la commune de Fouesnant à prélever par dérivation, pour l'alimentation en eau destinée à la consommation humaine, une partie des eaux des rivières de Penn Al Lenn et de l'Anse de Saint-Cadou à partir de la prise d'eau de Penn al Lenn, située sur le territoire de la commune de Fouesnant, et de la prise d'eau de Créac'h Quéta, située sur le territoire de la commune de Pleuven ; que cet arrêté autorise également les installations, ouvrages et travaux nécessaires à ce prélèvement d'une partie des eaux de ces deux cours d'eau et, en outre, autorise la commune de Fouesnant à utiliser les eaux ainsi prélevées pour l'alimentation humaine en eau potable ; que l'arrêté du 4 juin 2010 déclare également d'utilité publique au bénéfice de la commune de Fouesnant, d'une part, la dérivation et le prélèvement par pompage des eaux de ces deux rivières à partir de ces deux prises d'eau pour l'alimentation eau destinée à la consommation humaine et, d'autre part, l'établissement des périmètres de protection de ces deux prises d'eau ainsi que l'institution des servitudes y afférentes ; qu'enfin, cet arrêté déclare cessible les terrains constituant le périmètre de protection immédiate de ces prises d'eau ; que, s'agissant en particulier de la rivière de l'Anse de Saint-Cadou, la prise d'eau de Créac'h Queta est située en rive gauche de ce cours d'eau, en amont immédiat du pont du chemin de Créac'h Quéta ; que les périmètres de protection de ces deux prises d'eau sont constituées, d'une part, par des périmètres de protection immédiate et, d'autre part, des périmètres de protection rapprochée divisés en deux périmètres P1 et P2 ; que M. et Mme B...D...et le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de Créac'h Kéta, dont M. B...D...est l'un des membres et gérants, relèvent appel du jugement du 12 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation, d'une part, de cet arrêté du 4 juin 2010 et, d'autre part, de la décision du 7 octobre 2010 par laquelle le préfet du Finistère a rejeté leur recours gracieux du 7 septembre 2010 tendant au retrait de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes mêmes du point 2 du jugement attaqué qu'il a répondu au moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté, notamment en ce qu'il soutenait que n'était pas établie la réalité de l'absence du secrétaire général de la préfecture du Finistère ; que si ces motifs énoncent qu'il n'est " ni même allégué " que le secrétaire général n'aurait pas été absent ou empêché, alors que, dans un de leurs mémoires, les requérants soutenaient qu'il n'était pas justifié de la réalité de l'empêchement de cette autorité, cette circonstance est, toutefois, sans incidence sur la régularité du jugement, dès lors qu'il a également énoncé " qu'il n'est pas établi " que le secrétaire général n'aurait pas été absent ou empêché ;

3. Considérant, en second lieu, qu'en estimant qu'il n'est pas établi que le secrétaire général de la préfecture n'aurait pas été absent ou empêché, le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement sur ce point ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Considérant que l'arrêté contesté est signé par M.A..., sous-préfet et directeur de cabinet du préfet du Finistère ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 28 juillet 2008, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Finistère n° 14 de juillet 2008, le préfet du Finistère a donné délégation à M. Witkowski, secrétaire général de la préfecture du Finistère et, en cas d'absence ou d'empêchement de ce dernier, notamment à M.A..., à l'effet de signer tous actes relevant des attributions du préfet, à l'exclusion des arrêtés de délégation de signature et des déférés présentés devant la juridiction administrative ; qu'il ne ressort pas du dossier que M. Witkowski n'aurait pas été absent ou empêché ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 215-13 du code de l'environnement : " La dérivation des eaux d'un cours d'eau non domanial, d'une source ou d'eaux souterraines, entreprise dans un but d'intérêt général par une collectivité publique ou son concessionnaire, par une association syndicale ou par tout autre établissement public, est autorisée par un acte déclarant d'utilité publique les travaux " ; que le premier alinéa de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique prévoit que : " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l'article L. 215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés " ; que l'article L. 1321-7 de ce code soumet à autorisation du préfet du département l'utilisation de l'eau en vue de la consommation humaine, à l'exception de l'eau minérale naturelle, pour la production, la distribution et le conditionnement ; qu'aux termes de l'article R. 1321-8 du même code : " I. - La décision statuant sur la demande d'autorisation d'utilisation d'eau en vue de la consommation humaine est prise par arrêté préfectoral. Cet arrêté est motivé. / L'arrêté préfectoral d'autorisation indique notamment (...) les localisations des captages et leurs conditions d'exploitation, les mesures de protection, y compris les périmètres de protection prévus à l'article L. 1321-2 (...) / Lorsqu'il détermine les périmètres de protection prévus à l'article L. 1321-2, cet arrêté déclare d'utilité publique lesdits périmètres. / (...) " ;

6. Considérant qu'il appartient au juge administratif, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les autres inconvénients que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les communes de Fouesnant et de la Forêt-Fouesnant sont alimentées en eau potable, d'une part, par l'usine de production d'eau potable de Penn al Lenn, elle-même alimentée par les prises d'eau superficielle de Penn al Lenn et de Créac'h Quéta, d'autre part, par les captages d'eau souterraine de Kerourgué et de Karasploc'h et, enfin, par des fournitures émanant du syndicat mixte de l'Aulne ; que, s'agissant de la commune de Fouesnant et sur les années 2004 à 2010, les fournitures par ce syndicat mixte ont représenté une proportion de la totalité de l'eau potable livrée au réseau de distribution comprise entre 1,6 %, en 2010, et 10,27 % en 2005, cette proportion ne cessant de baisser rapidement à partir de l'année 2006 ; qu'en revanche, l'eau produite au moyen des prises d'eau de Penn al Lenn et Créac'h Quéta a, au cours de la même période, représenté, en 2004, 69 % du volume total livré au réseau et, en 2010, 61,17 % de ce même volume ; que la prise d'eau de Créac'h Quéta, dont l'arrêté contesté autorise le déplacement sur le cours de la rivière de l'Anse de Saint-Cadou à 75 mètres en amont de son emplacement initial, a été créée en 1976 afin de faire face aux besoins liés à la forte fréquentation de ces deux communes en période estivale et que, sur la période couvrant les années 2004 à 2010, cette prise d'eau a fourni en moyenne annuelle 117 921,87 m3 d'eau, soit 23,89 % de l'eau produite au moyen des deux prises d'eau ainsi que 14,6 % de la production d'eau potable alimentant ces deux communes ; que les requérants n'apportent aucun élément de preuve à l'appui de leur allégation selon laquelle la part de cette production provenant de la prise d'eau de Créac'h Quéta serait, en réalité, bien moindre ;

8. Considérant, en outre, qu'il ressort des pièces du dossier que le rapport de contrôle sanitaire établi le 4 mars 2009, à partir d'un prélèvement effectué le 7 août 2008, conclut à la conformité, au regard des normes en vigueur quant à la qualité de l'eau destinée à l'alimentation de la population en eau potable et pour l'ensemble des paramètres mesurés, à la conformité de l'eau brute, avant traitement par l'usine de Penn al Len, fournie par la prise d'eau de Créac'h Quéta ; que le rapport de l'hydrogéologue agréé confirme que cette prise d'eau permet de délivrer une eau conforme à ces exigences ; que les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir le contraire, notamment pas en se bornant à rappeler qu'ainsi qu'il en va pour toute prise d'eau superficielle, celle de Créac'h Quéta serait potentiellement exposée, sur le bassin versant, à des risques potentiels de pollution propres à dégrader la qualité de l'eau qu'elle fournit ;

9. Considérant, ainsi, qu'il résulte de ce qui précède qu'alors même que son utilisation est limitée à une partie de l'année, essentiellement la période estivale, la prise d'eau de Créac'h Quéta permet de répondre dans une proportion significative aux besoins en eau potable des communes de Fouesnant et la Forêt-Fouesnant, en permettant une alimentation suffisante de ces deux communes en eau potable pendant la période de l'année où, du fait d'un triplement de la population présente, les besoins en eau potable sont les plus importants ; que l'intérêt général s'attachant à la délimitation autour de cette prise d'eau d'un périmètre de protection immédiate ne saurait être sérieusement contestée, alors qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique qu'en vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, la déclaration d'utilité publique d'une telle prise d'eau est obligatoirement assortie, d'une part, de la détermination autour du point de prélèvement d'un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété et, d'autre part, et sauf le cas prévu au deuxième alinéa de cet article, d'un périmètre de protection rapprochée, les dispositions de l'article R. 1321-8 du même code imposant, alors, la déclaration d'utilité publique de ces périmètres ; que l'instauration de ces périmètres, alors même qu'ils ne garantiraient pas la prise d'eau de Créac'h Quéta contre la réalisation de tout risque de pollution en provenance du bassin versant, est propre à préserver et améliorer la qualité de l'eau prélevée en ce point, en limitant de façon significative les risques de pollution liés aux activités présentes à proximité de cette prise d'eau et dans les deux zones constituant le périmètre de protection rapprochée ; qu'il en résulte que, contrairement à ce qui est soutenu, les opérations déclarées d'utilité publique par l'arrêté du 4 juin 2010 répondent à une finalité d'intérêt général ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ni même n'est soutenu, que la commune de Fouesnant serait en mesure de réaliser les opérations déclarées d'utilité publique par l'arrêté du 4 juin 2010 sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant déjà dans son patrimoine ; qu'en outre, les requérants soutiennent que, plutôt que de recourir à la déclaration d'utilité publique de la prise d'eau de Créac'h Quéta et de ses périmètres de protection, la commune de Fouesnant pourrait tout aussi bien, selon eux, recourir à des fournitures d'eau plus importantes auprès du syndicat mixte de l'Aulne ; que, toutefois, et alors d'ailleurs que cette commune établit suffisamment que de telles importations plus importantes ne permettraient pas pour autant de renoncer à la prise d'eau de Créac'h Quéta, il n'appartient pas au juge de la déclaration d'utilité publique en litige d'apprécier l'opportunité du choix de cette commune de recourir, pour satisfaire aux besoins de la population en eau potable, à l'utilisation de cette prise d'eau plutôt que, à la supposer possible, à une augmentation des achats d'eau auprès du syndicat mixte de l'Aulne ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'à l'appui de leur contestation de la légalité de la déclaration d'utilité publique, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir de circonstances très postérieures à l'arrêté en litige et dont, en outre, les caractères certains et pérennes ne sont pas établis, résidant, d'une part, dans la future mise en service de nouveaux forages et d'autre part, dans l'éventuel recours par la commune de la Forêt-Fouesnant à des sources alternatives d'alimentation en eau potable, au moyen d'un forage ayant fait l'objet en 2010 d'essais de pompage, d'une capacité journalière de 800 m3 et qui permettrait à cette commune de parvenir, " à moyen terme ", à une autonomie de ses besoins en eau ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que, pour soutenir que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et les autres inconvénients que comporte les opérations déclarées d'utilité publique par l'arrêté du 4 juin 2010 sont excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente, les requérants font valoir que les exploitations agricoles situées dans le périmètre de protection rapprochée, affectées par les servitudes résultant de cet arrêté, seront mises en péril par l'instauration de ce périmètre et que les atteintes à la faune et à la flore seront considérables dès lors que la mise en oeuvre de cet arrêté implique la suppression d'un étang existant ;

13. Considérant, toutefois, qu'il n'est pas établi que les exploitations agricoles existantes, notamment celle du GAEC requérant, situées en tout ou partie à l'intérieur du périmètre de protection rapprochée pourraient être mises en péril ; qu'en particulier, si 3 ha 33 a 82 ca et 14 ha 69 a 72 ca de terres exploitées par ce GAEC sont situées respectivement dans les périmètres P1 et P2, il ne ressort toutefois pas du dossier que cette circonstance, qui ne concerne que moins du cinquième de l'ensemble des terres exploitées par ce requérant, pourrait remettre en cause l'équilibre économique de l'exploitation ; qu'il en va d'autant plus ainsi que, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions de l'arrêté ne font pas obstacle à ce que les terres localisées dans le périmètre P2 soient mises en culture, notamment de céréales, et n'imposent ainsi pas qu'elles soient converties en prairies permanentes ; qu'en outre, il résulte de l'article L. 1321-3 du code de la santé publique que les propriétaires ou occupants de terrains compris dans un périmètre de protection rapprochée peuvent, le cas échéant, prétendre à des indemnités, fixées selon les règles applicables en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique ; qu'à cet égard, la note explicative figurant dans le dossier de l'enquête publique évalue à 71 022, 30 euros, en valeur octobre 2006, le montant des indemnités de dépréciation ou de perte d'exploitation à verser pour assurer la protection de la prise d'eau de Créac'h Quéta, ce coût n'étant ainsi pas, comme il est soutenu, indéterminé ;

14. Considérant, en outre, que le déplacement de la prise d'eau de Créac'h Quéta, initialement localisée au niveau de l'ancien bief du moulin de Créac'h Quéta, sur une parcelle située 75 mètres en amont et correspondant à l'étang de Créac'h Quéta, plan d'eau d'environ 1 500 m2, s'accompagnera de la vidange de ce plan d'eau, de sorte que le lit naturel de la rivière de l'Anse de Saint-Cadou, qui est un affluent de l'Odet, sera restitué ; qu'il résulte de l'avis émis le 24 août 2009 par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques qu' " un plan d'eau tel que celui de Créac'h Quéta contribue à dégrader la qualité des eaux du ruisseau (réchauffement des eaux, eutrophisation, développement d'espèces indésirables...) son assèchement est bénéfique pour le milieu aquatique [...]. L'effacement de cet obstacle est très bénéfique pour la continuité écologique du ruisseau de l'Anse de Saint-Cadou car il rendra possible la circulation des sédiments ainsi que la colonisation de ce cours d'eau par la faune aquatique, en amont de cet obstacle " ; que, dans son avis de septembre 2008, l'hydrogéologue agréé a estimé que, compte tenu de l'état de ce plan d'eau, caractérisé par son envasement et des zones d'atterrissement contribuant à la dégradation de la qualité de l'eau, sa suppression devra être privilégiée ; que les requérants n'apportent pas d'éléments de nature à infirmer la teneur de cet avis et à établir la nécessité écologique du maintien de ce plan d'eau, qui constitue un étang artificiel qui avait été créé pour les besoins du fonctionnement d'un moulin dont l'activité a cessé depuis plusieurs dizaines d'années ; que la seule circonstance que sur les bords de cet étang se développe l'osmonde royale, espèce floristique de fougère dont le prélèvement et la cueillette sont réglementés, n'est pas de nature à établir que la suppression de cet étang serait nuisible pour la biodiversité, dès lors qu'une telle plante, assez commune sur les bords des cours d'eau, pourra tout autant trouver un biotope favorable sur les bords de la rivière de l'Anse de Saint-Cadou, dont le lit mineur et la zone humide adjacente, dont la biodiversité ne sera pas moindre que celle du plan d'eau actuel, pourront ainsi être restaurés ;

15. Considérant, enfin, que les requérants se prévalent de la circonstance que ce plan d'eau est jugé utilisable par les sapeurs-pompiers, dès lors que le service départemental d'incendie et de secours du Finistère l'a répertorié en 2014 comme étant au nombre des points d'eau naturels ou artificiels pouvant être pris en compte dans la défense extérieure contre l'incendie ; que, toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la suppression de cet étang et la restauration du lit mineur de la rivière de l'Anse de Saint-Cadou pourraient, dans le Finistère, remettre en cause la disponibilité d'une ressource en eau suffisante pour la lutte contre l'incendie, alors que l'inventaire des points d'eau naturels ou artificiels pouvant être pris en compte dans la défense extérieure contre l'incendie est en lui-même dépourvu de toute portée réglementaire ; qu'il ne ressort pas du dossier qu'un tel inventaire aurait pour objet de répertorier des points d'eau dont l'existence serait nécessaire à la lutte contre l'incendie et dont, par suite, la disparition pourrait remettre en cause les nécessités de cette lutte ;

16. Considérant qu'il résulte des points 12 à 15 ci-dessus que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et les autres inconvénients que pourraient comporter les opérations déclarées d'utilité publique par l'arrêté du 4 juin 2010 ne sont pas excessifs par rapport à l'intérêt qu'elles présentent ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à prétendre qu'elles seraient dépourvues d'utilité publique ;

17. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme B...D...et le GAEC de Créac'h Quéta ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement des sommes que demandent les requérants à ce titre ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Fouesnant au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...D...et du groupement agricole d'exploitation en commun de Créac'h Kéta est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Fouesnant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...D..., au groupement agricole d'exploitation en commun de Créac'h Kéta, au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à la commune de Fouesnant.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 avril 2015.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINELe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

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N° 13NT01355 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01355
Date de la décision : 03/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : SCP VALADOU JOSSELIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-03;13nt01355 ?
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