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03/04/2015 | FRANCE | N°13NT03484

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 03 avril 2015, 13NT03484


Vu la requête, enregistrée le 26 décembre 2013, présentée pour Mme C... D..., demeurant..., par Me Chauveau, avocat au barreau de Laval ; Mme D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1103210, 1107463 du 18 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 11 février 2011 par laquelle l'inspecteur du travail de la section 2 de l'unité territoriale de la Mayenne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Pays-de-la-Loire a rejeté la demande d'autorisation de li

cenciement pour faute grave présentée à son encontre par la SAS Lo...

Vu la requête, enregistrée le 26 décembre 2013, présentée pour Mme C... D..., demeurant..., par Me Chauveau, avocat au barreau de Laval ; Mme D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1103210, 1107463 du 18 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 11 février 2011 par laquelle l'inspecteur du travail de la section 2 de l'unité territoriale de la Mayenne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Pays-de-la-Loire a rejeté la demande d'autorisation de licenciement pour faute grave présentée à son encontre par la SAS Longchamp, ainsi que le rejet implicite du recours hiérarchique formé contre cette décision ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la SAS Longchamp devant le tribunal administratif de Nantes ;

elle soutient que :

- l'avis du comité d'entreprise est entaché de vices de procédure ;

- la société SAS Longchamp n'a pas convoqué tous les membres du comité d'entreprise 3 jours au moins avant la séance, conformément à l'article L. 2325-16 du code du travail, à savoir les élus titulaires et suppléants et les représentants syndicaux, de sorte que l'inspecteur du travail était tenu de refuser l'autorisation de licenciement ;

- les membres du comité d'entreprise n'ont pas reçu des éléments d'information précis et n'ont pas disposé du temps nécessaire à leur examen ;

- le mandat qu'elle détenait n'ayant pas été précisé, pièce n° 10, cette omission a constitué une irrégularité substantielle qui devait amener l'autorité administrative à rejeter la demande d'autorisation de licenciement, en application de la circulaire DRT n° 3 du 1er mars 2000 ;

- étant en arrêt maladie du 13 au 23 janvier 2011, elle n'a pu se rendre à la réunion du comité d'entreprise, pour faire valoir sa défense, et elle n'a jamais reçu le mail l'informant de ce que la réunion extraordinaire du CE était reportée le 18 janvier de 10 h à 11 h 15 ;

- alors qu'il était obligatoire, il n'y a pas eu de vote à bulletin secret, puisque Mme A... a fait savoir qu'elle ne souhaitait pas participer à un tel scrutin et que c'est sa suppléante qui a voté, sans qu'il y ait unanimité ;

- le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise a été rédigé, non par son secrétaire, mais par la secrétaire de direction ;

- s'agissant de la légalité externe, la société SAS longchamp, n'ayant pas demandé, dans le délai de recours contentieux, la communication des motifs de la décision implicite de rejet du ministre, ne peut qu'être déboutée de son moyen d'annulation tiré du défaut de motivation de cette décision ;

- s'agissant de la légalité interne, son absence, dont elle avait informé l'employeur, n'a pas désorganisé l'atelier, de sorte que la SAS Longchamp ne saurait invoquer une déloyauté caractérisée de sa part, alors qu'elle est une employée modèle depuis 35 ans ;

- le voyage qui lui est reproché lui avait été offert par son fils et ne nécessitait pas de démarches préalables, aucun visa n'étant nécessaire, de sorte que le caractère prémédité de son arrêt de travail pour effectuer un voyage à l'étranger ne peut être soutenu ;

- elle n'a aucunement simulé un mal au dos, ni obtenu un certificat médical de complaisance, alors qu'elle est tombée à plusieurs reprises les 8 et 9 décembre 2010 sur un sol verglacé ;

- elle est victime de harcèlement et de mesures vexatoires de la part de son employeur, qui ne peut sanctionner des comportements qui sont des engagements vis-à-vis de tiers, comme la sécurité sociale, et non vis-à-vis de lui-même, comme l'obligation, pour le salarié, de rester à son domicile pendant un congé de maladie ;

- le lien entre le licenciement et son mandat est établi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2014, présenté pour la société Longchamp SAS, prise en son établissement sis rue Eiffel à Segré (49500), par Me Sultan, avocat au barreau d'Angers, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme D..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- ayant été licenciée et ne faisant plus partie des effectifs depuis le 23 avril 2013, elle ne

justifie d'aucun intérêt à agir, de sorte que son appel est irrecevable ;

- en 2010, il était prévu que l'établissement de Château-Gontier fermerait la semaine de Noël du jeudi 23 décembre 2010 au soir au lundi 3 janvier 2011 au matin ; or, le vendredi 17 décembre 2010 au matin, Mme D... a informé sa seconde, Mme B..., de ce qu'elle souffrait d'un mal de dos et risquait d'avoir un arrêt de travail de 3 jours ; le 23 décembre 2010, la société a reçu un arrêt de travail qui lui a été délivré par un médecin de La Baule courant du 16 décembre au 21 décembre 2010 ; dans ces conditions, dès le 17 décembre 2010, l'intéressée savait, lorsqu'elle a appelé Mme B..., qu'elle serait en arrêt de travail jusqu'au 21 décembre 2010, circonstance qu'elle a sciemment dissimulée à la société, pour effectuer un voyage d'agrément en Nouvelle Zélande pendant son congé maladie ;

- les décisions de l'inspecteur du travail et du ministre du travail sont entachées d'illégalité externe, dès lors que le délai de huit jours qui s'imposait à l'inspectrice du travail pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement en cas de mise à pied a été prolongé par un autorité incompétente, et que le ministre n'a pas motivé son rejet implicite du recours formulé par la société, alors que celle-ci avait demandé la communication des motifs le 28 juillet 2011 ;

- au fond, les circonstances de fait démontrent que Mme D... a commis un acte de déloyauté suffisamment grave pour justifier son licenciement en ce qu'elle a utilisé délibérément et de manière préméditée, puisque prévu de longue date, un arrêt de travail pour maladie dans le seul but de couvrir son absence liée à un voyage à l'étranger ;

- l'absence de Mme D..., agent de maîtrise, a désorganisé l'atelier dont elle était responsable, dès lors qu'elle a laissé son équipe, composée de 27 salariés, et sa seconde sans consigne, ni instruction particulière pour la gestion de l'atelier, alors même que le rythme de production demeure soutenu jusqu'à la dernière semaine de l'année avant la fermeture de l'entreprise, et qu'elle était chargée de contrôler le temps de travail et de gérer les absences ;

- la faute grave est établie et justifiait une mesure de licenciement sur ce fondement ;

Vu l'ordonnance du 13 novembre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 8 janvier 2015 à 16 heures, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2015 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme D... a été recrutée le 10 août 1976, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, par la SAS Longchamp, entreprise spécialisée dans la maroquinerie ; que, le 21 janvier 2011, cette société a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de licencier, pour faute grave, Mme D..., laquelle bénéficiait d'une protection en sa qualité de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'établissement de Château-Gontier ; que, le 11 février 2011, l'inspecteur du travail de la section 2 de l'unité territoriale de la Mayenne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Pays-de-la-Loire a rejeté sa demande d'autorisation de licenciement ; que la SAS Longchamp a saisi le ministre du travail, de l'emploi et de la santé d'un recours hiérarchique, rejeté implicitement le 25 juin 2011 ; que Mme D... relève appel du jugement du 18 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 11 février 2011, ainsi que la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi et de la santé rejetant son recours hiérarchique ;

Sur la légalité des décisions des 11 février et 25 juin 2011 :

En ce qui concerne la procédure devant le comité d'établissement :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur (...) d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement " ; qu'aux termes de l'article L. 2323-4 du même code : " Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations " ; qu'aux termes de l'article L. 2325-16 dudit code : " L'ordre du jour des réunions du comité d'entreprise est communiqué aux membres trois jours au moins avant la séance. " ; et qu'aux termes de l'article L. 2327-29 de ce code : " Le fonctionnement des comités d'établissement est identique à celui des comités d'entreprise " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les membres titulaires et suppléants du comité de l'établissement de Château-Gontier de la SAS Longchamp ont été convoqués par courrier du 12 janvier 2011 à une réunion extraordinaire devant se tenir le 18 janvier 2011 à 10 h en vue de l'examen du projet de licenciement de Mme D... ; que l'ordre du jour, communiqué aux membres plus de trois jours avant la séance, précisait que la consultation serait effectuée auprès des membres titulaires ou, en cas d'absence, des suppléants du comité d'établissement et ce, à bulletin secret ; qu'était jointe à ce courrier une note d'information relatant de façon précise et circonstanciée les faits reprochés à l'intéressée et retraçant les étapes ayant conduit à la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement pour faute grave ; que, le 12 janvier 2011, Mme D... a été invitée parallèlement à présenter ses observations devant le comité d'établissement ; que si, la veille de la réunion, l'employeur a réceptionné un courrier du 13 janvier 2011 de Mme D... l'informant d'un arrêt de travail pour la période du 13 janvier au 23 janvier 2011, la direction, afin de permettre à l'intéressée d'assister à la réunion pendant ses heures de sortie, lui a adressé le 17 janvier 2011 un courriel lui précisant qu'elle pourrait se présenter devant le comité jusqu'à 11 h 15 ; que l'intéressée ne s'étant présentée à la date prévue, ni à 10 h, ni à 11 h 15, et n'ayant pas sollicité un report de la réunion, les membres du comité d'établissement ont délibéré, à bulletin secret, conformément à l'article R. 2421-9 du code du travail, un membre suppléant ayant été appelé à voter, selon cette modalité, à la place d'un membre titulaire absent ; qu'il ressort des pièces du dossier que le comité d'établissement, informé en temps utile, a émis, à l'unanimité, un avis favorable à la procédure de licenciement pour faute grave de Mme D..., en toute connaissance de cause ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'avis du comité d'établissement aurait été irrégulièrement émis et que l'inspecteur du travail était tenu de refuser l'autorisation de licenciement ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 2325-3 du code du travail : " Les délibérations des comités d'entreprise sont consignées dans des procès-verbaux, établis par le secrétaire et communiqués aux membres du comité " ; que, contrairement à ce que soutient Mme D..., il ressort des pièces du dossier d'une part que, conformément à ces dispositions, le procès-verbal de la réunion du 18 janvier 2011 a été établi par la secrétaire du comité d'établissement et d'autre part, ainsi que le précise la note d'information jointe à la convocation des membres du comité d'établissement, que la qualité de membre du CHSCT de la requérante y était clairement indiquée ;

En ce qui concerne la réalité et la gravité des faits reprochés :

5. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; qu'un agissement du salarié intervenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que Mme D... s'est rendue en Nouvelle-Zélande pour y voir sa fille le 17 décembre 2010, soit le lendemain même de l'obtention de l'arrêt de travail qu'elle avait obtenu d'un médecin de La Baule pour la période du 16 au 21 décembre 2010 inclus ; qu'elle y a séjourné, le temps de la durée de son congé maladie, pendant les six jours précédant la fermeture de l'entreprise prévue pour l'ensemble du personnel pendant les congés de Noël du 23 décembre 2010 au 3 janvier 2011 au matin ; que, toutefois, le fait d'utiliser délibérément et de manière préméditée un arrêt de travail pour maladie dans le seul but de couvrir une absence liée à un voyage à l'étranger, en l'accolant à une période normale de congés autorisés, relève d'un comportement déloyal de la part d'un salarié vis-à-vis de son employeur et constituait, dès lors, une méconnaissance de ses obligations contractuelles ; que l'organisation par Mme D... de son indisponibilité pour se rendre à son travail pendant une période où le rythme de production était particulièrement soutenu a notamment eu pour effet de désorganiser l'atelier dont elle avait la charge, en qualité d'agent de maîtrise, et a ainsi constitué une faute suffisamment grave pour justifier une mesure de licenciement ; que, par suite, l'inspecteur du travail et le ministre du travail, de l'emploi et de la santé n'ont pu refuser l'autorisation de licencier Mme D..., sans entacher leurs décisions d'illégalité ;

En ce qui concerne le lien avec le mandat :

7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement de Mme D... aurait été motivée par d'autres considérations que celles tendant à sanctionner un comportement destiné à tromper la confiance de son employeur ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la requête, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions des 11 février et 25 juin 2011 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Longchamp et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Mme D... versera à la SAS Longchamp une somme de 1 000 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., à la société SAS Longchamp, et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. Pouget, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 avril 2015.

Le rapporteur,

J-F. MILLETLe président,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT03484


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT03484
Date de la décision : 03/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : CHAUVEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-03;13nt03484 ?
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