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03/04/2015 | FRANCE | N°14NT00677

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 03 avril 2015, 14NT00677


Vu la requête, enregistrée le 11 mars 2014, présentée pour la société Afone Monetics, venant aux droits de la Société Cartes et Services dont le siège est 11, Place François Mitterrand CS 11024 à Angers Cedex 02 (49055), représentée par son président en exercice, par Me Coëffard, avocat au barreau de Poitiers ; la société Afone Monetics demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200845 du 3 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er décembre 2011 par laquelle le ministre du t

ravail, de l'emploi et de la santé a annulé la décision du 5 mai 2011 de l'in...

Vu la requête, enregistrée le 11 mars 2014, présentée pour la société Afone Monetics, venant aux droits de la Société Cartes et Services dont le siège est 11, Place François Mitterrand CS 11024 à Angers Cedex 02 (49055), représentée par son président en exercice, par Me Coëffard, avocat au barreau de Poitiers ; la société Afone Monetics demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200845 du 3 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er décembre 2011 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a annulé la décision du 5 mai 2011 de l'inspecteur du travail de la section 7 de l'unité territoriale de Maine-et-Loire de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Pays-de-la-Loire autorisant le licenciement pour motif économique de M. C... A..., et a refusé l'autorisation de licencier l'intéressé ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le recours hiérarchique présenté par M. A... contre la décision du 5 mai 2011 de l'inspecteur du travail n'a pas été formé dans les délais et est donc irrecevable ; le ministre n'ayant pas été saisi dans les délais requis, sa décision doit être annulée ;

- elle n'a pas méconnu l'obligation légale de recherche de reclassement interne mise à sa charge ; il été présenté à M. A... des propositions de reclassement précises et personnalisées sur des emplois disponibles au sein du groupe Afone et compatibles avec son niveau d'expérience et de qualification ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 septembre 2014, présenté pour M. C... A..., demeurant..., par Me Crolet, avocat au barreau du Val de Marne, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Afone Monetics à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- son recours hiérarchique était recevable ;

- les moyens invoqués par la société Afone Monetics ne sont pas fondés ;

- le ministre a considéré, à juste titre, que la décision de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement était entachée d'illégalité dès lors que la société n'avait pas satisfait à l'obligation légale de recherche de reclassement interne mise à sa charge ;

- contrairement à ce qu'a estimé le ministre, la réalité du motif économique du licenciement n'était pas établie ; en outre, la société Cartes et Services n'a pas respecté le délai de réflexion de 15 jours, prévu par le plan de sauvegarde de l'emploi, entre la date à laquelle lui ont été proposées des offres de reclassement et son licenciement ;

Vu le mémoire en réplique enregistré le 2 mars 2015 présenté pour la société Afone Monetics qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens qu'elle développe ; elle soutient, en outre, que la réalité du motif économique est établie par les pièces du dossier ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2015, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui conclut au rejet de la requête ; il déclare se référer à ses écritures de première instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., substituant Me Coëffard, avocat de la société Afone Monetics ;

1. Considérant que la société Afone Monetics, venant aux droits de la société Cartes et Services, relève appel du jugement du 3 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er décembre 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé annulant la décision du 5 mai 2011 par laquelle l'inspecteur du travail de la 7ème section de l'unité territoriale de Maine-et-Loire de la Direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Pays-de-la-Loire a autorisé le licenciement pour motif économique, par la société Cartes et Services, de M. C... A..., et refusant le licenciement de l'intéressé ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " (...) Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises. " ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; que les difficultés économiques d'une entreprise doivent être appréciées au regard du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que si, pour apprécier les possibilités de reclassement offertes au salarié, l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique par une société appartenant à un groupe, ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de la société demanderesse, elle est tenue de faire porter son examen sur les entreprises du groupe dont les activités ou l'organisation offrent à l'intéressé la possibilité d'exercer des fonctions comparables ;

4. Considérant que la société Cartes et Services a demandé l'autorisation de licencier pour motif économique M. A..., membre titulaire du comité d'entreprise ; que, par décision du 5 mai 2011, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement sollicité ; que, par la décision du 1er décembre 2011 litigieuse, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a annulé la décision du 5 mai 2011 de l'inspecteur du travail et a refusé le licenciement de M. A... ; que le ministre, après avoir précisé que la situation de la société Cartes et Services justifiait le licenciement pour motif économique de l'intéressé, a fondé sa décision sur ce qu'en " se bornant à faire état d'une liste de postes vacants contenue dans le plan social, sans faire à M. A... une proposition personnalisée de reclassement ni prévoir son adaptation effective à des emplois disponibles, cette société n'avait pas sérieusement recherché son reclassement conformément à son obligation légale " ;

5. Considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté qu'à la date de la décision litigieuse, la société Cartes et Services, qui commercialise des solutions monétiques à destination des professionnels, notamment des terminaux de paiement, connaissait depuis plusieurs années une dégradation continue de son activité qui s'est traduite, au cours des dix derniers mois de l'année 2010, par un excédent brut d'exploitation négatif de -1 600 000 euros, sans redressement significatif depuis lors, conduisant à un risque de cessation de paiement ; que l'administration n'avait pas à faire porter son examen de la situation économique de la société Cartes et Services au niveau du groupe Afone, auquel elle appartient, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que celui-ci incluait des sociétés oeuvrant dans le même secteur d'activité économique que la société Cartes et Services; que, dans ces conditions, ainsi que l'a estimé le ministre dans la décision litigieuse, la situation de la société Cartes et Services justifiait le licenciement pour motif économique de M. A... ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette société n'ait pas respecté le délai de réflexion de 15 jours prévu par le plan de sauvegarde de l'emploi entre la date à laquelle lui ont été proposées des offres de reclassement et son licenciement de sorte que contrairement à ce que soutient M. A..., le ministre n'était pas tenu de refuser la demande d'autoriser son licenciement pour motif économique ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 11 février 2011, la société Cartes et Services, dont l'ensemble des emplois a été supprimé, a proposé à M. A..., qui exerçait les fonctions de technicien de laboratoire, au titre de son obligation de reclassement, huit postes disponibles au sein du groupe Afone ; que ces huit postes avaient été sélectionnés par la société parmi les 21 postes disponibles identifiés par le plan de sauvegarde de l'emploi avant d'être proposés à l'intéressé ; que ce courrier était accompagné des fiches descriptives de chacun de ces postes et précisait qu'en cas d'acceptation, il bénéficierait de certaines mesures d'adaptation et d'actions de formation ; qu'ainsi, contrairement aux énonciations de la décision contestée, la société Cartes et Services ne s'est pas bornée à faire état d'une liste de postes vacants contenue dans le plan social ; que la seule circonstance que ces mêmes postes ont été également proposés à un autre salarié protégé qui exerçait des fonctions de logisticien polyvalent en laboratoire, ne suffit pas à démontrer que la société n'aurait pas procédé à un examen spécifique des possibilités de reclassement de l'intéressé; qu'en outre, il ne ressort des pièces du dossier, ni que la société Cartes et Services ne se serait pas livrée à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement dans le groupe Afone, ni que d'autres postes de reclassement correspondant à la qualification ou à l'ancienneté de M. A... auraient pu lui être proposés ; que, par suite, cette société qui avait effectué des offres de reclassement écrites, précises et personnalisées, devait être regardée, contrairement à ce qu'a estimé le ministre, comme ayant satisfait à l'obligation lui incombant d'examiner la possibilité d'assurer le reclassement de M. A... ; que, dès lors, la décision du 1er décembre 2011 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a annulé la décision du 5 mai 2011 de l'inspecteur du travail et a refusé l'autorisation de licencier M. A... est entachée d'illégalité et doit être annulée pour ce motif ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête, que la société Afone Monetics est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat, le versement de la somme de 1 500 euros que la société Afone Monetics demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Afone Monetics, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais de même nature qu'il a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 3 janvier 2014 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 1er décembre 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société Afone Monetics une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de M. A... tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Afone Monetics, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 10 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. François, premier conseiller,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 avril 2015.

Le rapporteur,

C. BUFFET Le président,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00677
Date de la décision : 03/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : SCP TEN FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-03;14nt00677 ?
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