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17/04/2015 | FRANCE | N°14NT00771

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 17 avril 2015, 14NT00771


Vu la requête n° 1400771, enregistrée le 24 mars 2014, présentée, pour Mme C...A..., demeurant..., par Me Hurel, avocat ;

Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301882 du 26 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2013 du préfet du Calvados refusant de lui accorder un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

2°) d'annuler cet arrêté du 5 juillet 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre

de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de ...

Vu la requête n° 1400771, enregistrée le 24 mars 2014, présentée, pour Mme C...A..., demeurant..., par Me Hurel, avocat ;

Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301882 du 26 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2013 du préfet du Calvados refusant de lui accorder un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

2°) d'annuler cet arrêté du 5 juillet 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 au titre des frais exposés et non compris dans les dépens engagés en vue de la procédure d'appel ;

elle soutient que :

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est en France depuis 8 ans et mère de trois enfants dont deux sont nés en France ; sa fille aînée est parfaitement intégrée et poursuit sa scolarité en France ; il en est de même de son fils Huslen, né en 2007, de sorte qu'un départ en Mongolie serait dramatique pour les enfants ; elle-même multiplie les efforts d'intégration en apprenant le français et en s'impliquant dans la vie associative locale ;

- si elle a été condamnée en 2006 pour des vols à l'étalage, elle avait commis cette infraction alors qu'elle se trouvait dans un état de grande précarité et s'est depuis complètement amendée, de sorte qu'elle ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français sont également contraires à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa situation personnelle et familiale et l'ancienneté de son séjour en France justifient qu'un titre de séjour lui soit accordé pour des raisons humanitaires ;

Vu le jugement attaqué et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2014, présenté par le préfet du Calvados qui conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures et aux pièces de première instance ;

Vu les pièces complémentaires, enregistrées le 3 mars 2015, présentées, à la demande de la Cour, par le préfet du Calvados ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 24 février 2014, admettant Mme A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Hurel pour la représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2015, le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller ;

1. Considérant que MmeA..., de nationalité mongole, est entrée en France le 5 février 2005 ; que le 17 février 2013, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par arrêté du 5 juillet 2013, le préfet de Calvados a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois ; qu'elle relève appel du jugement du 26 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...est arrivée en France en 2005 avec sa fille alors âgée de sept ans et qu'elle a eu depuis, avec un compatriote, deux autres enfants, nés en France en 2007 et 2010 ; que cependant, il ressort des pièces du dossier qu'a l'exception de courtes périodes, elle est depuis son arrivée en France en situation irrégulière et que le père de ses enfants, M.B..., est également en situation irrégulière en France ; que les circonstances qu'elle et ses enfants soient parfaitement intégrés à la société française et que ses deux aînés réussissent leur scolarité en France ne sont pas suffisantes pour établir que la vie familiale ne pourrait pas se poursuivre hors de France ; que, dans ces conditions, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le refus de séjour attaqué porterait au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise et qu'elle aurait, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précitées ou les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

5. Considérant que MmeA..., en se bornant à faire état de l'ancienneté de son séjour en France, de son insertion et des résultats scolaires de ses enfants, ne justifie pas de motifs exceptionnels ni de considérations humanitaires au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit dès lors être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de refus de séjour attaquée aurait, par elle-même, des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la situation de la requérante et de ses enfants ; que par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

7. Considérant, enfin, qu'ainsi qu'il résulte des points 2 à 5 du présent arrêt, Mme A...ne remplissait pas les conditions pour obtenir le titre de séjour qu'elle sollicitait sur le fondement des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite, la circonstance que le motif d'ordre public, également retenu par le préfet du Calvados, n'aurait pas été fondé est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité du refus de séjour contesté ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 26 décembre 2013 le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision de refus de séjour ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la fille de MmeA..., Anu, née le 12 décembre 1997 en Mongolie, est arrivée en France avec sa mère alors qu'elle était âgée de sept ans ; que depuis lors, soit depuis plus de huit ans à la date de l'arrêté attaqué, elle vit et poursuit sa scolarité en France ; qu'il ressort des nombreuses pièces fournies et notamment des bulletins de notes et attestations de ses professeurs qu'Anu est une élève sérieuse et parfaitement intégrée, qui participe aux activités scolaires et extra-scolaires ; que son frère, Holsen, né en France le 26 décembre 2007, est scolarisé en France depuis 2010 et est également parfaitement intégré dans son école, ainsi qu'il ressort des pièces produites à l'instance ; qu'enfin, Mme A...justifie de la maîtrise de la langue française et des liens sociaux qu'elle a créés notamment par sa participation aux activités de diverses associations locales ; que par suite, dans les circonstances de l'espèce, la requérante est fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français attaquée est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle des intéressés ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision d'éloignement, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 26 décembre 2013 le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêté, qui n'annule pas le refus de séjour opposé à Mme A...n'implique pas nécessairement que le préfet du Calvados lui délivre une carte de séjour temporaire, mais seulement que le préfet du Calvados procède au réexamen de sa demande, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au profit de Me Hurel, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 26 décembre 2013 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il rejette la demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français du 5 juillet 2013 et cette obligation de quitter le territoire français sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de procéder au réexamen de la situation de Mme A...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Hurel, avocat de MmeA..., la somme de 1500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour cet avocat de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 avril 2015.

Le rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

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N° 14NT00771 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00771
Date de la décision : 17/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : SCP CREANCE FERRETTI HUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-17;14nt00771 ?
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