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23/07/2015 | FRANCE | N°15NT00600

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 23 juillet 2015, 15NT00600


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 23 avril 2014 du préfet d'Ille-et-Vilaine refusant de leur délivrer un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai, et les astreignant à remettre l'original de leurs passeports et à se présenter une fois par semaine à la gendarmerie de La Guerche-de-Br

etagne.

Par un jugement n° 1402543, 1402544 du 6 juin 2014, le magistrat délég...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 23 avril 2014 du préfet d'Ille-et-Vilaine refusant de leur délivrer un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai, et les astreignant à remettre l'original de leurs passeports et à se présenter une fois par semaine à la gendarmerie de La Guerche-de-Bretagne.

Par un jugement n° 1402543, 1402544 du 6 juin 2014, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes en tant que ces arrêtés du préfet d'Ille-et-Vilaine les obligeaient à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixait le pays de destination.

Par un jugement n° 1402537, 1402539 du 22 septembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes en tant que par ces arrêtés le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de leur délivrer un titre de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 février 2015, complétée le 24 juin 2015, M. D... A...et Mme B...A...représentés par Me Le Strat, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1402537,1402539 du 22 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 23 avril 2014 en tant que par ces arrêtés le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de leur délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces arrêtés en tant qu'ils portent refus de titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de leurs demandes, et dans l'attente de leur délivrer chacun une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute pour eux d'avoir été informés sur le point de savoir si le rapporteur public était dispensé de conclusions dans leur affaire avant la tenue de l'audience, en violation des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

- les décisions contestées méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité que ses décisions comportent pour leur situation personnelle ;

- ces décisions violent également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée le 26 mars 2015 au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire.

M. et Mme A...ont été admis chacun au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 12 janvier 2015.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,

- et les observations de Me Le Strat, avocat de M. D... A...et de Mme B...A....

1. Considérant que M. et Mme A..., ressortissants du Bengladesh, sont entrés irrégulièrement en France le 20 septembre 2012 accompagnés de leurs trois filles nées respectivement les 5 février 2002 et 27 juillet 2011 ; que leurs demandes d'asile ont fait l'objet de décisions de rejet du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 juillet 2013, qui ont été confirmées par deux décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 27 février 2014 ; qu'à la suite de ces refus, le préfet d'Ille-et-Vilaine, par deux arrêtés du 23 avril 2014, a refusé de les admettre au séjour et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du Bangladesh ; que, M. et Mme A...ayant été assignés à résidence par arrêtés du 22 mai 2014 du préfet d'Ille-et-Vilaine, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a, par un premier jugement du 6 juin 2014, rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office contenues dans l'arrêté du 23 avril 2014 ; que, par un second jugement du 22 septembre 2014, dont M. et Mme A...relèvent appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces mêmes arrêtés en tant qu'ils portaient refus de leur délivrer un titre de séjour ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " (...) L'avis d'audience reproduit les dispositions des articles R. 731-3 et R. 732-1-1. Il mentionne également les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, en application du premier alinéa de l'article R. 711-3 ou, si l'affaire relève des dispositions de l'article R. 732-1-1, de la décision prise sur la dispense de conclusions du rapporteur public, en application du second alinéa de l'article R. 711-3 (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 711-3 de ce code : " (...) Lorsque l'affaire est susceptible d'être dispensée de conclusions du rapporteur public, en application de l'article R. 732-1-1, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, si le rapporteur public prononcera ou non des conclusions et, dans le cas où il n'en est pas dispensé, le sens de ces conclusions. " ; qu'aux termes de l'article R. 732-1-1 du même code : " Sans préjudice de l'application des dispositions spécifiques à certains contentieux prévoyant que l'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public, le président de la formation de jugement ou le magistrat statuant seul peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience sur tout litige relevant des contentieux suivants : (...) 4° Entrée, séjour et éloignement des étrangers, à l'exception des expulsions (...) " ;

3. Considérant qu'il ne ressort ni des pièces du dossier, ni de la fiche Sagace, que M. et Mme A...ou leur conseil auraient été mis en mesure de connaître la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public de prononcer des conclusions sur les affaires les concernant enregistrées sous les numéros 1402537 et 1402539 avant la tenue de l'audience, conformément aux prescriptions des articles R. 711-2 et R. 711-3 du code de justice administrative ; qu'ainsi, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier, et à en demander l'annulation ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. et Mme A...devant le tribunal administratif de Rennes en tant qu'elles sont dirigées contre les décisions portant refus de titre de séjour ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'arrêt Mukarubega (C-166/13) du 5 novembre 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui ne s'adresse qu'aux institutions, organes et organismes de l'Union européenne et non pas également à ses États membres, n'est pas utilement invoqué dans une procédure relative au droit au séjour d'un étranger ; que si M. et Mme A...peuvent être regardés comme ayant plus largement invoqué l'atteinte portée au respect des droits de la défense résultant du fait qu'ils n'ont pas été entendus avant l'édiction de la mesure de refus de séjour prise à leur encontre, il ressort des pièces du dossier qu'ils ont été mis à même, dans le cadre de leur demande de titre de séjour, de porter à la connaissance de l'administration l'ensemble des informations relatives à leur situation personnelle dont ils souhaitaient se prévaloir, notamment en ce qui concerne l'état de santé de M. A...; qu'il n'est pas établi que les intéressés disposaient d'autres informations qu'ils auraient été empêchés de porter à la connaissance des services de la préfecture avant que soit prise à leur encontre les décisions portant refus de séjour qu'ils contestent et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de ces décisions ; que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit, dès lors, être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

7. Considérant que si M. et Mme A...se prévalent de l'état de santé de M. A... et de la scolarisation de leurs trois filles en classe de sixième et en crèche, il ressort toutefois des pièces du dossier que le séjour des intéressés, entrés en France le 20 septembre 2012, est récent, qu'ils ne font état d'aucun élément d'intégration personnelle, sociale ou professionnelle attestant de l'intensité, de l'ancienneté ou de la stabilité de leurs liens en France alors qu'ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales au Bengladesh, pays où ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de 43 et 34 ans ; que M. A...n'établit par ailleurs pas avoir entrepris de démarche pour solliciter un titre de séjour en raison de son état de santé ; que, par suite, et eu égard à la durée et aux conditions de séjour des requérants en France, les décisions contestées refusant de les admettre au séjour n'ont pas portés au droit de M. et Mme A...au respect de leur vie privée et familiale une atteinte excessive aux buts en vue desquels elles ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle des intéressés ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

9. Considérant que, rien ne s'opposant à ce que M. et Mme A...reconstituent hors de France la cellule familiale avec leurs trois enfants nés en 2002 et 2011, le moyen tiré de la violation de ces stipulations doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions du préfet d'Ille-et-Vilaine refusant de leur délivrer un titre de séjour contenues dans les arrêtés du 23 avril 2014 ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1402537,1402539 du tribunal administratif de Rennes du 22 septembre 2014 est annulé.

Article 2 : Les conclusions des demandes présentées par M. D... A...et à Mme B...A...devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation des décisions refusant de leur délivrer un titre de séjour contenues dans les arrêtés du 23 avril 2014 du préfet d'Ille-et-Vilaine et le surplus des conclusions présentées par eux devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2015 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller,

Lu en audience publique le 23 juillet 2015.

Le rapporteur,

F. LEMOINE Le président,

I. PERROT

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°15NT00600


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00600
Date de la décision : 23/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LE STRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-07-23;15nt00600 ?
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