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01/10/2015 | FRANCE | N°14NT00574

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 01 octobre 2015, 14NT00574


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. C...et A...E...et G...B...E...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 11 décembre 2012, prise dans le cadre des opérations d'aménagement foncier des communes de Batilly-en-Gâtinais, Beaune-la-Rolande, Egry, Auxy, Juranville, Corbeilles-en-Gâtinais, Lorcy et Bordeaux-en-Gâtinais, en tant qu'elle concerne le compte de communauté n° 368 de M. et Mme E... et le compte n° 1502 des biens propres de MmeE....

Par

un jugement n° 1300968 du 31 décembre 2013, le tribunal administratif d'Orléans a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. C...et A...E...et G...B...E...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 11 décembre 2012, prise dans le cadre des opérations d'aménagement foncier des communes de Batilly-en-Gâtinais, Beaune-la-Rolande, Egry, Auxy, Juranville, Corbeilles-en-Gâtinais, Lorcy et Bordeaux-en-Gâtinais, en tant qu'elle concerne le compte de communauté n° 368 de M. et Mme E... et le compte n° 1502 des biens propres de MmeE....

Par un jugement n° 1300968 du 31 décembre 2013, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 mars et 12 décembre 2014 et le 27 juillet 2015, M. C...et Mme B...E...ainsi que M. A...E..., représentés par MeF..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 31 décembre 2013 ;

2°) d'annuler, au besoin après avoir ordonné une mesure d'expertise, la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 11 décembre 2012 en tant qu'elle concerne le compte de communauté n° 368 de M. et Mme E... et le compte n° 1502 des biens propres de Mme E...;

3°) de mettre à la charge du département du Loiret le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il est insuffisamment motivé et comporte une contradiction de motifs en ce qui concerne l'aggravation des conditions d'exploitation ;

- le procès-verbal établi à l'issue de la séance du 11 décembre 2012 de la commission départementale d'aménagement foncier méconnaît les dispositions de l'article R.121-4 du code rural en ce qu'il n'était pas signé et que cela les privent d'une garantie ;

- la séance du 11 décembre 2012 de la commission départementale d'aménagement foncier s'est déroulée de façon irrégulière dès lors que des personnes extérieures à cette commission, et notamment les géomètres, membres du cabinet Géo 3D, ont assisté au délibéré ;

- la commission départementale d'aménagement foncier n'a pas tiré toutes les conséquences du jugement du 23 février 2012 du même tribunal prononçant l'annulation de sa précédente décision des 9, 10 et 11 février 2011, et n'a pas modifié les attributions pour tenir compte du site de Marcilly retenu comme centre de l'exploitation ;

- l'autorité de chose jugée attachée au jugement précité du 23 février 2012 n'impliquait pas que le site de Bordeaux en Gâtinais ne puisse être retenu comme centre d'exploitation principal ainsi qu'ils le souhaitaient ;

- les dispositions de l'article L. 123-6 du code rural ont été méconnues dès lors qu'il a été estimé que le regroupement parcellaire opéré pour les deux comptes de propriétaire pouvait justifier qu'il soit dérogé au principe d'unité de parcelle par masse de répartition ;

- le principe de l'unité de parcelle par masse de répartition a été méconnu, en particulier s'agissant du site d'exploitation de Marcilly à Beaune La Rollande dont l'une des principales parcelles se trouve coupée en deux par un fossé d'écoulement des eaux gênant fortement l'exploitation ;

- l'aggravation des conditions d'exploitation est établie car le regroupement parcellaire ne justifiait pas un allongement de la distance moyenne au centre d'exploitation ;

- c'est à tort que la commission n'a pas retenu l'existence d'un quelconque préjudice subi par eux à l'issue des opérations de remembrement, alors que l'aggravation des conditions d'exploitation apparaît vraisemblable.

Par des mémoire enregistrés le 18 août 2014 et les 30 mars et 3 septembre 2015, le département du Loiret, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2500 euros soit mise à la charge des consorts E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les consorts E...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Senejean, avocat des consortsE..., et de Me Lucien-Baugas, avocat du département du Loiret.

1. Considérant que M. C...E..., son épouse Mme B...E...et M. A... E...ont, dans le cadre des opérations d'aménagement foncier des communes de Batilly-en-Gâtinais, Beaune-la-Rolande, Egry, Auxy, Juranville, Corbeilles-en-Gâtinais, Lorcy et Bordeaux-en-Gâtinais consécutives aux travaux de construction de l'autoroute A 19 (Artenay-Courtenay), demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 11 décembre 2012 en tant qu'elle concerne le compte de communauté n°368 de M. C...E...et de Mme B...E...et le compte n° 1502 des biens propres de Mme E...; qu'ils relèvent appel du jugement du 31 décembre 2013 par lequel cette juridiction a rejeté leur demande ;

Sur la légalité de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 11 décembre 2012 :

En ce qui concerne la procédure suivie :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R.121-4 du code rural et de la pêche maritime : " Il est tenu procès-verbal des séances sur un registre coté et paraphé avec indication des membres présents. Les procès-verbaux sont signés par le président et par le secrétaire " ; qu'il résulte de l'instruction que le procès-verbal de la séance de la commission d'aménagement foncier du Loiret qui s'est tenue le 11 décembre 2012 comportait la signature du président ainsi que celle du secrétaire de séance ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R.121-4 du code rural et de la pêche maritime doit être écarté comme manquant en fait ;

3. Considérant, en second lieu, que si l'article L. 121-8 du code rural et de la pêche maritime prévoit que la commission départementale d'aménagement foncier peut appeler à titre consultatif toute personne dont il lui paraît utile de recueillir l'avis, cet article n'a ni pour objet ni pour effet de permettre à des personnes n'appartenant pas à la commission d'assister, même à titre consultatif, aux délibérations de celle-ci lorsqu'elle statue, en dehors de la présence des réclamants et des autres intéressés, sur les demandes dont elle est saisie, ces personnes pouvant seulement être, comme les auteurs des réclamations, entendues par la commission départementale ; qu'il ressort des énonciations du procès-verbal établi à l'issue de la séance de la commission d'aménagement foncier du Loiret du 11 décembre 2012 que " cette commission a accepté à l'unanimité la présence pour la séance de deux géomètres, membres du cabinet d'étude Géo3D retenu pour réaliser l'opération de remembrement foncier litigieuse ", étant précisé que " ces derniers ne participeront pas au vote " ; que ces énonciations, qui sont corroborées par l'attestation établie par le président de la commission d'aménagement foncier du Loiret, ne sont, quand bien même ce procès-verbal n'a pas fait mention expresse de la sortie des deux géomètres, contredites par aucun élément du dossier de nature à établir, ainsi que le prétendent les requérants, que ces deux personnes auraient en réalité été présentes lors de la délibération de la commission ;

En ce qui concerne le centre d'exploitation :

4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 123-1 du code rural : " L'aménagement foncier agricole et forestier, applicable aux propriétés rurales non bâties, se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. / Il a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis. Il doit également avoir pour objet l'aménagement rural du périmètre dans lequel il est mis en oeuvre. / Sauf accord des propriétaires et exploitants intéressés, le nouveau lotissement ne peut allonger la distance moyenne des terres au centre d'exploitation principale, si ce n'est dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire.", et qu'aux termes de l'article

L.121-10 du même code : "La commission départementale d'aménagement foncier a qualité pour modifier les opérations décidées par la commission communale ou intercommunale d'aménagement foncier. Ses décisions peuvent, à l'exclusion de tout recours administratif, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir par les intéressés ou par le préfet devant la juridiction administrative. En cas d'annulation par cette juridiction d'une décision de la commission départementale, la nouvelle décision de la commission doit intervenir dans le délai d'un an à compter de la date à laquelle cette annulation est devenue définitive" ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C...E...exercent leur activité au sein d'une seule exploitation devenue, suite à l'installation de leur fils Tanguy à compter du 13 janvier 2011, la SCEAE... ; qu'ils disposaient, à la date à laquelle la commission départementale d'aménagement foncier du Loiret s'est prononcée une première fois sur leur réclamation par la décision des 9,10 et 11 février 2011, d'une maison d'habitation et de hangars dans le hameau de Marcilly à Beaune-la-Rolande, d'un hangar et d'une maison d'habitation à Mondésir sur la commune de Corbeilles, et de deux hangars, d'un bâtiment de stockage et d'un terrain à bâtir sur le site de Bordeaux-en-Gâtinais ; que, par un jugement du 23 février 2012 devenu définitif, le tribunal administratif d'Orléans a estimé que le site de Bordeaux-en-Gâtinais ne disposait pas, à la date de l'arrêté ordonnant l'opération d'aménagement, soit au 15 juin 2007, d'un bâtiment d'habitation et ne pouvait être regardé, malgré le souhait des demandeurs qui faisaient valoir un projet de construction, comme un centre d'exploitation principal ; qu'il a ensuite annulé la décision de la commission prise les 9, 10 et 11 février 2011 pour avoir retenu à tort le site de Mondésir comme centre de l'exploitation et a désigné le site de Marcilly à Beaune-la-Rolande comme devant être pris en compte comme le centre d'exploitation principale au sens des dispositions de l'article L.123-1 précité du code rural et de la pêche maritime ; qu'à la suite de ce jugement la commission départementale d'aménagement foncier du Loiret s'est, conformément aux dispositions précitées de l'article L.121-10 du code rural, réunie pour statuer à nouveau sur la réclamation des consorts E...pour leurs comptes de propriété n° 368 et 1502 et a apprécié le bien-fondé de cette réclamation en retenant comme centre d'exploitation celui de Beaune-La-Rollande, lieu-dit Marcilly ; qu'en se bornant à soutenir que la commission se serait à tort estimée liée par l'autorité de la chose jugée résultant du premier jugement du tribunal administratif d'Orléans du 23 février 2012, les requérants n'établissent par que cet organisme, qui a précisément justifié son choix de retenir comme centre d'exploitation celui de Beaune-La-Rollande lieu-dit Marcilly, n'aurait pas pleinement exercé les compétences que lui confère l'article L.121-10 du code rural et aurait commis une erreur d'appréciation, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L.123-1 du code rural ;

En ce qui concerne le principe d'unité de parcelle par masse de répartition :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L.123-6 du code rural : "Sauf exception justifiée, il n'est créé qu'une seule parcelle par propriétaire dans une masse de répartition" ; que le moyen tiré du non respect de ces prescriptions, qui au demeurant n'a pas été soulevé devant la commission départementale d'aménagement foncier, n'est étayé par aucun argument ou élément de preuve, les requérants se bornant, alors qu'une masse de répartition doit s'entendre comme un ensemble de terrains compris à l'intérieur de limites physiques telles que des chemins ou des ruisseaux, à invoquer la présence d'un fossé sur l'une des parcelles attribuées ; qu'il ne peut dès lors qu'être écarté ;

En ce qui concerne l'aggravation des conditions d'exploitation :

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, s'agissant du compte n° 1502, la distance moyenne pondérée au centre d'exploitation a diminué suite aux opérations d'aménagement foncier ; que si, s'agissant du compte n° 368, les mesures retenues par le département, qui font également état d'une diminution de la distance moyenne pondérée au centre d'exploitation, sont contestées de manière sérieuse par les requérants sur la base d'une expertise privée réalisée à leur demande qui fait, quant à elle, état d'un allongement de parcours de 929 mètres sur une distance initiale de 5,770 kms, il ressort des pièces du dossier que cet allongement, à le supposer établi, doit être regardé comme résultant des nécessités du regroupement parcellaire, qui a ramené pour le compte concerné le nombre de parcelles auparavant disséminées de 63 à 14, dont plusieurs immédiatement contigües et qui constituent 6 lots seulement ; que, dans ces conditions, la circonstance d'un allongement relatif de distance au centre d'exploitation ne saurait être regardée, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, comme constituant à lui seul une aggravation globale des conditions d'exploitation du compte litigieux ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par les requérants, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L.123-1 du code rural et de la pêche maritime en raison d'une aggravation des conditions d'exploitation doit être écarté, ;

En ce qui concerne la demande d'indemnisation :

8. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L.123-24 à L.123-26 du code rural et de la pêche maritime que, lorsqu'une opération d'aménagement foncier de remembrement est effectuée en vue de la réalisation d'un grand ouvrage public et qu'il apparaît inévitable de déroger aux dispositions de l'article L.123-1 du code rural, les propriétaires pour lesquels, du fait de ces dérogations, des préjudices subsistent au terme des opérations de remembrement, sont fondés à demander au maître de l'ouvrage réparation des dommages résultant de ces opérations, constatés à l'issue de celles-ci, à titre de dommages de travaux publics ; que les commissions communales et départementales d'aménagement foncier, qui sont dépourvues de compétence pour allouer des indemnités portant réparation de ces préjudices, ne peuvent connaître de demandes tendant à l'attribution de telles indemnités ; qu'il suit de là que les consorts E...ne peuvent utilement soutenir que la commission départementale d'aménagement foncier aurait à tort refusé de statuer sur leur demande indemnitaire ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé et n'est entaché d'aucune contradiction, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Loiret, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, à le versement aux consorts E...de la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en l' espèce, de mettre à la charge des consorts E...le versement au département du Loiret d'une somme de 1500 euros au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C...et Colette E...et de M. A...E...est rejetée.

Article 2 : M. et Mme C...et Colette E...et de M. A...E...verseront solidairement une somme de 1500 euros au département du Loiret au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...et ColetteE..., à M. A... E...et au département du Loiret.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Specht, premier conseiller,

Lu en audience publique le 1er octobre 2015.

Le rapporteur,

O. COIFFET

Le président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00574


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00574
Date de la décision : 01/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LE PETIT-LEBON

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-10-01;14nt00574 ?
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