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22/12/2015 | FRANCE | N°15NT01516

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 22 décembre 2015, 15NT01516


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D..., épouseA..., ressortissante de la République Centrafricaine, a sollicité l'acquisition de la nationalité française et s'est vue opposer un refus par le préfet de Seine Maritime, le 20 septembre 2011.

Elle a formé un recours administratif contre cette décision, qui a été rejeté le 18 mars 2012 par le ministre de l'Intérieur.

Par un jugement n° 1204695 du 18 mars 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande formée par l'intéressée à l'encontre du refus du

ministre de l'intérieur.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D..., épouseA..., ressortissante de la République Centrafricaine, a sollicité l'acquisition de la nationalité française et s'est vue opposer un refus par le préfet de Seine Maritime, le 20 septembre 2011.

Elle a formé un recours administratif contre cette décision, qui a été rejeté le 18 mars 2012 par le ministre de l'Intérieur.

Par un jugement n° 1204695 du 18 mars 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande formée par l'intéressée à l'encontre du refus du ministre de l'intérieur.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mai 2015, Mme C...D..., épouseA..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 mars 2015 ;

2°) d'enjoindre au ministre, à titre principal, de procéder à sa naturalisation, et à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

MmeD..., épouseA..., soutient que :

- le tribunal a inexactement qualifié les faits caractérisant sa situation personnelle ;

- qu'elle remplit les conditions requises pour se voir octroyer la nationalité française ;

- que le refus qui lui a été opposé par le ministre n'est pas motivé ;

- que l'administration ne pouvait pas se contenter de renvoyer aux motifs de la décision préfectorale ;

- que l'administration aurait dû prononcer à son encontre une mesure d'ajournement ;

- que les reproches qui lui sont adressés s'agissant de ses déclarations relatives à sa situation familiale ne pouvaient justifier sans erreur manifeste d'appréciation une décision de refus ;

- qu'elle pouvait estimer de bonne foi inutile de déclarer avoir eu deux enfants décédés en 2008, n'ayant désormais plus qu'un seul enfant ;

- que les insuffisances du système d'état-civil centrafricain expliquent les différences d'orthographe entre les actes de naissance et les actes de décès de ses enfants ;

- qu'il n'existait aucune raison de douter de l'authenticité des actes d'état-civil qu'elle a produits ;

- qu'elle vit régulièrement en France depuis 1999 :

- qu'elle est conjointe d'un ressortissant français et exerce une activité professionnelle lui procurant des revenus suffisants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que les premiers juges ont correctement apprécié la situation personnelle de l'intéressée, que la demande de substitution de motif qu'il présente est fondée et doit être accueillie, et que les moyens d'annulation soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mony.

1. Considérant que MmeD..., épouseA..., ressortissante de la République centrafricaine, relève appel du jugement du 18 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande qui tendait à l'annulation de la décision du 16 mars 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation ;

Sur les conclusions en annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret (...) doit être motivée " ; et qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande ( ...) " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D...ait, dans les délais du recours contentieux, demandé que lui soient communiqués les motifs de la décision implicite de rejet qui lui a été opposée par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit, par suite, être écarté ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les incertitudes pouvant exister sur la composition exacte de la famille du postulant ;

4. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier de première instance que le ministre de l'intérieur a fait valoir en défense que sa décision implicite de rejet devait être regardée comme fondée sur la circonstance que Mme D...avait à l'occasion de sa demande de naturalisation fait une fausse déclaration au sujet de ses enfants, en indiquant n'avoir qu'un enfant né en France alors qu'elle avait eu deux enfants nés en République centrafricaine ; que par le même mémoire le ministre, reconnaissant ne pas être en réalité en mesure de vérifier l'authenticité des actes d'état-civil produits par la requérante à l'appui de sa demande, a demandé une substitution de motifs, faisant valoir que sa décision aurait pu être régulièrement motivée, à la date où elle a été prise, par la circonstance qu'il n'était pas en mesure de connaître la situation familiale précise de Mme D...compte tenu des incohérences qui entachaient les actes de naissance et de décès produits relativement à ses enfants ; que cette demande de substitution de motifs est réitérée en appel ;

5. Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion de sa demande de naturalisation Mme D...n'a pas déclaré l'existence des enfants Fatoumata Drame né en 1997 et Inès Grichard-Koreia née en 2001 ; que si elle a produit des actes de naissance les concernant, dont l'un dressé à la suite de la transcription de jugement supplétif, ainsi que des actes de décès, ces actes présentent entre eux de nombreuses incohérences, tenant à l'orthographe des noms et prénoms des enfants, ainsi qu'à l'indication de l'identité du père des enfants, laquelle est précisée dans l'acte de décès de l'enfant Inès Grichard-Koreia, mais non dans l'acte de naissance du même enfant ; que les actes en question étant de ce fait dépourvus de caractère probant, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que Mme D...ne l'a pas mis en mesure d'apprécier la réalité de sa situation familiale ; qu'il ressort de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision de rejet en se fondant initialement sur ce motif ; qu'il y a lieu, dès lors, de procéder à la substitution de motifs demandée par le ministre, laquelle n'a privé Mme D...d'aucune garantie ;

7. Considérant, en dernier lieu, que si Mme D...fait valoir qu'elle dispose d'un emploi stable, qu'elle est mariée avec un ressortissant français et mère d'un enfant français, ces circonstances sont, eu égard au motif sur laquelle est fondée la décision en litige, sans incidence sur la légalité de cette dernière ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MmeD..., épouseA..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fins d'injonction présentées par Mme D...ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme D...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...épouse A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D..., épouse A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président,

- M. Mony, premier conseiller,

- Mme Piltant, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 décembre 2015.

Le rapporteur,

A. MONYLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT01516


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01516
Date de la décision : 22/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : SCP BRESSOT BRESSON

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-12-22;15nt01516 ?
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