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19/05/2016 | FRANCE | N°15NT03126

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 19 mai 2016, 15NT03126


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G...et Mme F...G...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Huismes (Indre-et-Loire) à leur verser, à titre de provision, la somme de 12 095,69 euros assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité d'accéder à leur propriété située 9 rue de la Tourette du fait de travaux de voirie exécutés en 2013 sur cette voie.

Par une ordonnance n° 1501916 du 22 septembre 2015, le juge des référés du tribunal admin

istratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G...et Mme F...G...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Huismes (Indre-et-Loire) à leur verser, à titre de provision, la somme de 12 095,69 euros assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité d'accéder à leur propriété située 9 rue de la Tourette du fait de travaux de voirie exécutés en 2013 sur cette voie.

Par une ordonnance n° 1501916 du 22 septembre 2015, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 octobre 2015 et le 15 janvier 2016, M. B... G...et Mme F...G..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif d'Orléans du 22 septembre 2015 ;

2°) de condamner la commune de Huismes à leur verser, à titre principal, une somme de 14 095,69 euros, ou, à titre subsidiaire, une somme de 7 845,69 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Huismes la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'ordonnance est insuffisamment motivée ; le juge n'a pas précisé les motifs pour lesquels les travaux en litige relevaient d'un autre régime que celui des travaux publics ;

- l'ordonnance est fondée sur un moyen relevé d'office tiré de la responsabilité pour dommages permanents de travaux publics qui n'était pas soulevé et qui n'a pas été communiqué aux parties en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- contrairement à ce que fait valoir la commune en défense, la responsabilité sans faute, qu'elle soit fondée sur la rupture d'égalité devant les charges publique ou " pour risque ", constitue une même cause juridique ; les conclusions subsidiaires présentées en appel sont donc recevables ;

- les travaux réalisés en 2013 par la commune qui ont eu pour objet la réfection de la rue de la Tourette en rehaussant le niveau de la voie ont eu comme conséquence de les priver de tout accès en véhicule à leur propriété ; ces travaux ne relèvent pas du régime applicable à la modification de la circulation générale, qui concerne des travaux de grande ampleur, mais de celui de la responsabilité du fait des travaux publics ;

- l'expert a conclu que l'impossibilité d'accès à la propriété était en lien direct avec les travaux ; l'accès à la propriété avant travaux présentait une certaine difficulté mais n'était pas impossible ; ils subissent un préjudice anormal et spécial ; aucune faute ne peut leur être imputée ;

- les frais et honoraires d'expertise supportés s'élèvent à 2 091,59 euros ; les travaux de remise en état pour permettre l'accès des véhicule à leur propriété s'élèvent à 5 754,10 euros ; ils sont également fondés à demander l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence qu'ils subissent du fait de l'impossibilité d'accéder à leur propriété, soit une indemnité de 250 euros par mois, depuis la réalisation des travaux, achevés le 18 octobre 2013, jusqu'à la réception des travaux de remise en ordre de la chaussée ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2015, la commune de Huismes, représentée par Me D..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la société Archi'Paysages, maître d'oeuvre des travaux, soit condamnée à la garantir des condamnations qui serait prononcées à son encontre ;

3°) et à ce que soit mise à la charge de M. G... et MmeG..., ou, à titre subsidiaire, de la société Archi'Paysages, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions présentées à titre subsidiaire en appel par les consortsG..., fondées sur le régime de la responsabilité pour rupture d'égalité devant les charges publiques du fait de dommages permanents liés à la modification de la circulation générale, sont nouvelles en appel et relèvent d'une cause juridique distincte de celle invoquée en première instance, fondée sur le régime de responsabilité pour risque du fait des dommages liés à l'existence, l'entretien ou le fonctionnement de l'ouvrage public ; ces conclusions soulevées pour la première fois en appel ne sont pas recevables ;

- les moyens soulevés par M. G...et Mme G...ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, la société Archi'Paysage, maître d'oeuvre a manqué à son obligation de conseil lors de la réception des travaux en ne lui permettant pas d'émettre des réserves ; la responsabilité de la société peut être recherchée sur le terrain de la responsabilité décennale dès lors que l'origine du désordre est un défaut de conception qui affecte l'ouvrage réceptionné et rend la voirie et le nouvel accès réalisé au droit de la propriété des consorts G...impropres à leur destination ;

Par des mémoires, enregistrés les 16 décembre 2015 et 12 février 2016, la société Archi'Paysages, représentée par la SCP d'avocats Lemaignen-Wlodyka-de Gaullier conclut au rejet de la demande d'appel en garantie présentée par la commune de Huismes et à ce que soit mise à la charge des consortsG..., ou, à défaut, de la commune d'Huismes, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requête des consorts G...n'est pas fondée ;

Par une ordonnance du 9 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mars 2016 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Specht,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me C...représentant M. et Mme G... et de Me H..., substituant Me D..., représentant la commune de Huisme.

1. Considérant que M.G..., domicilié..., domiciliée... ; qu'ils recherchent la responsabilité de cette commune en raison de l'impossibilité d'accéder en véhicule à cette propriété à la suite des travaux de réfection de cette voie que la commune a fait réaliser en octobre 2013 ; que les consorts G...relèvent appel de l'ordonnance du 22 septembre 2015 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande ;

Sur le caractère non contestable de l'obligation de la commune de Huisme :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) " ;

3. Considérant que les conclusions présentées en appel par les consortsG..., fondées sur le régime de responsabilité sans faute des personnes publiques à l'égard des riverains du fait de dommages liés à la modification de la circulation générale, sur lequel s'est d'ailleurs fondé le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans pour apprécier la demande dont il était saisi, ne relèvent pas d'une cause juridique distincte de celle invoquée par les demandeurs en première instance, fondée sur le régime de responsabilité sans faute du fait des dommages causés à des tiers liés à l'existence, l'entretien ou le fonctionnement d'un ouvrage public ; que, par suite, la fin de non recevoir de la commune tirée de ce que les conclusions seraient présentées pour la première fois en appel par les requérants ne peut qu'être écartée ;

4. Considérant que si, en principe, les modifications apportées à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il en va autrement dans le cas où ces modifications ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains à la voie publique ; qu'il y a lieu, dans cette hypothèse, de rechercher si ces modifications n'ont pas eu pour effet de rendre cet accès excessivement difficile et s'il n'en résultait pas pour les intéressés, dans les circonstances de l'espèce, un préjudice grave et spécial ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes du rapport d'expertise établi le 25 novembre 2014 par M. E..., désigné par une ordonnance du 30 janvier 2014 du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans à la demande des consortsG..., que " les travaux de réfection de la voirie (de la rue de la Tourette) avec modification du sens des pentes ont accentué le problème d'accès à la propriété des consorts G...et ne permettaient plus l'accès d'un véhicule de tourisme standard " ; que si la commune de Huismes et la société Archi'Paysages, maître d'oeuvre appelé en garantie par la commune, font valoir que l'accès à la propriété avec un véhicule était déjà impossible avant les travaux, il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des conclusions du rapport de l'expert, que les hypothèses de courbure de la voie invoquées en défense pour démontrer cette impossibilité d'accès ne peuvent être retenues et que si le niveau de seuil du portail avant les travaux présentait déjà une certaine difficulté, ainsi que le reconnaissent d'ailleurs les requérants, l'accès n'était pas impossible ; que par ailleurs, la circonstance que la présence de végétation révèle que le portail d'accès à la propriété n'était pas utilisé depuis plusieurs années est sans incidence sur l'atteinte au droit des riverains d'accéder à la voie publique ; que, par suite, les modifications apportées à l'assiette de la voie et à son aménagement ont pour conséquence d'interdire l'accès des consorts G...à leur propriété ainsi qu'à la voie publique, ce qui constitue pour eux un préjudice grave et spécial ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce préjudice aurait également pour cause une faute des consorts G...de nature à réduire même partiellement leur droit à indemnisation ; que, par suite l'obligation de réparation à la charge de la commune de Huismes n'est pas sérieusement contestable ; que, par suite, c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a estimé que cette obligation était sérieusement contestable ;

En ce qui concerne le montant de la provision :

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes du rapport d'expertise que les travaux nécessaires pour surélever le portail au niveau de la route s'élèvent à 4 236,10 euros toutes taxes comprises et que les travaux de reprise du revêtement devant le seuil du portail s'élèvent à 1 518,00 euros toutes taxes comprises, soit une somme totale de 5 754,10 euros toutes taxes comprises qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Huismes ;

7. Considérant, en second lieu, que les consorts G...n'établissent pas la réalité des troubles de jouissance invoqués du fait de l'impossibilité d'accéder à leur propriété par la rue des Tourettes alors, qu'ainsi que le relève la commune de Huismes, l'accès des véhicules paraissait inutilisé depuis de nombreuses années compte tenu de la présence de végétation en obstruant l'accès ; que, par suite, la demande tendant au versement d'une somme de 250 euros par mois depuis la réalisation des travaux en octobre 2013 doit être rejetée ;

En ce qui concerne les intérêts :

8. Considérant que les consorts G...ont demandé, dans leur requête devant le tribunal administratif d'Orléans, enregistrée le 2 juin 2015, les intérêts au taux légal sur l'indemnité octroyée ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande des requérants à compter de cette date ;

En ce qui concerne les frais et honoraires d'expertise :

9. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Huismes les frais et honoraires de l'expertise, d'un montant de 2 091,60 euros toutes taxes comprises, taxés et liquidés par une ordonnance du 16 décembre 2014 du président du tribunal administratif d'Orléans et réglés par M. G...et MmeG... ;

Sur l'appel en garantie :

10. Considérant que les travaux de réfection de la rue de Tourettes ont été réalisés dans le cadre d'un marché de travaux publics passé par la commune et dans lequel la société Archi'paysage était maître d'oeuvre ; que les travaux de réfection de la rue de Tourettes, ont fait l'objet d'une réception sans réserve le 18 octobre 2013 ;

11. Considérant, en premier lieu, que la commune de Huismes demande que la société Archi'Paysages soit condamnée à la garantir des condamnations prononcées à son encontre pour avoir manqué à son devoir de conseil à l'occasion de la réception des travaux en n'ayant pas attiré son attention sur le fait que la conception de l'ouvrage allait rendre impossible l'accès en véhicule à la propriété des consortsG... ; que toutefois, le devoir de conseil du maître d'oeuvre, au moment de la réception, ne concerne que l'état de l'ouvrage achevé ; qu'il ne s'étend pas aux désordres causés à des tiers par l'exécution du marché ; que, par suite, la demande de la commune ne peut qu'être rejetée ;

12. Considérant en second lieu, que si la commune invoque également à l'encontre de la société Archi'Paysage la garantie décennale des constructeurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'impossibilité d'accès en véhicule à la propriété des consortsG..., qui au demeurant était apparente lors de la réception de l'ouvrage, laquelle n'a pas fait l'objet de réserves, serait de nature à rendre l'ouvrage constitué par la voie publique impropre à sa destination ; que, par suite, les conclusions d'appel en garantie de la commune de Huisme dirigées contre la société Archi'Paysage ne peuvent qu'être rejetées ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. G...et Mme G...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande ; que les conclusions d'appel en garantie présentées en défense par la commune de Huismes sont rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. G... et de Mme G... qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la commune de Huismes et la société Archi'Paysage demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Huismes le versement de la somme de 2 000 euros à M. G... et à Mme G... et le versement de la même somme à la société Archi'Paysages en application de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1501916 du 22 septembre 2015 du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans est annulée.

Article 2 : La commune de Huismes versera à M. G...et à Mme G...la somme de 5 754,10 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2015.

Article 3 : Les frais et honoraires d'expertise d'un montant de 2 091,60 euros sont mis à la charge de la commune de Huismes.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées en appel par la commune de Huismes sont rejetés.

Article 5 : La commune de Huismes versera la somme de 2 000 euros, d'une part, à M. G... et à Mme G...et, d'autre part, à la société Archi'Paysages en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G..., à Mme F...G...à la commune de Huismes et à la société Archi'Paysage.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 mai 2016.

Le rapporteur,

F. SpechtLe président,

O. Coiffet

Le greffier,

A. Maugendre

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT03126


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03126
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SIMARD

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-05-19;15nt03126 ?
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