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19/07/2016 | FRANCE | N°14NT01684

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 juillet 2016, 14NT01684


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 29 octobre 2012 par laquelle France Télécom l'a exclu de ses fonctions pour une durée de 18 mois dont 11 mois assortis du sursis.

Par un jugement n° 1205211 du 24 avril 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M.A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juin 2014 et le 1er mars 2016, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 avril 2014 ;

2°) d'annuler la d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 29 octobre 2012 par laquelle France Télécom l'a exclu de ses fonctions pour une durée de 18 mois dont 11 mois assortis du sursis.

Par un jugement n° 1205211 du 24 avril 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M.A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juin 2014 et le 1er mars 2016, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 avril 2014 ;

2°) d'annuler la décision de France Télécom du 29 octobre 2012 ;

3°) d'enjoindre à France Télécom de le réintégrer dans ses fonctions, dés notification de l'arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de France Télécom la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il n'a jamais intégré les grades de France Télécom en vertu de l'article 29 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 et relève toujours, en vertu de l'article 44 de cette même loi qui accorde le droit au maintien du statut originel des fonctionnaires des PTT, de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 et du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire des fonctionnaires d'Etat ;

- le décret n° 90-1229 du 31 décembre 1990, pris pour l'application de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990, est illégal puisqu'il prévoit une intégration d'office par décision du président de France Télécom ou de la Poste, en méconnaissance des dispositions de l'article 44 de cette même loi du 2 juillet 1990 et en méconnaissance du principe de l'article 12 de la loi n° 83-634, aux termes duquel l'intégration dans un grade résulte d'une titularisation dans ce grade, qui doit figurer au dossier de l'intéressé ;

- France Télécom n'était donc pas compétent pour prendre la décision litigieuse et celle-ci méconnaît l'article 44 de la loi du 2 juillet 1990, l'article 3-1 de la directive n° 77/187/CEE, la directive 2001/123/CE et les articles 2 et 3 de la directive 91/533/CEE ;

- en application de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984, l'organisme siégeant en matière disciplinaire aurait du être saisi par un rapport de l'autorité disciplinaire, qui n'était pas, eu égard à sa qualité de fonctionnaire d'Etat, le président de France Télécom ;

- la procédure est irrégulière car la décision litigieuse devait être précédée de l'avis d'une commission administrative paritaire en application de l'article 1er du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- son droit à communication du dossier et le principe du contradictoire n'ont pas été respectés puisque le rapport comportait une appréciation subjective et que le dossier disciplinaire ne comportait pas ses notes, mais comportait des pièces anciennes datant des années 1990, alors que deux lois d'amnistie étaient intervenues depuis en 1995 et 2002, ainsi qu'un rapport d'enquête de 2010, qui n'y avait pas sa place ;

- le rapporteur a assisté à l'intégralité des débats et est intervenu, ce qui constitue une irrégularité au regard de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ;

- la matérialité des faits n'est pas établie ; aucune pièce produite par France Télécom ne révèle d'agression physique factuelle du responsable d'équipe le 29 mars 2012 ; la charge de la preuve incombe en la matière à l'administration ;

- la décision litigieuse est entachée d'erreur d'appréciation dés lors que l'employeur a souhaité sanctionner l'agent d'une manière générale et non des faits précis ;

- la sanction est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2014, la société Orange, venant aux droits de France Télécom, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la loi du 2 juillet 1990 a pérennisé la qualité de fonctionnaire des personnels concernés au sein de France Télécom ; ces personnels en activité, affectés au 31 décembre 1990 dans un service relevant de la direction générale des télécommunications, comme M.A..., ont été placés de plein droit sous l'autorité du président du conseil d'administration de France télécom : l'article 44 de la loi du 2 juillet 1990 a eu pour effet d'intégrer ces fonctionnaires, à compter du 1er janvier 1991, dans les grades de France Télécom ; M. A...est donc bien placé sous l'autorité du président de France Télécom, qui dispose à son encontre, du pouvoir disciplinaire ;

- c'est conformément à l'article 2 du décret n° 2004-980 du 17 septembre 2004, que l'organisme siégeant en conseil de discipline a été saisi par un rapport émanant de l'autorité investie au sein de France télécom ;

- le dossier personnel de M. A...n'est affecté d'aucune irrégularité ;

- l'assistance et l'intervention du rapporteur à l'intégralité des débats ne sont pas une cause d'irrégularité car l'organisme disciplinaire n'est pas une juridiction ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 n'est pas applicable à France Télécom ;

- les faits sanctionnés ont été commis en 2012, donc après les lois d'amnistie invoquées de 1995 et 2002 ; ces faits constituent des manquements à l'honneur et à la probité, exclus du bénéfice de l'amnistie ; à supposer même que le dossier ait comporté des sanctions amnistiées, celles-ci n'ont pas été évoquées lors de l'instance disciplinaire et n'ont pas été prise en compte pour justifier la décision litigieuse ;

- la sanction est suffisamment motivée ;

- la matérialité des faits est établie ;

- France Télécom pouvait prendre en compte le comportement général du fonctionnaire et son caractère pour justifier le prononcé d'une sanction ; la sanction n'est ni entachée d'erreur d'appréciation ni disproportionnée.

Par ordonnance du 15 mars 2016, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977 ;

- la directive n° 91/533/CEE du 14 octobre 1991 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications ;

- la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;

- la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- le décret n° 90-1229 du 31 décembre 1990 relatif au statut particulier du corps des aides techniciens des installations de La Poste et du corps des aides et techniciens des installations de France Télécom ;

- le décret n° 94-131 du 11 février 1994 relatif aux commissions administratives paritaires de France Télécom ;

- le décret n° 96-1174 du 27 décembre 1996 approuvant les statuts de France Télécom et portant diverses dispositions relatives au fonctionnement de l'entreprise nationale ;

- le décret n° 2004-980 du 17 septembre 2004 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de France Télécom ;

- le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 portant dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France Télécom ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me Vallais, avocat de M.A..., et celles de Me Delvolvé, avocat de la société Orange.

1. Considérant que le 25 mars 1976, M. A...a été recruté comme ouvrier d'Etat pour travailler à la direction des télécommunications de Paris ; qu'après avoir été titularisé en 1977, il a été intégré en 1979 dans un corps de fonctionnaires de catégorie C au grade d'agent technique des installations de 2ème classe ; qu'après la création de France Télécom par la loi du 2 juillet 1990, M. A...a été intégré d'office dans un corps dit " de reclassement " de fonctionnaires de France Telecom mais n'a pas sollicité son intégration dans les nouveaux corps dits " de reclassification " ; qu'alors que M. A...travaillait depuis septembre 2011 comme technicien d'intervention client dans l'unité intervention de Guingamp, par une décision du 29 octobre 2012 la directrice Orange Ouest a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de dix-huit mois, dont onze assortis de sursis ; que M. A...relève appel du jugement du 24 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 29 octobre 2012 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que la sanction litigieuse repose sur les motifs suivants : " Agression physique de votre manager le 29 mars 2012/ Et depuis votre arrivée à l'Unité d'Intervention Bretagne : - Dénigrement quasi systématique de France Télécom et ses collaborateurs ; - Menaces physiques et verbales fréquentes ; - Refus d'obéissance répétés, sinon permanents ; - Non respect récurrent des règles de sécurité et des consignes données " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité.(...) Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi.(...) " ;

4. Considérant qu'il n'est pas contesté que le dossier auquel M. A...a eu accès ne comportait pas un rapport d'enquête établi en 2010, alors que ce rapport est plusieurs fois évoqué dans le rapport d'enquête établi à propos des faits qui se sont produits les 28 et 29 mars 2012, ainsi que dans le rapport établi par la directrice Orange Ouest et soumis à l'examen de la commission administrative paritaire ; que les éléments de ce rapport établi en 2010 mentionnés dans les rapports de 2012 sont très parcellaires et ne permettent de comprendre ni le contexte, ni les constatations ni les conclusions de ce précédent rapport ; que le défaut de communication de ce document, qui a servi lors de la procédure préalable à l'adoption de la sanction litigieuse, est de nature à entacher d'irrégularité cette procédure ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette irrégularité est de nature à avoir privé M. A...d'une garantie et entraine donc l'illégalité de la décision du 29 octobre 2012 ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 24 avril 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de sanction disciplinaire prise par la directrice Orange Ouest le 29 octobre 2012 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

6. Considérant que si M. A...demande qu'il soit enjoint à la société Orange de le réintégrer dans ses fonctions, il ne résulte pas de l'instruction qu'il n'aurait pas, à la date du présent arrêt, déjà repris le travail à l'issue de la période d'exclusion temporaire, qui a pris effet dés le 29 octobre 2012 et qui est donc aujourd'hui terminée ; que par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. A...sont dénuées d'objet et doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société Orange au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Orange le versement à M. A...d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 avril 2014 et la décision de la directrice Orange Ouest du 29 octobre 2012 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 3 : La société Orange versera à M. A...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Orange sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Lenoir, président,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 juillet 2016.

Le rapporteur,

S. RIMEULe président,

L. LAINE

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01684


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01684
Date de la décision : 19/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CABINET GOSSELIN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-07-19;14nt01684 ?
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